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BASILIQUE SAINTE-SOPHIE DE CONSTANTINOPLE |
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BASILIQUE SAINTE-SOPHIE DE CONSTANTINOPLE
HISTOIRE
Les aléas de la postérité
L'ARCHITECTURE
L'extérieur
L'espace intérieur
Le décor
basilique Sainte-Sophie de Constantinople
Sainte-Sophie, Istanbul
Ancienne basilique de Constantinople, construite entre 532 et 548, transformée en mosquée après la prise de la ville par les Ottomans en 1453, et devenue musée (musée de l'Aya Sofya) depuis 1934.
HISTOIRE
Sainte-Sophie, IstanbulSainte-Sophie, Istanbul
C'est en l'année 325, la vingtième de son règne, que l'empereur Constantin fit élever la première basilique, consacrée non pas comme on le croit parfois à une sainte du nom de Sophie, mais à la Sagesse Divine (en grec : Haghia Sophia), sur un emplacement où, du temps où la ville grecque s'appelait encore Byzance, s'élevaient des temples païens. Son fils Constance la fit agrandir et l'Haghia Sophia devint l'église épiscopale de Constantinople. En 404, sous l'empereur Arcadius, elle fut incendiée en partie au cours d'une émeute suscitée par l'exil de saint Jean Chrysostome. Rebâtie en 415 par Théodose II, la basilique fut brûlée une seconde fois en 532 lors de la grande sédition Nika (ou insurrection des Victoriats), causée par des rivalités du Cirque, la cinquième année du règne de Justinien Ier.
C'est à ce dernier empereur que nous devons l'édifice qui existe encore aujourd'hui. Il voulut que le sanctuaire de sa capitale fût le monument le plus magnifique que l'on eût vu depuis la fondation de la ville : aussi fit-il recueillir dans toutes les provinces de l'empire les matériaux les plus précieux, les marbres les plus rares, les colonnes les plus fines des temples les plus renommés. C'est ainsi qu'il reçut d'Éphèse huit colonnes de brèche verte provenant probablement du célèbre temple de Diane, et de Rome huit colonnes de porphyre enlevées autrefois par l'empereur Aurélien au temple de Jupiter Héliopolitain à Baalbek. Les temples grecs d'Athènes, de Délos, de Cyzique, ceux d'Isis et d'Osiris en Égypte, furent aussi mis à contribution.
Deux architectes grecs, Anthémios de Tralles et Isidore de Milet, furent chargés de la direction des travaux, mais on fit courir la légende que l'empereur avait reçu d'un ange le plan de l'édifice et l'argent nécessaire à sa construction. Justinien voulut en jeter les fondations en personne.
Une vaste esplanade, recouverte d'une sorte de ciment formant une couche de vingt pieds d'épaisseur, et qui finit par acquérir la dureté du béton, servit d'assise à la construction. Les murs furent élevés en briques, mais on bâtit les piliers en grandes pierres calcaires qui furent reliées par des crampons de fer, ainsi que des tables de marbre dont tous les murs intérieurs furent revêtus. Dix mille ouvriers conduits par cent maîtres maçons étaient employés à la fois sur le chantier. À toute heure, l'empereur venait surveiller les travaux et récompenser les plus zélés.
Pour la construction du dôme, Justinien fit confectionner à Rhodes des briques d'une terre si légère que douze d'entre elles ne pesaient pas plus qu'une brique ordinaire ; elles portaient l'inscription suivante : « C'est Dieu qui l'a fondé, Dieu lui portera secours. » On les disposa en assises régulières ; de douze en douze assises, on y maçonnait des reliques, et le clergé disait des prières.
Le temple fut décoré avec splendeur, et les sommes immenses dépensées réduisirent l'empereur aux expédients les plus coupables pour se procurer de l'argent. Enfin le monument fut achevé en 548. L'empereur procéda à l'inauguration avec magnificence. Après une marche triomphale sur l'Hippodrome, il se rendit à la basilique et s'écria : « Gloire à Dieu qui m'a jugé digne d'accomplir cet ouvrage ; je t'ai surpassé ô Salomon ! » Les prières, les festins publics et les distributions d'aumônes durèrent quatorze jours.
Les aléas de la postérité
La coupole, bâtie avec trop de hardiesse, s'écroula en 558/559 sous l'effet d'un tremblement de terre. L'architecte Isidore le Jeune fut chargé de la reconstruire. Il diminua son diamètre et renforça les piliers en leur accolant extérieurement de fortes murailles. En 975, sous les empereurs Basile II et Constantin IX, une nouvelle restauration fut nécessaire. En 1347, un séisme endommagea la coupole qui dut être à nouveau restaurée sous la direction des architectes Astaros, Faciolatus et Giovanni Peralta ; les travaux durèrent jusqu'en 1354. En 1371, un nouveau tremblement de terre renversa la croix.
Sainte-Sophie à ConstantinopleSainte-Sophie à Constantinople
Le 29 mai 1453, le soir même de la prise de Constantinople, le sultan Mehmet II se rendit à Sainte-Sophie et donna l'ordre de la transformer en mosquée. Le 1er juin, il y faisait sa prière. Il fit construire un minaret et les deux contreforts qui soutiennent l'édifice au sud-est. Bayazid fit ériger le minaret du nord-est, et le sultan Sélim II, ceux de l'ouest ainsi que de nouveaux murs de soutènement. Les sultans firent de nombreuses donations pour enrichir le sanctuaire : Süleyman Ier (Soliman le Magnifique) offrit deux candélabres qui flanquent le mihrab. Ahmet Ier donna à la loge impériale son aspect actuel et fit suspendre le candélabre qui pend sous la grande coupole. Les inscriptions des cartouches furent l d'un célèbre calligraphe du xviie siècle. Au xviiie siècle, on fit disparaître les mosaïques byzantines sous un épais badigeon, mais en 1847 le sultan Abdülmeçit confia à l'architecte Fossati le soin de restaurer l'édifice, et quelques mosaïques furent alors dégagées. Jusqu'en 1934, Sainte-Sophie, l'Aya Sofya servit ainsi de mosquée. À cette date, Atatürk la fit transformer en musée.
L'ARCHITECTURE
L'extérieur
De l'extérieur, il est très difficile de reconnaître le plan primitif de la basilique. Des contreforts massifs, ajoutés pour étayer l'édifice ébranlé par les tremblements de terre successifs, ainsi que plusieurs constructions postérieures adossées aux murs de la basilique, en masquent l'architecture et alourdissent les formes.
Seuls, les quatre minarets édifiés au xve siècle (lors de la transformation de l'église en mosquée) aux angles de l'édifice allègent quelque peu son aspect extérieur. Celui du nord-est, attribué à Bayazid, est cannelé. Celui du sud-est, assigné à Mehmet Fatih, est polygonal, à facettes planes. Les deux minarets de l'ouest, érigés par Sélim II, sont polygonaux, à nervures saillantes sur les arêtes. La coupole, aujourd'hui surmontée d'un immense croissant, est soutenue par des murs dont les assises sont alternativement blanches et roses.
L'espace intérieur
L'intérieur de l'église, en revanche, est un chef-d'œuvre de légèreté. La lumière y pénètre de toutes parts par sept étages de baies. La base de la coupole, elle-même percée d'une couronne de 40 fenêtres, et flanquée à l'est et à l'ouest de deux demi-coupoles, est soutenue par quatre pendentifs, qui reposent sur des piliers massifs et permettent de passer du plan carré au plan circulaire. Cette coupole de brique de 31 m de diamètre et dont la clé est placée à 55 m du sol, prend appui sur quatre gigantesques piliers et sur les arcs de tête des deux demi-coupoles, par l'intermédiaire de quatre pendentifs imposant un plan circulaire au plan carré délimité par les quatre piliers ; au sol, le sanctuaire se présente intérieurement comme un rectangle de 77 m de long sur 71,20 m de large, partagé en trois travées. La nef centrale est surplombée à l'est et à l'ouest par deux demi-coupoles, dont celle placée à l'est crée une abside en cul-de-four, elle-même prolongée par une absidiole. Ces demi-coupoles, qui flanquent la coupole centrale, sont elles-mêmes flanquées de petites coupoles (une succession de voûtements en cascade que reprendront les architectes ottomans, et notamment Sinan, au xvie s.). Les travées latérales sont surmontées, ainsi que le double narthex permettant d'accéder à la nef, d'une galerie (gynécée) à colonnes de marbre vert.
Au fond de l'abside, le mihrab n'est pas exactement placé dans l'axe de la basilique, mais au contraire désaxé pour indiquer la direction de La Mecque.
Le décor
Jean II ComnèneJean II Comnène
La riche décoration intérieure se signale par une luxuriante polychromie : marbres de couleurs et mosaïques à fond d'or ; les plus justement célèbres sont, entre autres, celles ornant le tympan de la porte ouvrant sur le narthex (la Madone trônant avec l'Enfant ; à ses côtés, Constantin Ier lui offre symboliquement la ville de Constantinople, tandis que Justinien lui présente une maquette de Sainte-Sophie), celle au-dessus du tympan de la Porte Royale (le Christ trônant), et, dans la tribune sud, une superbe Déisis. Les mosaïques ont été dégagées de l'enduit noir qui les recouvrait lorsque l'édifice était une mosquée. Période dont témoigne encore, dans cet édifice dont Mustapha Kemal fit un musée en 1934, quatre grand disques noir, accrochés à la hauteur de la première galerie, portant les calligraphies en or des noms d'Allah, de Mahomet, et des compagnons du Prophète, Abou Bakr, Othman, Hossein, Hassan, Ali et Omar.
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DARIUS MILHAUD 2 |
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Darius Milhaud
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».
Compositeur français (Aix-en-Provence 1892 – Genève 1974).
Né le 4 septembre 1892 à Aix-en-Provence, où son père dirigeait une maison de commerce et était administrateur de la synagogue, le musicien s'est défini dans ses Mémoires, Notes sans musique, comme un « Français de Provence, de religion israélite ». Ses ancêtres paternels étaient, en effet, originaires du comtat Venaissin, où ils s'étaient fixés depuis des siècles. Du côté maternel, ses parents descendaient de juifs séfardim établis de longue date en Italie. Sa mère était née à Marseille. Les dons de Darius Milhaud se manifestent dès sa troisième année : il reproduit au piano un air entendu dans la rue. Passionné de musique, amateur de talent, son père en est ravi. Bientôt il fait donner des leçons de violon à son fils. À dix ans, Darius Milhaud entre au lycée, mais il poursuit l'étude du violon, et, sous la direction de son professeur, Léo Bruguier, s'initie à la musique de chambre. Il découvre en 1905 le Quatuor de Claude Debussy, qui est pour lui une révélation. Il étudie l'harmonie avec un chef de musique militaire dont l'enseignement le rebute et, par réaction, compose des œuvres assez peu orthodoxes. Pressé d'obtenir son baccalauréat, clé de sa liberté, il travaille avec acharnement et termine en 1909 ses études secondaires.
Au lycée d'Aix-en-Provence, il s'est lié avec Armand Lunel, qui deviendra un de ses librettistes, et avec Léo Latil, poète sensible, délicat, qui admire Maurice de Guérin et Francis Jammes. Il est admis au Conservatoire de Paris, où il a pour professeurs Berthelier (violon), Xavier Leroux (harmonie), Gédalge (contrepoint), Dukas (orchestre). Il se lie avec Jacques Ibert, Henri Cliquet, Arthur Honegger, Jean Wiener. Entre 1910 et 1912, il compose des mélodies sur des poèmes de Jammes, une Sonate pour piano et violon, qu'il reniera, et son premier quatuor à cordes. Il obtient de Francis Jammes l'autorisation de mettre en musique la Brebis égarée, et, au cours de l'été 1912, se rend à Orthez, avec Léo Latil, pour rencontrer le poète. Il montre à Jammes des mélodies qu'il vient d'écrire sur des poèmes de Claudel. Et c'est Claudel lui-même qui, à l'automne, vient voir le musicien : l'entente entre eux est immédiate et totale. En 1913, Claudel fait venir Milhaud à Hellerau, où l'on joue l'Annonce faite à Marie, lui demande d'écrire la musique d'Agamemnon et lui fait lire Protée, dont la bouffonnerie poétique excite la verve du compositeur. Cette même année, Milhaud écrit une œuvre pour piano et chant, Alissa, sur un texte extrait de la Porte étroite d'André Gide. Le langage violent d'Agamemnon et la subtilité, la tendresse d'Alissa définissent déjà les deux pôles du lyrisme de Darius Milhaud. Dès 1913 il a vingt et un ans , sa personnalité s'est entièrement forgée. En 1914, sa mauvaise santé l'ayant dispensé d'être appelé sous les drapeaux, le musicien s'emploie à secourir les réfugiés dont s'occupe le foyer Franco-Belge. Il continue à suivre les cours du Conservatoire, dans les classes de Gédalge et de Widor.
Il étudie systématiquement le problème de la polytonalité, et applique ses recherches à la composition des Choéphores (1915). Il écrit en 1916 un de ses plus beaux recueils de mélodies, les Poèmes juifs, et un Quatuor à cordes avec chant, le troisième, à la mémoire de son ami Léo Latil, tué sur le front l'année précédente. Et voici que s'annonce un tournant décisif dans sa vie et dans son œuvre : en novembre 1916, Claudel, qui vient d'être nommé ambassadeur de France à Rio de Janeiro, demande à Milhaud de l'accompagner en qualité de secrétaire. Claudel et Milhaud arrivent au Brésil le 1er février 1917. Ils y resteront jusqu'à la fin de la guerre, et, après un détour par la Martinique et New York, le musicien ne reviendra en France qu'au début de 1919. Milhaud reconnaîtra que les tropiques l'ont marqué profondément : « Les deux ans passés à Rio de Janeiro ont exalté en moi toute ma latinité naturelle, et cela jusqu'au paroxysme. » C'est au Brésil qu'il a trouvé définitivement son langage, son style, et qu'il a poussé jusqu'à leurs conséquences extrêmes les principes de la polytonalité, composant la cantate le Retour de l'enfant prodigue, le ballet l'Homme et son désir, la Sonate pour piano, flûte, clarinette et hautbois et son Quatrième Quatuor à cordes. Il y a entrepris la série des Petites Symphonies pour orchestre de chambre et mis sur le chantier les Euménides, un immense opéra d'après Eschyle dans la traduction de Claudel. Revenu à Paris, Milhaud participe aux activités du groupe des Six. Les titres de ses œuvres, le Bœuf sur le toit (1919), Machines agricoles (1919), Catalogue de fleurs (1920), égarent les esprits superficiels. On n'y voit que provocation, modernisme, humour : alors que ces œuvres, simplement, répondent à sa nature profonde, gaieté, lyrisme, amour de la nature. Le Milhaud du groupe des Six n'est pas un autre Milhaud. Avec ses Cinq Études pour piano et orchestre (1920), il poursuit ses recherches dans le domaine de la polytonalité et achève, en 1922, les Euménides. Les Choéphores sont jouées aux concerts Delgrange en 1919. La première audition de la suite symphonique de Protée provoque un scandale aux concerts Colonne en 1920. L'Homme et son désir est créé par les Ballets suédois en 1921. Contesté par certains, honni par Saint-Saëns, Milhaud est devenu célèbre. En 1922, il se rend à Vienne avec Francis Poulenc et la cantatrice Marya Freund. Il rencontre Alban Berg, Anton Webern et Arnold Schönberg, dont il vient de diriger aux concerts Wiener le Pierrot lunaire (première exécution à Paris). La même année, il donne des concerts aux États-Unis, et, pendant son séjour à New York, découvre le jazz dans sa pure tradition de La Nouvelle-Orléans. Des bruits de la forêt vierge était né l'Homme et son désir, des rythmes brésiliens le Bœuf sur le toit ; et dans la Création du monde, ballet sur un argument de Blaise Cendrars créé en 1923 par les Ballets suédois, dans les décors de Fernand Léger, le jazz est source d'inspiration, le jazz, ou plutôt l'esprit du jazz.
En 1924, Milhaud écrit deux ballets, Salade, le Train bleu, et un ouvrage lyrique qui renoue avec la tradition de l'opéra de chambre, les Malheurs d'Orphée. L'année 1925 est celle de son mariage avec sa cousine Madeleine Milhaud et d'un grand voyage autour de la Méditerranée. Voyages et compositions se poursuivent. Le musicien se rend en Russie et, de nouveau, aux États-Unis. Il écrit en 1926, sur un livret de Jean Cocteau, le Pauvre Matelot. Quelques mois après la naissance de son fils Daniel, Christophe Colomb, un grand opéra dont le livret a été établi par Claudel, est créé à l'Opéra de Berlin (5 mai 1930). Le succès est très vif. Milhaud est un musicien comblé. Malheureusement, sa santé s'est altérée. Les crises de rhumatismes qui l'affectent sont douloureuses. Désormais, elles ne lui laisseront guère de répit. Surmontant ce handicap, le musicien ne renoncera ni aux voyages ni à aucune de ses activités. L'hostilité que rencontre Maximilien, créé en 1932 à l'Opéra de Paris, ne le décourage pas ; entre 1933 et 1938, Milhaud compose de nombreuses musiques de scène. Deux de ses œuvres les plus populaires, la Suite provençale (1936) et Scaramouche (1937) en sont issues. Les Quatrains valaisans (1939), le Voyage d'été (1940), la Cheminée du roi René (1939) sont des musiques de paix et de bonheur. Mais la guerre vient interrompre les représentations de Médée à l'Opéra, où l'ouvrage, joué d'abord à Anvers, venait d'être créé le 8 mai 1940. Après l'armistice, Milhaud s'embarque pour les États-Unis, où on lui offre une chaire de composition à Mill's College, en Californie. Il ne revient en France qu'à la fin de 1947, ayant, pendant ces sept années, composé un nombre impressionnant d'œuvres, parmi lesquelles figurent Bolivar, la Suite française, le Service sacré. Nommé professeur de composition au Conservatoire de Paris, mais conservant sa chaire de Mill's College, de 1947 à 1971, le musicien partage sa vie entre la France et les États-Unis, où il donne également des cours d'été, à Aspen, dans le Colorado. Entre 1952 et 1962, il écrit 68 œuvres, dont quelques-unes, et ce ne sont pas les moins significatives, sont des musiques de circonstance, le Château de feu, à la mémoire des déportés, la Cantate de la croix de charité, pour célébrer le centenaire de la fondation de la Croix-Rouge. Munich, Berlin, Bruxelles et Paris fêtent son soixante-dixième anniversaire. L'Opéra de Berlin met pour la première fois en scène la trilogie de l'Orestie. En 1967, une plaque est posée sur sa maison natale à Aix-en-Provence. En 1971, le ministère des Affaires culturelles lui décerne le grand prix national de la musique. L'année suivante, il est reçu à l'Académie des beaux-arts. Milhaud peut désormais jeter un regard en arrière sur sa vie, une vie extraordinairement remplie par son activité créatrice et par les contacts humains qu'il a multipliés à travers les continents. Ma vie heureuse : tel est le titre qu'il choisit pour la nouvelle édition de ses Notes sans musique. Il s'éteint paisiblement à Genève, à l'âge de quatre-vingt-un ans, durant l'été de 1974, et il est inhumé à Aix-en-Provence sa ville natale, celle dont il a dit qu'elle représentait pour lui « l'essentiel de sa source et de son cœur ».
Les œuvres les plus fréquemment jouées de Darius Milhaud, le Bœuf sur le toit, la Création du monde, les Saudades do Brazil, la Suite provençale, Scaramouche, proposent l'image d'une musique mordante, trépidante, ensoleillée, empreinte d'un charme très particulier qui est fait de naturel, d'abandon, de gaieté et de tendresse. Mais c'est loin d'être là tout Milhaud. Il y a le Milhaud âpre et tragique de l'Orestie. Il y a le musicien de Christophe Colomb, dont le langage traduit l'immensité de l'océan, l'amertume des querelles humaines et la lumière surnaturelle du paradis. Il y a aussi le novateur, qui, dans l'Homme et son désir, ajoute à la polytonalité la polyrythmie et l'indépendance des groupes instrumentaux. Mais le novateur est motivé par son lyrisme. La polytonalité est, en effet, pour lui le langage qui correspond à son désir de traduire la pluralité des impressions qu'il reçoit du monde extérieur. L'ouverture sur tous les êtres, sur toutes les choses, devient chez lui, selon l'expression de Claudel dans son Art poétique, « co-naissance » du monde. La polytonalité est l'instrument privilégié de cette « co-naissance ». Mais elle permet aussi à sa musique de nouer les gerbes de mélodies qui fusent en elle. Lyrique, le génie de Milhaud est essentiellement mélodique. Des cantates aux opéras, des quatuors aux symphonies, c'est là une constante qu'aucun exemple ne vient démentir. Milhaud a abordé tous les genres. Son œuvre est immense, très riche, très variée, elle parcourt une gamme infinie d'émotions, et s'il fallait la définir d'un seul mot, ce serait par celui d'universalité.
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DARIUS MILHAUD 1 |
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Darius Milhaud
Compositeur français (Marseille 1892-Genève 1974).
La vie et la carrière
D'une très ancienne famille d'israélites comtadins, il s'est défini « Français de Provence et de religion israélite », son inspiration sera constamment placée sous le signe de cette double appartenance. Précocement doué pour la musique, il put s'y consacrer de bonne heure grâce à la compréhension de ses parents. Au cours de ses études au Conservatoire de Paris, marquées par divers conflits avec ses maîtres, car son goût de la polytonalité s'affirmait déjà, il se lia d'amitié avec Arthur Honegger, qui fréquentait comme lui la classe d'André Gédalge. Mais il travailla également avec Charles Widor et Vincent d'Indy. Il aborda dès l'âge de dix-huit ans les entreprises de grande envergure et se lia d'amitié avec Francis Jammes et Paul Claudel. Le premier lui inspira de nombreuses mélodies et son premier opéra, la Brebis égarée (1910-1915), tandis que de sa collaboration avec le second, inaugurée dès 1913, allaient naître quelques-unes de ses œuvres les plus considérables : l'Orestie (1913-1922), l'Homme et son désir (1918), Protée (1919), Christophe Colomb (1928), la Sagesse (1935), diverses cantates, et jusqu'à la Symphonie pour l'univers claudélien (1968). Le puissant tempérament épique de Claudel s'accordait à merveille avec le goût de Milhaud pour les grandes fresques, et cette collaboration féconde entre un poète catholique et un musicien israélite illustre leur commune hauteur d'esprit. Mais Milhaud s'inspira aussi d'André Gide (Alissa, 1913-1931 ; le Retour de l'enfant prodigue, 1917) et surtout de son cousin, le poète provençal Armand Lunel (les Malheurs d'Orphée, 1924 ; Esther de Carpentras, 1925 ; David, 1952).
Dès 1915, avec les Choéphores (seconde partie de l'Orestie), il commença à prospecter systématiquement les ressources de la polytonalité, dont il fut le pionnier le plus conséquent. Il en acquit auprès du public une réputation de « fauve » qui n'a jamais complètement disparu, et sa réussite populaire n'égala jamais celle d'Honegger ou de Poulenc, malgré la générosité de sa veine mélodique. En 1920, il se joignit au groupe des Six : ce fut l'époque de ses plus grands scandales (Protée 1919, 1re audition en 1920 ; Cinq Études pour piano et orchestre, 1920, 1re audition en 1921 ; la Création du monde, 1923. La joyeuse pochade du Bœuf sur le toit (1919, création en 1920) lui valut pour longtemps la fâcheuse réputation d'un bouffon et d'un musicien comique, alors qu'on méconnaissait ses œuvres capitales : c'est ainsi que les Euménides, terminées en 1922, ne connurent leur première audition (au concert) que trente ans plus tard, en novembre 1949, à Bruxelles.Dès lors, la vie de Milhaud se confondit avec son œuvre, qui prit une grande ampleur : seule la maladie put parfois mettre un frein à la création. En effet, à partir de 1926, Milhaud souffrit dans une mesure sans cesse croissante de terribles rhumatismes, qui finirent par en faire un infirme.
En 1940, le compositeur dut chercher refuge aux États-Unis, où on lui confia une chaire de composition à Mills College (Oakland, Californie). De 1947 à 1962, il partagea son temps à égalité entre l'ancien et le nouveau monde, enseignant alternativement à Mills College et au Conservatoire de Paris, d'où il ne prit sa retraite qu'en 1967.
Parmi les compositeurs de ce siècle, Milhaud ne le cède qu'à Villa-Lobos quant à la fécondité : à quatre-vingts ans, en possession d'une puissance créatrice intacte, il a allègrement dépassé l'opus 450 ! Abordant tous les genres, cette production est forcément inégale, mais chez l'authentique Latin qu'est Milhaud, abondance n'est synonyme ni de prolixité ni de démesure, et ses œuvres s'en tiennent toujours à des dimensions normales. L'inspiration, à la fois provençale et juive, de Milhaud est celle d'un lyrique méditerranéen, pour lequel « la Provence s'étend de Constantinople à Buenos Aires, avec Aix pour capitale ». L'Amérique latine prend en effet une place très importante dans son œuvre, particulièrement le Brésil, à la suite du séjour qu'il y effectua en 1917-1918 comme secrétaire de Paul Claudel, alors ambassadeur de France. De ce voyage naquirent notamment l'Homme et son désir, dont la disposition spatiale de divers groupes vocaux et instrumentaux ainsi que l'émancipation de la percussion anticipent audacieusement sur les recherches actuelles, le Bœuf sur le toit, les exquises Saudades do Brasil (1920-1921), d'une si poétique écriture polytonale, etc.
Mélodiste-né, Milhaud excelle à inventer des thèmes d'une courbe franche et saine, d'une structure essentiellement tonale et même diatonique, se prêtant admirablement à l'élaboration polyphonique, le plus souvent polytonale. Mais la polytonalité de Milhaud est également d'ordre purement harmonique (d'où son fameux « contrepoint d'accords »), le musicien y trouvant « plus de violence dans la force et plus de subtilité dans la douceur ». Le langage rythmique est simple, la périodisation presque aussi symétrique que chez les classiques ; l'orchestration, franche de couleur jusqu'à la crudité, recherche les timbres purs et ne devient parfois opaque que par la densité extrême de la matière polyphonique. Cet art lumineux, aux antipodes du chromatisme germanique (l'aversion de Milhaud pour Wagner et Brahms est légendaire !), se situe tout naturellement dans la grande tradition française de Couperin, de Rameau, de Berlioz, de Bizet et de Chabrier, dont se réclame le compositeur : c'est l'une des manifestations les plus considérables de la musique non sérielle de notre époque. L'œuvre de Milhaud exprime une profonde sérénité, une paix intérieure, d'autant plus admirables qu'elles émanent d'un être physiquement torturé. Excellent dans la traduction de l'allégresse, de la tendresse intime et de la poésie pastorale, elle garde, lors même qu'elle se hausse à une horreur tragique digne de l'Antiquité grecque, une sorte de noblesse olympienne opposée à tout expressionnisme subjectif ou trop « engagé ».
À la scène, Milhaud a donné une quinzaine d'opéras d'importance et de dimensions très diverses, allant des savoureux Opéras-minutes (1927) aux deux grandes trilogies : l'Orestie et la trilogie sud-américaine se composant de Christophe Colomb, l'un de ses chefs-d'œuvre, de Maximilien (1930) et de Bolivar (1942). David est d'égale envergure, de même que Saint Louis (1971), tandis que les Malheurs d'Orphée, Esther de Carpentras ou le Pauvre Matelot (1926) figurent de parfaites réussites dans le cadre plus restreint de l'opéra de chambre. Une douzaine de ballets couvre toute la carrière du musicien. Ici se trouvent quelques-unes de ses pages les plus célèbres : l'Homme et son désir, le Bœuf sur le toit, la Création du monde, l'une des adaptations les plus personnelles du jazz dans la musique européenne de l'époque, etc. Milhaud a écrit de très nombreuses pages chorales : cantates, oratorios (dont le Cantique de la sagesse et la symphonie Pacem in terris sont les plus importants), ainsi qu'une quantité de pages pour voix seule : cantates, cycles de mélodies avec orchestre ou piano. La musique d'inspiration juive, destinée au culte (Service sacré, 1947), au concert (Poèmes juifs, 1916 ; Six Chants populaires hébraïques, 1925) ou même à la scène (Esther de Carpentras, David), occupe une place toute particulière et comporte quelques-unes des œuvres les plus émouvantes et les plus profondes de Milhaud. Quant à la musique instrumentale, innombrable, elle comprend notamment douze symphonies, une trentaine d'œuvres concertantes, des pages symphoniques diverses, suites, sérénades, ouvertures, divertissements (citons particulièrement la Suite provençale de 1936 et la Suite française de 1944). La musique de chambre, outre quelques sonates et trios, nous offre surtout un ensemble de dix-huit quatuors à cordes, aussi unique dans la musique française que celui des symphonies, quatre quintettes, un sextuor et un septuor à cordes, de nombreuses pages pour instruments à vent (dont la savoureuse Cheminée du roi René, de 1939) ainsi que les six Symphonies-minutes, écrites entre 1917 et 1923 pour petits ensembles de solistes. Des pages pour piano et pour orgue complètent ce très riche catalogue.
Les œuvres principales de D. Milhaud
Opéras
La Brebis égarée (1910-1915 ; création en 1923) ; l'Orestie, trilogie (1913-1922) ; les Malheurs d'Orphée (1924 ; création en 1926) ; Esther de Carpentras (1925 ; création en 1938) ; le Pauvre Matelot (1926 ; création en 1927) ; Trois Opéras-minutes (1927-1928) ; Christophe Colomb (1928 ; création en 1930) ; Maximilien (1930 ; création en 1932) ; Médée (1938 ; création en 1939) ; Bolivar (1942 ; création en 1950) ; David (1952) ; Fiesta (1958) ; la Mère coupable (1965 ; création en 1966) ; Saint Louis (1971).
Ballets
L'Homme et son désir (1918 ; création en 1921) ; le Bœuf sur le toit (1919 ; création en 1920) ; la Création du monde (1923) ; Salade (1924) ; le Train bleu (1924) ; les Songes (1933) ; Moïse (1940) 1er audition en 1943) ; 'adame Miroir (1948) ; les Rêves de Jacob (1949) ; la Cueillette des citrons (1950) ; Vendanges (1952) ; etc.
Cantates et oratorios
Le Retour de l'enfant prodigue (1917 ; 1er audition en 1922) ; le Cantique de la sagesse (1935 ; 1er audition en 1945) ; le Château du Feu (1954 ; 1er audition en 1955) ; la Tragédie humaine (1958) ; Cantate de la Croix de charité (1960) ; Invocation à l'ange Raphaël (1962) ; Pacem in terris, symphonie chorale (1963) ; etc.
Musique religieuse
3 psaumes (1918-1921) ; Liturgie comtadine (1933 ; 1er audition en 1934) ; Service sacré (1947 ; 1er audition en 1949) ; Cantate des psaumes (1967) ; etc.
Chœurs a cappella
La Mort d'un tyran (1932 ; 1er audition en 1933) ; Cantate de la paix (1937 ; 1er audition en 1938) ; les Deux Cités (1937) ; Quatrains valaisans (1935 ; 1er audition en 1948) ; Cantate de la guerre (1940 ; 1er audition en 1947) ; Six Sonnets composés au secret (J. Cassou, 1946 ; 1er audition en 1947) ; Naissance de Vénus (1949) ; etc.
Mélodies
Alissa (A. Gide, 1913-1931) ; Poèmes juifs (1916 ; 1er audition en 1920) ; Poèmes de Francis Jammes (4 recueils, 1910-1918 ; 1er audition en 1919) ; les Soirées de Pétrograd (1919) ; Machines agricoles (1919 ; 1er audition en 1920) ; Catalogue de fleurs (1920 ; 1er audition en 1922) ; Six chants populaires hébraïques (1925) ; Quatre Chansons de Ronsard (1941) ; etc.
Symphonies
12 symphonies de 1939 à 1961, dont : n° 3 avec chœurs, Te Deum (1946 ; 1er audition en 1947) ; n° 4,, 1848 (1947 ; 1er audition en 1948) ; n° 8, Rhodanienne (1957) ; n° 11, Romantique (1960) ; n° 12, Rurale (1961 ; 1er audition en 1962). En outre : Symphonie pour l'univers claudélien (1968).
Concertos
Une trentaine, dont 5 pour piano (1933-1955) ; 2 pour 2 pianos (1941-1961) ; 3 pour violon (1927-1958) ; 2 pour violoncelle (1934-1945) ; 2 pour alto (1929-1955) ; 1 pour clarinette (1941 ; 1er audition en 1946) ; 1 pour hautbois (1957 ; 1er audition en 1958) ; 1 pour harpe ; (1953 ; 1er audition en 1954) ; 1 pour clavecin (1964) ; 1 pour percussion (1930) ; 1 pour flûte et violon (1939 ; 1er audition en 1940) ; en outre, nombreuse pages concertantes diverses, dont : Cinq Études pour piano et orchestre (1920 ; 1er audition en 1921) ; le Carnaval d'Aix, pour piano et orchestre (1926) ; 4 concertinos des Saisons, pour formations diverses de chambre (1934-1953) ; etc.
Œuvres diverses pour orchestre
2e suite symphonique, Protée (1919 ; 1er audition en 1920) ; Sérénade (1921) ; Saudades do Brasil (1921) ; Suite provençale (1936 ; 1er audition en 1937) ; Suite française (1944 ; 1er audition en 1945) ; Symphoniette pour cordes (1957) ; Symphonie concertante (1959) ; Promenade-concert (1967) ; la série des « Musiques pour… » différentes villes ; etc.
Musique de chambre
Concert de chambre pour 11 instruments (1961 ; 1er audition en 1962) ; Aspen Serenade pour 9 instruments (1957) ; 6 petites symphonies pour diverses formations de chambre (1917-1923) ; septuor à cordes (1964) ; sextuor à cordes (1958 ; 1er audition en 1959) ; 4 quintettes (1951-1956) ; la Cheminée du roi René, pour quintette à vent (1939 ; 1er audition en 1941) ; 18 quatuors à cordes (1912-1951), dont le 3e avec chant (1916 ; 1er audition en 1956), les 14e et 15e (1949), exécutables simultanément en octuor ; quatuors divers avec piano ; trio à cordes (1947) ; nombreux duos, sonates et sonatines pour divers instruments ; etc.
Piano
2 sonates (1916 ; 1er audition en 1920 et 1949) ; nombreux recueils ; pour 2 pianos : Scaramouche (1937) ; le Bal martiniquais (1944 ; 1er audition en 1945), etc. ; pour 4 pianos : Paris (1948).
Orgue
Sonate (1931 ; 1er audition en 1932) ; 9 préludes (1942 ; 1er audition en 1948) ; etc.
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MANUEL DE FALLA |
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Manuel de Falla
Compositeur et pianiste espagnol (Cadix 1876-Alta Gracia, Argentine, 1946).
La vie et la carrière
Le développement artistique et humain de Manuel de Falla se trouve entièrement placé sous le signe du renoncement, dicté par une foi catholique exigeante. Mais, loin d'être un tempérament froid et exsangue, ce fut une âme fière et généreuse qui spiritualisa ses impulsions vitales débordantes par une maîtrise et une discipline de fer. Aussi, des rapports particulièrement étroits unissent-ils Falla et son grand prédécesseur du xvie s., Tomas Luis de Victoria. Cependant, à la différence de Victoria, qui n'écrivit que de la musique sacrée, il se considéra toujours comme indigne de composer la moindre page pour le culte, en dépit de quoi une page comme le lento du Concerto pour clavecin, par exemple, doit être considérée comme de la musique religieuse au sens le plus élevé.
L'évolution de Falla se reflète « géographiquement » dans son œuvre : après une période « andalouse » qui vit naître la majorité de ses œuvres les plus célèbres, on trouve en effet, à partir de 1920 environ, une période « castillane » marquée par une sévère concentration, un renoncement à toute sensualité sonore, des sonorités âpres et dépouillées.
Une autocritique impitoyable explique le nombre très restreint des œuvres que nous laisse Falla : à part lui, il n'y a guère, au xxe s., qu'Alban Berg et Paul Dukas à s'être immortalisés avec un bagage numériquement aussi mince. Cependant, ses quelques chefs-d'œuvre ne constituent pas seulement les sommets de toute la musique espagnole, qui a pu transcender, grâce à eux, le succulent nationalisme d'un Albéniz ou d'un Granados pour parvenir à l'universalité ; ils prennent place également au nombre des créations essentielles du premier demi-siècle.
Andalou par son père, Catalan par sa mère (qui fut son premier maître de piano), il étudia la composition au conservatoire de Madrid auprès de Felipe Pedrell (1841-1922), dont l'influence s'avéra décisive. Après des débuts laborieux, marqués par d'obscures besognes alimentaires (les 4 Zarzuelas inédites de 1900-1902), il remporta un premier grand succès avec son opéra la Vie brève, qui se vit attribuer le prix de l'Académie royale des beaux-arts en 1905. Cela lui permit de monter à Paris, où il vécut de 1907 à 1914 une existence difficile, mais passionnante, fréquentant Debussy, Ravel, Dukas et Albéniz. Ce furent des années décisives pour le mûrissement de son art, mais dont la véritable moisson créatrice ne fut récoltée qu'au lendemain de son retour en Espagne. Il vécut à Madrid jusqu'en 1921, puis se retira à Grenade, où il mena une vie de plus en plus érémitique, assombrie par une santé précaire. Le rythme de sa création se ralentit encore : sa dernière œuvre achevée importante, le bref Concerto pour clavecin de 1923-1926, exigea trois années de labeur acharné. Il entreprit ensuite son œuvre la plus vaste et la plus ambitieuse, l'oratorio l'Atlantide , demeuré inachevé au terme de vingt ans d'efforts et complété d'après ses nombreuses esquisses par Ernesto Halffter Escriche (1905-1989) [première audition en 1961]. En 1939, bouleversé par la guerre civile, il émigra en Argentine, où il mourut dans le dénuement.
Comme Bartók et Kodály, comme Sibelius et Vaughan Williams, comme Janáček et Martinů, Gian Francesco Malipiero, Karol Szymanowski, Willem Pijper et Heitor Villa-Lobos, Manuel de Falla est un représentant éminent de la « seconde vague nationaliste » des compositeurs européens, celle qui trouva en l'exemple de Debussy la clef de la libération de l'hégémonie germanique, tout comme la « première vague » (les Russes du groupe des Cinq, Smetana, Grieg, etc.) s'était appuyée sur Liszt. Des traces de wagnérisme, voire de vérisme, persistent dans la Vie brève, mais les œuvres de maîtrise, jusque vers 1918, portent les traces de l'influence féconde des maîtres français : Debussy, puis Ravel. Falla demeure ibérique jusqu'à la moelle par son ardeur sombre, sa sécheresse acérée, son mélange inimitable d'âpreté et de langueur. Sa démarche à partir du Tricorne s'inscrit librement dans le grand mouvement du néo-classicisme de l'après-guerre, et l'influence de Stravinski y devient sensible. À l'andalousisme envoûtant et « nocturne » des Nuits dans les jardins d'Espagne et à la « gitanerie » de l'Amour sorcier succède l'éclat « diurne » plus dur du Tricorne et de la Fantasia betica pour piano, menant à l'ascèse castillane dont les deux plus hauts chefs-d'œuvre de l'auteur, l'opéra de chambre le Retable de Maître Pierre (d'après un épisode de Don Quichotte) et le Concerto pour clavecin, constituent le témoignage essentiel. Signalons que ces deux partitions furent les premières de la musique européenne qui marquèrent la résurrection du clavecin. Des scrupules religieux et artistiques sans cesse croissants, au point de devenir d'indéniables complexes, empêchèrent l'achèvement de l'Atlantide, qui eût dû couronner sa carrière. Mais l'examen des fragments achevés est indispensable à la connaissance complète de la personnalité artistique de Falla, à laquelle ils ajoutent une dimension toute nouvelle de grandeur monumentale et d'ardente religiosité : les grands chœurs polyphoniques renouent avec les traditions glorieuses du Siglo de Oro.
Les œuvres principales de Manuel de Falla
Théâtre
La Vie brève (1905) ; l'Amour sorcier, ballet (1915) ; le Tricorne, ballet (Madrid, 1917-Londres, 1919) ; le Retable de Maître Pierre (1923).
Orchestre
Nuits dans les jardins d'Espagne, pour piano et orchestre (1915) ; Concerto pour clavecin et 5 instruments (1923 -1926) ; Hommages (1932-1939).
Oratorio
L'Atlantide, œuvre inachevée (1926 -1946).
Chant
Trois Mélodies (paroles de Théophile Gautier) [1909] ; Sept Chansons populaires espagnoles (1914) ; Psyché (1924) ; Sonnet à Cordoue (1927).
Piano
Trois Pièces de jeunesse ; Quatre Pièces espagnoles (1907-1909) ; Fantasia betica (1919) ; Hommage pour le tombeau de Debussy (1920, original pour guitare) ; le Tombeau de Paul Dukas (1935).
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