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LOUIS XVI

 

 

 

 

 

 

Louis XVI

1. Duc de Berry
1.1. Une enfance dans l'ombre du duc de Bourgogne
Le futur Louis XVI, d'abord titré duc de Berry, naît le 23 août 1754 de Marie-Josèphe de Saxe et du pieux Louis, seul fils de Louis XV, qui est la figure dominante du parti dévot à la cour de Versailles. Le duc de Berry est modestement fêté par la cour, car ses parents portent depuis février 1754 le deuil de leur deuxième fils, le petit duc d'Aquitaine.
À l'image de cette naissance effacée, l'enfance du futur roi se déroule dans l'ombre de son grand frère, le duc de Bourgogne, dauphin brillant, capricieux et autoritaire qui accapare tout l'amour de ses parents. Tout destine, en effet, le duc de Bourgogne à être roi. Le sort en décide autrement puisque le dauphin s'éteint à Pâques 1761, à l'âge de dix ans. Louis XV et les parents du dauphin ne se consolent pas de cette perte.
Le duc de Berry, désormais héritier direct du trône après son père, ne bénéficie pas pour autant d'un regain d'affection familiale ; surtout, il n’est pas éduqué comme il convient pour le préparer au métier de roi.
2. L’homme qui n’était pas fait pour être roi
2.1. Le refuge dans la prière et dans l'étude
Il a vingt ans, l'âge des espérances, quand à travers la Cour retentissent les cris : « Le roi est mort, Vive le roi ! » Les courtisans le trouveront agenouillé, dans le refuge de la prière. Il y a là peut-être une des dimensions fondamentales du personnage. Dans un monde où il est de bon ton de railler une trop grande pratique religieuse et de tenir pour superstition ce qui est parfois quête sincère, Louis XVI est « austère et sévère ; il remplit exactement les lois de l'Église, jeûnant et faisant maigre tout le carême ». Pieux dans son cœur, il tolère les incartades de son entourage. Mais les voit-il toujours ? La qualité de sa foi ne le rend-elle pas plus étranger encore à un monde où tout l'a fait souffrir et qu'il a fui très jeune ?
Étranger, il l'est aussi par cette éducation qu'il reçut et le coupa du monde. L'un de ses précepteurs, l'abbé de Radonvilliers (1710-1789), lui a donné le goût de l'étude et il a tout seul acquis des connaissances étendues. « Il entend le latin et sait parfaitement la langue anglaise ; il connaît la géographie et l'histoire. » Mais, savant aimable et doux, son professeur n'a guère lutté contre cette peur que firent naître, peut-être, en lui les modèles qu'on lui donnait : Saint Louis, Louis XIV et cet aïeul, Louis XV, qui lui en imposait tant. À donner une décision, il se montrera tout le temps dans l'embarras.
Il a de ses ancêtres le solide appétit et l'amour de la chasse, dérivatif à ses velléités. Il mange et boit beaucoup, et « ses traits assez nobles empreints d'une teinte de mélancolie » s'empâteront trop vite. Et l'on rira de sa « démarche lourde », de sa mise négligée et du son aigu de sa voix.
2.2. Bon père de famille, passionné de serrurerie
Puis il y a ce mariage (1770) avec Marie-Antoinette, cette princesse trop belle dont il ne saura que tardivement être l'amant. Il l'aimera profondément. « Quand elle lui parlait, raconte un témoin, dans ses yeux et dans son maintien il se manifestait une action, un empressement que rarement la maîtresse la plus chérie fait naître. » C’est en fonction des impératifs de sa politique extérieure, afin de renforcer l'alliance franco-autrichienne, que Louis XV avait décidé, sur le conseil de Choiseul, de marier le dauphin avec Marie-Antoinette, fille de l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche.
La reine donna au roi un premier enfant, une fille, « Madame Royale », en 1778, puis un dauphin, qui mourut en 1789, enfin un autre fils, le futur Louis XVII, et une princesse qui mourut avant d'atteindre l'âge d'un an.
« Marie-Antoinette, c'est le seul homme de la famille », dira d'elle Mirabeau. L'ascendant qu'elle prit sur Louis XVI le retint à jamais d'exercer un métier, celui de roi, pour lequel il manifesta toujours de la répugnance. Désormais, il montrera « le goût le plus vif pour les arts mécaniques, pour la maçonnerie et la serrurerie ». Seul le bonheur que lui donnent ses enfants saura supplanter la joie qu'il y trouve. Il sut être un bon père, non pas un chef d'État que les circonstances réclamaient.
3. Les débuts du règne : Turgot ou l’introuvable réforme fiscale
3.1. Le problème de l'iniquité fiscale

Ce gros homme, inconscient à demi du drame qui autour de lui se joue, n'est point arbitre entre les nobles et le tiers état levé pour sa dignité. Quand il sort de ses refuges, il est un aristocrate. Ce n'est pas passion partisane que de reconnaître ce fait dont il n'est qu'à moitié responsable et que toute sa vie proclame. Le Louis XVI qu'une hagiographie intéressée représente faisant l'aumône aux pauvres est aussi celui au nom duquel sont étranglés en place de grève ces hommes qui, lors de la guerre des Farines (1775), réclament un peu de pain pour que vivent leurs enfants.
Car la faim réapparaît dans les campagnes et les villes. La longue période de prospérité commencée quarante ans auparavant est, pour un temps, hachée de crises. En 1773 et 1774, les mauvaises récoltes font flamber les prix. Le petit exploitant en est le premier défavorisé, il n'a pas de surplus à vendre, et l'alimentation d'appoint qu'il doit acheter est hors de prix. Il restreint ses achats auprès des artisans, et ce manque à gagner oblige plus d'un maître à se séparer de ses compagnons. Quand la récolte est de nouveau abondante en 1781 et 1782, les prix s'effondrent et c'est le petit paysan qui en fait de nouveau les frais. Or, dans la France de l'époque, ses frères sont nombreux, et, dans les communautés rurales qu'ils forment, les conflits deviennent âpres avec le privilégié qui réclame les droits seigneuriaux, mais laisse ses gens payer seuls l'impôt.
3.2. Le projet de Turgot : régénérer l'État et la société
La question fiscale pousse le gouvernement monarchique, aujourd'hui comme hier, à la réforme ; mais cette réforme passe par une transformation de la société tout entière. Un homme semble l'avoir compris : Turgot. C'est cet homme de cinquante ans, qui s'est construit une solide réputation de bon administrateur quand il était intendant dans le Limousin, que Louis XVI choisit comme contrôleur des Finances, après avoir renvoyé le triumvirat Maupeou-Terray-d'Aiguillon et rappelé les parlements, mesures qui ont plu à l'opinion publique.
Avec Turgot, ce sont les économistes et les philosophes qui font leur entrée dans un poste clé de l'État. Il a un projet qui dépasse la seule amélioration de l'appareil financier de l'État : arrêter le gaspillage de la Cour, anéantir l'iniquité fiscale, mais aussi appeler l'ensemble des propriétaires qu'il affranchit des contraintes qui pèsent sur le marché à régénérer avec la royauté le corps politique.
Liberté du commerce
La dette exigible est de 220 millions. Pour la réduire, Turgot, reprenant la politique de Terray, refuse de faire de nouveaux impôts qui retomberaient une fois encore sur les plus déshérités. Il entreprend de contrôler les dépenses des principaux ministères et d'exiger partout l'économie. Au bout d'un an (1775), il réduit la dette de près de 20 millions.
Dans le même temps, il commence la réalisation de son vaste projet. D'abord permettre la multiplication des biens et l'enrichissement de la classe la plus utile du royaume : celle des propriétaires fonciers. Pour cela, il faut abolir les servitudes qui pèsent sur la production (suppression des corvées royales) et créer un vaste marché dans lequel s'établira le juste prix que le producteur est en droit d'attendre (liberté du commerce des grains). Cette liberté génératrice de progrès n'est pas seulement donnée aux propriétaires fonciers, l'artisanat se trouve aussi concerné par la suppression des corporations (jurandes).
Égalité devant l'impôt
Mais la liberté qui est responsabilité touche aussi l'ordre social tout entier et le transforme. Dans chaque paroisse, une municipalité élue par les propriétaires fera comme d'autres assemblées consultatives (municipalités d'arrondissement et de province) « des sujets que l'on traitait jusqu'ici comme des enfants » des hommes qui coopéreront « comme des frères » et avec le roi à la bonne marche des affaires du pays. Les privilèges – et surtout les privilèges fiscaux – disparaîtront. Le gouvernement recevra une meilleure part de l'enrichissement général et sortira fortifié de la participation de citoyens dont la seule mesure sociale sera la propriété.
« Liberté, Égalité, Fraternité » : la patrie des possédants, des « hommes utiles », est-elle possible sans révolution ? C'est compter sans les aristocrates et sans les masses populaires. La conjonction de l'inconscience des uns et de la misère des autres va ruiner le projet. Mais celui-ci n'est-il pas mort-né ? Comment un gouvernement d'essence aristocratique pourrait-il survivre à une telle modification ?
3.3. La disgrâce de Turgot
La guerre des Farines
Le fait historique, c'est la guerre des Farines(1775). La récolte est mauvaise, la liberté du commerce des grains gonfle encore leur prix, c'est-à-dire celui du pain. Des queues qui s'allongent à la porte du boulanger s'élève le murmure des femmes ; il gagne le foyer, la chaumière et l'atelier et se transforme dans la rue en émotion et en révoltes populaires. Le ministre du roi veut affamer le peuple ! Nobles d'épée ou parlementaires laissent dire ou attisent les propos de leur clientèle. Les marchés sont envahis, et les boulangeries saccagées. On arrête, on condamne et on tue les émeutiers. Le désordre s'installe. Paris et bientôt Versailles même reçoivent la visite des manifestants.
La versatilité du roi
L'ordre rétabli, un moment, Turgot poursuit son programme libéral, et la lutte se transporte au parlement. Menée par Jean-Jacques Duval d'Eprémesnil (1746-1794), la « robe » attaque les décrets sur la suppression de la corvée des routes et sur l'abolition des corporations. Elle fait au roi des remontrances. Celui-ci tente de briser l'opposition (lit de justice du 12 mars 1776), puis renonce sous les pressions conjuguées de la reine, des courtisans et des propres collègues de Turgot : dans le ministère, Maurepas s'inquiète de mesures auxquelles il répugne. Turgot est renvoyé (mai), la monarchie abdique.
Les réalisations de Turgot
Le temps des réformes ne semble pourtant pas clos. Les innovations dont l'armée est le théâtre peuvent faire illusion : la suppression de la vénalité des charges, la création d'écoles militaires, la réforme de la milice, l'endivisionnement de l'armée, la discipline « à la prussienne », la dotation en machines de guerre modernes créent un instrument dont bénéficiera la future république.
Mais il y a aussi derrière tout cela l'action aristocratique qui pénètre et corrompt les transformations : le roi cherche à façonner un outil, l'aristocratie tend à le lui ravir en se réservant les postes de direction. Cette armée rénovée va servir à soutenir les insurgents américains (→ guerre de l'Indépendance américaine). L'entreprise enthousiasme la jeunesse libérale du royaume et elle compte de nombreux nobles dans ses rangs. Elle est un gouffre financier pour le Trésor royal (1778). Mais déjà Necker est là et le temps des faux remèdes commence.
4. De Necker à la prérévolution
4.1. Necker ou le temps de l’illusion

Choisi en 1776, le nouveau directeur général du Trésor royal, Necker, est un banquier, un protestant, un étranger. Il émerveille. On craignait la banqueroute, et il trouve de l'argent ; on disait les économies impossibles, et il semble les réaliser, car tout n'est qu'artifice.
Il abandonne les réformes fiscales et arrête le mécontentement de l'aristocratie. Les hommes éclairés le louent de mettre de l'ordre dans la complexité des droits perçus par la Ferme générale. La sensibilité du siècle est touchée par l'abolition de la « question préparatoire ». Il fait disparaître le servage sur le domaine du roi. Il ne rompt pas totalement avec l'expérience précédente, puisqu'il crée des assemblées provinciales des trois ordres. N'est-ce pas de nouveau une tentative d'association des élites au gouvernement monarchique ?
Mais n'est-ce pas de la poudre aux yeux ? Des historiens le soutiennent encore à notre époque ; ils font remarquer qu'il « élude en fait la question fiscale », qui est fondamentale, et, qu'ayant donné confiance, « il retourne à une politique systématique d'emprunts placés à des taux exorbitants auprès de banques amies » (G. Chaussinand-Nogaret). Il aidera ainsi le gonflement de la dette. La situation est malsaine ; le « compte rendu au roi » masque la réalité et fait croire pour longtemps à l'opinion publique qu'une bonne gestion a équilibré le budget (1781). Pourtant, une coalition s'est formée contre lui, et son « compte rendu » n'est qu'une manœuvre ou un dernier « coup d'éclat » contre elle. Elle rassemble les financiers traditionnels du roi ; les fermiers généraux, apeurés de voir le banquier genevois commencer à les éliminer ; les intendants qu'il a injustement attaqués, et, ennemis redoutables, les parlementaires inquiets des réformes judiciaires et administratives. De nouveau, Maurepas craint le prestige d'un rival. Il décide le roi à le renvoyer le 19 mai 1781.
4.2. J.-F. Joly de Fleury et Lefèvre d'Ormesson
La conjoncture redevient favorable. De 1782 à 1787, la situation économique se rétablit. À l'extérieur, la France semble triompher de la Grande-Bretagne : la paix de Versailles (3 septembre 1783) assure l'indépendance des États-Unis, consolide la position française à Terre-Neuve, et les articles du traité de Paris (1763) relatifs à Dunkerque disparaissent. Le nouveau contrôleur des Finances, Calonne, saura, un temps, tirer avantage de cette situation.
Avant qu'il ne parvienne aux affaires, deux contrôleurs se succèdent encore à la tête des Finances : J.-F. Joly de Fleury (mai 1781-mars 1783) et Lefèvre d'Ormesson (avril-novembre 1783). Le premier recourt aux augmentations d'impôt et aux emprunts sans parvenir à combler le déficit. Il a le tort de ne pas le cacher et de demander des économies dont les courtisans risquent de faire les frais. Il est renvoyé.
Lefèvre d'Ormesson, jeune homme embarrassé de sa personne et qui ne prend jamais une décision sans consulter son maître, Vergennes, emprunte à la Caisse d'escompte. Le public, craignant l'appropriation par l'État de fonds privés, se presse en foule aux guichets pour retirer son argent.
Seconde maladresse : il cherche à transformer la Ferme générale en régie ; les fermiers réagissent en menaçant d'interrompre leur versement au Trésor. Ils soutiennent que son départ et son remplacement par Calonne sont nécessaires. Le roi n'aime guère ce dernier, mais une coterie se forme à la Cour autour des Polignac ; elle gagne finalement à sa cause la reine ; le roi cède.
4.3. Calonne ou l’échec ultime
Le rétablissement de la confiance dans l'État

Avec Calonne, ce sont les financiers de Cour qui accèdent au contrôle. Titulaires d'offices qui les mettent à même de manier l'argent des impôts, ils confondent parfois leurs deniers avec ceux de l'État tout en sachant d'ailleurs l'aider quand la situation est difficile. Mais ces « capitalistes » ont la hardiesse d'investir leur argent dans l'industrie et le commerce, dont ils poussent la modernisation. C'est aussi le plan de Calonne : enrichir le pays pour que l'État puisse mieux trouver par l'impôt les espèces qui lui manquent. Mais l'État doit aider à cet enrichissement en drainant les capitaux et en les redistribuant aux commerçants et aux manufacturiers.
Avant tout, il faut emprunter : pour emprunter, il faut donner confiance. Calonne paye exactement les rentes venues à échéance. Puis il manœuvre pour que les emprunts d'État priment sur le marché. Il organise à cet effet une véritable publicité, Mirabeau étant son intermédiaire auprès de la presse. Il crée ainsi un courant à la hausse pour les valeurs d'État, tandis que baissent les valeurs concurrentes. Le ministre se fait agioteur : il s'entend avec les financiers qui placent l'emprunt dans le public : leur zèle est récompensé, le contrôleur aide leur spéculation. Enfin, le ministre reçoit de l'argent des détenteurs d'offices, des fermiers généraux, dont il perçoit un supplément de cautionnement. Ainsi, en trois ans, il réussit à rassembler 300 millions.
Les grands travaux
Mais cette somme n'est pas, comme trop souvent jusqu'ici, utilisée pour des dépenses improductives. Elle aide l'œuvre de rénovation industrielle entreprise par des hommes soucieux de lutter à armes égales avec la Grande-Bretagne. Ainsi, l'État seconde les entreprises privées à la pointe du progrès technique : manufactures textiles ou sidérurgiques des Oberkampf, des Perier ou des de Wendel. L'État protège aussi les commerçants qui cherchent à évincer les Scandinaves dans le commerce français des matières premières pour la construction navale.
Toute une administration économique soutient l'activité des marchands et des fabricants. La réforme monétaire de 1785, rendue indispensable par la réévaluation de l'or, arrête la spéculation et débloque les espèces que les particuliers thésaurisaient. D'autres moyens sont en outre donnés pour que la production progresse. Les ports de la façade atlantique sont améliorés, et Marseille agrandit ses quais. La politique de construction routière commencée à l'époque de Louis XV est reprise et amplifiée. Les canaux de Bourgogne sont entrepris.
Dernière tentative : retour aux plans de Necker et de Turgot
Mais la crise économique vient briser une expérience qui demandait du temps pour porter fruit. De nouveau, les difficultés ressenties par le monde agricole ralentissent la demande au secteur industriel, dès lors en crise. Un à un, les financiers qui travaillaient avec Calonne font faillite, et le crédit se contracte au moment où les impôts, étant donné la misère, rentrent mal.
Dans le même temps où l'État connaît de nouveau des embarras financiers, le scandale lié à l’affaire du Collier de la reine éclaire d’un jour cruel l'attitude équivoque des courtisans et ternit le prestige du roi et de la royauté.
Calonne, faute d'une hausse continue de la prospérité, doit retrouver les projets de ses prédécesseurs : l'égalité devant l'impôt, un impôt unique reposant sur toutes les terres, « la subvention territoriale ». On avait accusé Turgot de la projeter ; elle avait en partie causé sa perte. Calonne la reprend à son compte.
Mais l'homme est habile, et il sait qu'il aura contre lui le front des privilégiés, et que le parlement, en s'opposant à l'enregistrement des édits fiscaux, se fera leur porte-parole comme il l'a fait jadis sous le feu roi. Il commence par créer un courant d'opinion en sa faveur : aux paysans, il promet d'abolir les corvées et de diminuer la taille ; aux commerçants, de supprimer les douanes intérieures ; à l'élite, il promet la participation, par l'intermédiaire d'assemblées provinciales. Puis, pour tourner le parlement, il songe à réunir – comme Henri IV l'avait fait jadis –, une assemblée de notables. Les princes du sang encadreront des nobles, des membres du haut clergé, quelques représentants du tiers, tous triés sur le volet. Leur accord reçu, le roi s'en prévaudra pour faire appliquer le projet.
L'échec de Calonne
Le calcul se révèle faux. Les notables réunis à Paris (22 février 1787) sont très vite sous l'emprise des courtisans hostiles à Calonne. Celui-ci, dépourvu de l'aide et des conseils de Vergennes, qui meurt quelques jours avant l'ouverture de l'assemblée des notables, commet la maladresse de présenter son projet en condamnant l'ordre existant. Traitant des causes profondes du malaise financier, il dénonce d'emblée « les abus des privilèges pécuniaires, les exceptions à la loi commune qui ne peuvent affranchir une partie des contribuables qu'en aggravant le sort des autres », il condamne « l'inégalité générale dans la répartition des subsides », il proteste contre « le déshonneur imprimé au commerce des premières productions », contre « les bureaux de traites intérieures et ces barrières qui rendent les diverses parties du royaume étrangères les unes aux autres », contre « les droits qui découragent l'industrie, ceux dont le recouvrement exige des frais excessifs et des préposés innombrables… ».
À travers son plaidoyer, c'est tout ce que la génération révolutionnaire va qualifier d'« ancien régime » qui est accusé. Prévenus contre le ministre, les notables voient leur crainte renforcée : n'est-ce pas leur position, leur prééminence sociale qui est en jeu ? L'ordre par excellence, le clergé, se sent directement menacé dans la possession de ses biens. Groupés autour de l'archevêque de Toulouse, Loménie de Brienne, les évêques contre-attaquent. Ils peuvent compter sur l'appui, du moins couvert, des propres frères du roi. Le comte de Provence, qui sera Louis XVIII, discrédite sa belle-sœur, projetant de faire déshériter un jour ses neveux. Le cousin du roi, le duc d'Orléans, croit en une monarchie à l'anglaise dont il serait le souverain.
D'autres coteries se forment ou se recréent. Il y a celle de Necker, qui agit « par vengeance, et dans l'espérance de le voir revenir en place » ; il y a celle de M. de Miromesnil, garde des Sceaux, « qui veut à toute force faire contrôleur général M. de Neville, sa créature » (Mémoires du baron J. de Besenval).
Calonne se tourne alors vers l'opinion publique. Imprimant tous les mémoires qu'il a remis aux notables, il l'informe que « le roi est arrêté dans le soulagement qu'il veut donner à ses peuples par ceux-là même qui devraient l'assister ». En vain. Le roi est troublé par l'opposition grandissante à Calonne. Il le renvoie le 8 avril 1787 et fait appel à celui qui est le chef de file de l'opposition, Loménie de Brienne.
« Le renvoi de Calonne fit apprécier le caractère du roi ; et, dès cet instant, les prétentions et la ténacité des notables n'eurent plus de bornes » (Besenval).
4.4. Loménie de Brienne : la riposte du parlement
On a dit de l'archevêque de Toulouse qu'il « était l'égal de Calonne pour la moralité sans en avoir les talents, étant mieux à sa place dans un cercle de femmes qu'au timon des affaires : depuis vingt ans, il visait au ministère, et, dans l'assemblée des notables, dont il faisait partie, il n'avait combattu Calonne que pour le remplacer ».
Loménie de Brienne reprend les projets de l'homme qu'il a contribué à abattre ; il réclame un impôt territorial, un impôt du timbre, la suppression des corvées, la libre circulation des grains et des assemblées provinciales. Il n'obtient rien dans le domaine fiscal. On se décide à renvoyer l'assemblée qui venait ainsi de siéger durant trois mois (22 février-25 mai 1787). Brienne et le roi se retrouvent devant le parlement.
Celui-ci, de l'été 1787 au printemps 1788, se pose en champion des libertés du royaume. Habilement, les nobles de robe assortissent leur refus de la subvention territoriale d'une demande de convocation des états généraux, seuls aptes à voter les impôts nouveaux. Le 6 août 1787, l'enregistrement des édits a lieu de force, en lit de justice. Le lendemain, le parlement réuni proteste contre « la violence » qui lui a été faite. Le roi répond en exilant ses membres à Troyes. À travers la France, les autres parlements se déclarent solidaires, et le monde de la basoche (ensemble des notaires, avoués, huissiers), clientèle des magistrats, excite le peuple contre les agents de l'autorité royale. Devant l'ampleur que prend le mouvement, le roi rappelle le parlement, le 4 septembre 1787.
5. De 1787 à 1789
5.1. L’opposition du parlement
Mais il faut trouver de l'argent, et vite : l'impôt étant écarté, on en revient à l'emprunt. Pour obtenir cette fois l'enregistrement d'un édit prévoyant un emprunt de 420 millions, le gouvernement accepte de convoquer pour 1792 les états généraux. La séance royale où l'édit est présenté se transforme en lit de justice (19 novembre 1787). À la protestation du duc d'Orléans : « C'est illégal », le roi répond par le dernier cri de la monarchie absolue : « C'est légal, parce que je le veux. » Le duc est exilé en même temps que plusieurs conseillers. Puis le gouvernement prépare ce que certains appelleront son « coup d'État » : réduire le rôle du parlement.
Déclaration de guerre à la monarchie absolue
Mais les nobles de robe sentent la menace et de nouveau intéressent l'opinion publique à leur sort par des prises de position libérales : ainsi, le 4 janvier 1788, ils condamnent solennellement les lettres de cachet, dont l'emploi les menace directement. C'est surtout le 3 mai 1788 que leur déclaration a le plus de résonance. Ils attaquent les ministres et les accusent de vouloir instaurer le despotisme ; ils rappellent que « la France est une monarchie gouvernée par le roi, suivant les lois ; que ces lois… embrassent et consacrent le droit de la nation d'accorder librement les subsides par l'organe des états généraux, régulièrement convoqués et composés ; les coutumes et les capitulations des provinces ; l'inamovibilité des magistrats ; le droit des cours de vérifier, dans chaque province, les volontés du roi, et de n'en ordonner l'enregistrement qu'autant qu'elles sont conformes aux lois constitutives de la province, ainsi qu'aux lois fondamentales ; le droit de chaque citoyen, de n'être jamais traduit en aucune manière, par devant d'autres, que les juges naturels qui sont ceux que la loi lui désigne ».
Un mois après, l'assemblée du clergé, réunie pour fournir au roi un « don gratuit », prend fait et cause pour le parlement. Le haut clergé – car c'est lui qui tient la plume à ces remontrances au roi – souligne que « le peuple français n'est pas imposable à volonté. La propriété est un droit fondamental et sacré et cette vérité se trouve dans nos annales, quand même elle ne serait pas dans la justice et dans la nature… Depuis les premiers états généraux jusqu'à ceux d'Orléans et de Blois, le principe ne se perd jamais de vue que nulle imposition ne peut se lever sans assembler trois états et sans que les gens desdits états n'y consentent ». Nulle part, il n'est question de l'abolition des privilèges. Il s'agit pour les aristocrates de parvenir à réunir des états qu'ils domineront et qui seront un moyen de subjuguer la royauté. Mais les thèmes et le langage employé peuvent séduire le tiers ; liberté individuelle et liberté de consentir ou non l'impôt.
Les réformes tardives du roi
Après s'être heurtée au refus du parlement de livrer ses meneurs, – d'Éprémesnil et Monsabert – la royauté tente de briser cette opposition aristocratique. En même temps qu'ils réduisent le parlement, les édits du 8 mai 1788 s'essayent à de profondes réformes. L'enregistrement des actes royaux sera désormais le fait d'une cour plénière formée de dignitaires de la couronne. Quarante-cinq « grands bailliages » reçoivent une partie des attributions judiciaires du parlement. L'organisation de la justice est simplifiée, rationalisée, et son exercice dépouillé de certains traits barbares comme la torture qui précédait l'exécution des criminels.
Pourtant cette réforme de Lamoignon, garde des Sceaux du roi, vient trop tard. Déjà, la province s'agite, mais, en prenant le relais de Paris, elle révèle que la bourgeoisie a, elle aussi, un programme de réformes et qu'elle n'entend pas être à la remorque des aristocrates. Encore est-elle prête à s'entendre avec eux, car elle craint les masses populaires que, apprenti sorcier, l'aristocratie a mises en branle dans l'été de 1788. La bourgeoisie accepterait le maintien des droits seigneuriaux et des privilèges honorifiques en échange de la liberté et de l'égalité politiques. Elle a fait l'apprentissage de celle-ci dans les assemblées provinciales, elle entend la maintenir lors des futurs états généraux. Mais ce compromis est-il possible ? Des notables comme Jean-Joseph Mounier ou Antoine Barnave, dans le Dauphiné, le croient. La parole va leur être donnée.
5.2. La journée des Tuiles
Durant l'été 1788, l'aristocratie pousse le peuple à la révolte ouverte pour soutenir le parlement. À Dijon, à Toulouse, à Rennes, à Pau et à Grenoble, des troubles éclatent. Dans cette dernière ville, les parlementaires refusent d'enregistrer les édits du 8 mai. Ils reçoivent des lettres de cachet. Le 7 juin, les boutiques se ferment, des hommes s'assemblent, ils sont armés de barres, de pierres, de haches et de bâtons. Beaucoup sont des « clients » des magistrats, car leur départ signifierait le ralentissement accentué des affaires. La troupe intervient. Du toit des maisons, des gens font pleuvoir une grêle de pierres, de briques et de tuiles. Cette journée des Tuiles aboutit au maintien des magistrats dans leur ville. Mais sept jours plus tard, les notables se réunissent : il y a là 9 membres du clergé, 33 nobles, 59 membres du tiers état. S'ils espèrent que les parlementaires seront réinstallés par le roi, ils demandent aussi la réunion des « états particuliers de la province », où les membres du tiers état siégeront en nombre égal à celui des membres du clergé et de la noblesse réunis. Cette assemblée sera le prélude à celle des états généraux du royaume.
5.3. La demande de convocation des états généraux
Puis, le 21 juillet, à quelque distance de Grenoble, dans le château d'un gros industriel, Claude Perier, à Vizille, a lieu l'assemblée générale des municipalités du Dauphiné. Ecclésiastiques, nobles, tiers état mêlés arrêtent : « qu'empressés de donner à tous les Français un exemple d'union et d'attachement à la monarchie, prêts à tous les sacrifices – que pourraient exiger la sûreté et la gloire du trône –, ils n'octroieront les impôts par dons gratuits ou autrement que lorsque leurs représentants en auront délibéré dans les états généraux du royaume. Que dans les états de la province, les députés du tiers état seront en nombre égal à ceux des deux premiers ordres réunis ; que toutes les places y seront électives ; et que les corvées seront remplacées par une imposition sur les trois ordres ».
Ils arrêtent en outre « que les trois ordres du Dauphiné ne sépareront jamais leur cause de celle des autres provinces, et qu'en soutenant leurs droits particuliers ils n'abandonneront pas ceux de la nation ». Voilà qui dépasse le projet de l'aristocratie au début de sa révolte : il y a l'égalité politique, un premier pas de fait dans l'égalité fiscale, et surtout cette volonté d'échapper au cadre étroit des libertés provinciales pour s'élever jusqu'à la liberté de la patrie tout entière.
Le roi cède
Les caisses sont vides, les assemblées provinciales n'acceptent pas d'augmentation d'impôt, l'alliance semble se faire entre bourgeoisie et aristocratie, enfin les forces de répression échappent au roi. Tantôt les régiments (c'est le cas notamment de la cavalerie) sont dévoués à leurs chefs aristocrates, tantôt ils sont formés d'hommes sortis du peuple qui se rebellent contre la discipline indigne qu'on leur impose ou qui sont les victimes d'une réaction aristocratique qui leur bouche toute possibilité d'ascension sociale. Dans un cas comme dans l'autre, ils sont peu sûrs. Dans quelques mois, ils vont déserter en masse pour rejoindre le peuple en révolution.
N'étant plus maître de la situation, Brienne annonce la réunion des états généraux (5 juillet 1788), et un édit (8 août) les convoque pour le 1er mai 1789. Le même édit suspend la cour plénière. Le 24 août, Brienne se retire ; le 25, le roi appelle pour le remplacer Necker. La réforme de Lamoignon est abolie, les parlements rétablis. Mais si la royauté capitule, l'impossible alliance des aristocrates et de la bourgeoisie se défait.
5.4. Le « parti » des patriotes
Dès septembre 1788, le parlement signifie au tiers qu'il n'entend pas lui donner l'égalité politique demandée ; il estime en effet que les prochains états devront se réunir dans la forme qu'ils avaient en 1614 : les ordres séparés et chacun disposant d'une voix. Face aux aristocrates se forme alors le « parti » des patriotes.
Il groupe des bourgeois, surtout des banquiers ou des avocats, et des nobles libéraux. Quelques têtes s'en détachent : Mirabeau, La Fayette et surtout le duc d'Orléans. Il a à sa solde des publicistes, tel Pierre Choderlos de Laclos, qui répandent les idées du parti à Paris et en province : égalité civile, judiciaire et fiscale.
Dans l'immédiat, les patriotes se battent pour le doublement du tiers et le vote par tête et non par ordre aux états généraux. Des milliers de pamphlets ou de journaux circulent librement dans les salons, les sociétés de lecture et les cafés. Placardés dans les rues, ils suscitent le rassemblement et la discussion : les sujets du roi font mutuellement leur éducation politique et se découvrent, les uns les autres, membres solidaires d'une même communauté, des citoyens désireux d'établir la liberté et l'égalité, la fraternité qui leur procureront le bonheur.
Mais de cette « patrie », les nobles s'excluent en majorité ; s'accrochant à leurs privilèges, ils posent au roi la question : « Votre Majesté pourrait-elle se déterminer à sacrifier, à humilier sa brave, antique et respectable noblesse ? ».
Un premier coup semble lui être en effet porté le 27 décembre 1788 : le « Résultat du Conseil » du roi tenu à Versailles, ce jour, admet le doublement du tiers. En fait le principal est, pour l'aristocratie, sauvegardé : le roi ne se prononce pas sur le vote par tête. Le règlement électoral paraît le 24 janvier 1789.
6. La Révolution
6.1. Antagonisme entre les privilégiés et le tiers état
La préparation des élections, leur déroulement ainsi que la rédaction des cahiers de doléances se font, dans beaucoup de régions, au milieu des émeutes du « quatrième ordre », celui des pauvres artisans ou paysans. Depuis 1778, le vin se vend mal. En 1789, les prix remontent, car la vendange a été insuffisante, mais le petit paysan n'a pas un contingent commercialisable, il reste dans la gêne. Dans le même temps, le prix du grain s'élève, mais la production du métayer n'est pas telle qu'il puisse en tirer profit. Dans les villes, le compagnon est souvent réduit au chômage ; la concurrence anglaise permise par le traité de 1786 accroît encore le malaise des fabricants français, notamment des textiles.
Des émeutes éclatent : c'est le cas à Paris, au faubourg Saint-Antoine, le 28 avril 1789. Des ouvriers prêtent au propriétaire d'une manufacture de papiers, Réveillon, l'intention de baisser les salaires de ses employés à 15 sous par jour. Malgré la force armée, la foule enfonce les portes et jette au feu registres de comptabilité, meubles et effets. La troupe tire, les émeutiers se dispersent (→ affaire Réveillon).
Il n'y a pas là le signe d'un affaiblissement de la fidélité à la monarchie. Les cahiers de doléances révèlent au contraire que, dans l'ensemble du corps social, c'est le loyalisme qui domine. Ils montrent aussi l'antagonisme entre les privilégiés et le tiers. De cette lutte, de jour en jour plus âpre, la brochure de Sieyès porte témoignage :
« Qu'est-ce que le tiers état ? Tout. La prétendue utilité d'un ordre privilégié pour le service public n'est qu'une chimère […] sans lui, tout ce qu'il y a de pénible dans ce service est acquitté par le tiers ; sans lui, les places supérieures seraient infiniment mieux remplies ; si les privilégiés sont parvenus à usurper tous les postes lucratifs et honorifiques, c'est en même temps une iniquité odieuse pour la généralité des citoyens et une trahison pour la chose publique. »
C'est la spécificité de la Révolution française que d'être cette lutte sans merci entre une aristocratie qui défend par tous les moyens ses « droits » et la bourgeoisie poussée en avant par les masses populaires. Dans ce combat, la monarchie peut-elle être d'un autre côté que celui de l'aristocratie ? À qui en doute, il faut rappeler la séance du 2 mai 1789, où les députés aux états généraux furent présentés au roi : il reçut le clergé à huis clos dans son cabinet, ceux de la noblesse, selon le cérémonial, les portes grandes ouvertes ; les représentants du tiers défilèrent dans sa chambre à coucher.
6.2. La déchéance du roi : « Louis Capet »

Le 5 mai, les états généraux s'ouvraient. Le règne de Louis XVI allait s'achever, celui du peuple souverain commençait. Avec la mise à bas de l'Ancien Régime et son retour de force de Versailles à Paris le 6 octobre 1789, le roi ne trouve plus la volonté politique suffisante pour affronter les événements. Louis XVI se replie sur la défense des principes de la monarchie de droit divin, ceux de son éducation, ceux que lui ont légués ses pères. Ses résistances et ses revirements ruinent le compromis institutionnel élaboré par la Constituante. Devenu monarque constitutionnel, le roi s'efforce, par l'application du veto, de freiner le mouvement révolutionnaire.
Prisonnier de sa famille et surtout de celle de Marie-Antoinette, il met finalement son espoir dans les émigrés (échec de la fuite à Varennes, juin 1791). Formant un ministère girondin, en mars 1792, le roi voit dans la guerre, pour des raisons inverses de celles des révolutionnaires, le moyen de sortir de la situation où il s'est enfermé. Mais le veto qu'il met aux décrets de salut public, après les premières défaites françaises, soulève contre lui le peuple de Paris. Le 20 juin 1792, les Parisiens envahissent les Tuileries, l'obligent à coiffer un bonnet rouge et à boire du vin à la santé de la Nation. Le peuple de Paris l'appelle dès lors « Louis le Dernier ».
L'insurrection du 10 août 1792, qui fait plusieurs centaines de morts, oblige le roi à se placer sous la protection de l'Assemblée. Le 13 août, le roi et sa famille sont emprisonnés au Temple. Le 21 septembre, la royauté est abolie, et Louis, désormais rétrogradé au rang de simple particulier et appelé du nom de Capet, est considéré comme « traître » à la nation.
Le 13 novembre, alors que la Convention examine le rapport de son Comité de législation sur l'éventuel jugement de l'ex-roi, Saint-Just présente les arguments pour une exécution sans jugement : « Les citoyens se lient par le contrat ; le souverain ne se lie pas, ou le prince n'aurait point de juge et serait un tyran. […] Le pacte est un contrat entre les citoyens […]. Conséquemment, Louis, qui ne s'était pas obligé, ne peut pas être jugé civilement. » Il se prononce pour la mort immédiate : « Il opprima une nation libre ; il se déclara son ennemi ; il abusa des lois : il doit mourir pour assurer le repos du peuple, puisqu'il était dans ses vues d'accabler le peuple pour assurer le sien. » La Convention ne le suit pas ; cependant, après la découverte par Roland des papiers personnels de Louis contenus dans l'armoire de fer, le 20 novembre, qui fournisse des pièces permettant d'étayer la trahison du roi, elle décide, le 3 décembre, de juger elle-même l'ex-roi.
6.3. La mort du roi

Le procès s'ouvre le 11 décembre. L'ex-roi est conduit à la Convention où il entend l'acte d'accusation dressé contre lui : organisation de la contre-révolution, conspiration, responsabilité dans le massacre du Champ-de-Mars et dans d'autres événements où des patriotes trouvèrent la mort, soutien de l'émigration…
Louis désigne comme avocat Tronchet et Target, mais ce dernier se récuse et Malesherbes s'offre à le remplacer. Puis, devant l'ampleur de leur tâche, les deux avocats s'adjoignent Romain Desèze.
Le 26 décembre, Louis est de nouveau entendu par la Convention. Desèze demande que l'ex-roi soit jugé en citoyen : « Prenez garde que si vous ôtiez à Louis l'inviolabilité de roi, vous lui devriez au moins les droits de citoyen ; car vous ne pouvez pas faire que Louis cesse d'être roi quand vous déclarez vouloir le juger, et qu'il le redevienne au moment de ce jugement que vous voulez rendre. Or, si vous voulez juger Louis comme citoyen, je vous demanderai où sont ces formes conservatrices que tout citoyen a le droit imprescriptible de réclamer. » Il présente ainsi une argumentation fondamentale sur la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire, et s'écrie : « Je cherche parmi vous des juges, et je n'y vois que des accusateurs. Vous voulez prononcer sur le sort de Louis, et c'est vous-mêmes qui l'accusez ! »

Le 17 janvier, le procès s'achève sur le vote des députés. À la première question, « Louis est-il coupable ? », 694 députés sur 721 répondent oui. « Le peuple doit-il voter pour décider du sort de l'ex-roi ? » : 423 voix répondent non, contre 281 oui. Enfin, à la question « Quelle peine sera infligée à Louis ? », 361 députés sur 721 répondent la mort, soit une voix de majorité ; il faut cependant ajouter 26 députés qui se prononcent pour la mort tout en demandant si la Convention doit ou non faire différer l'exécution. Cette position entraîne un quatrième vote sur le sursis, qui est repoussé par 380 voix contre 310.
Louis XVI est guillotiné le 21 janvier 1793, à 10 heures 20, sur la place de la Révolution (aujourd'hui place de la Concorde). La portée symbolique de cette mort dépasse de beaucoup la personnalité du roi : elle illustre la politique dite de la table rase, qui, de nos jours encore, suscite les interrogations des penseurs et théoriciens politiques de toutes tendances.


 

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KENYA

 

 

 

 

 

 

Kenya
Nom officiel : République du Kenya


État d'Afrique orientale, sur l'océan Indien, le Kenya est entouré par le Soudan du Sud et l'Éthiopie au nord, la Somalie à l'est, l'océan Indien au sud-est, la Tanzanie au sud et le lac Victoria et l'Ouganda à l'ouest.
Le Kenya est membre du Commonwealth.
Superficie : 583 000 km2
Nombre d'habitants : 44 354 000 (estimation pour 2013)
Nom des habitants : Kényans
Capitale : Nairobi
Langue : swahili
Monnaie : shilling du Kenya
Chef de l'État : Uhuru Kenyatta
Chef du gouvernement : Uhuru Kenyatta
Nature de l'État : république
Constitution :
Adoption : avril 2010
Pour en savoir plus : institutions du Kenya


GÉOGRAPHIE
L'Ouest, montagneux et volcanique, est le domaine des cultures du café et du thé et de l'horticulture (produits exportés par Mombasa). Dans l'Est, formé de plaines, se localisent des plantations de canne à sucre, de bananiers et de sisal. L'élevage est développé, mais revêt souvent une plus grande valeur sociale qu'économique. Le tourisme (réserves d'animaux et littoral aux récifs coralliens) comble une partie du déficit de la balance commerciale. La population, rapidement croissante, juxtapose une quarantaine de groupes ethniques (les Kikuyu étant les plus nombreux).
1. Le milieu naturel du Kenya
1.1. Le relief

Le relief est très diversifié. À l'est, le long de l'océan Indien, la côte, de 400 km de long, tantôt marécageuse et envahie par la mangrove, tantôt sableuse, est bordée d'îlots et de barrières coralliennes. Là affleurent des terrains sédimentaires allant du quaternaire au Karroo (fin du paléozoïque et début du mésozoïque). Elle se rétrécit du nord au sud. Hauteurs et dépressions, exploitant l'inégale résistance des sédiments crétacés et tertiaires, s'y succèdent. Les régions basses périphériques, au nord et à l'est, monotones, proviennent d'aplanissements du socle (comme dans le pays nyika, entre Nairobi, la capitale et Mombasa) ou d'épanchements volcaniques. Leur désolation est accentuée par la sécheresse, par exemple dans la région du Marsabit. Des hauteurs isolées les accidentent localement : reliefs résiduels dans le socle (Kamba, Taita), alignements de cônes volcaniques (Chluyu). Depuis la région côtière, l'altitude s'élève vers l'intérieur, constitué en majeure partie par des plateaux élevés dans le socle précambrien, qui constitue une pénéplaine monotone parsemée d'inselbergs.

La coupure brutale de la Rift Valley, dépression tectonique de 40 à 80 km de largeur, bombement de l'effondrement du vieux socle cristallin, divise ces plateaux en des hautes terres orientales, où se trouve la capitale, Nairobi (1 600 m), et en des hautes terres occidentales, qui descendent vers le lac Victoria, dont le Kenya est riverain. Elle est dominée par les escarpements vertigineux des monts Aberdare, à l'est, et du Mau Escarpement, à l'ouest. Dans la région de la Rift Valley, le socle disparaît entièrement sous d'énormes épanchements volcaniques. Le fond du Rift, très irrégulier, forme lui-même une zone d'altitude. Il s'élève par paliers du lac Turkana au lac Naivaska, avant de redescendre vers le lac Natron, à la frontière tanzanienne. Il existe dans le fond de la Rift Valley de nombreux volcans récents (Suswa, Longonot, Menengai). Cette zone est parfois hachée d'un dense réseau de failles méridiennes. Sur les hautes terres orientales, le mont Kenya (5 194 m), au nord de Nairobi, est un vieil édifice volcanique disséqué par les glaciers quaternaires et actuels. Le mont Elgon est un autre volcan imposant.
De part et d'autre du Rift, les Hautes Terres orientales et occidentales présentent une morphologie différente. Vers l'est s'étendent des planèzes assez régulières. À l'ouest, en revanche, les épanchements volcaniques sont moins considérables. Le socle, cisaillé de failles, apparaît plus souvent : blocs soulevés (pays nandi et kisii, plateau luhya) ou parties effondrées (fossé du Kavirondo, près du lac Victoria).
Une série de lacs jalonnent le fossé tectonique : au nord, le plus grand, le lac Turkana, long de 250 km et large de 40, puis, vers le sud, les lacs Hannington, Baringo, Nakuru, Elmenteita, Naivasha, Magadi et Natron. À l'extrême sud-ouest, les plateaux plongent vers le lac Victoria qui pénètre dans le Kenya par une profonde échancrure, le golfe du Kavirondo.
1.2. Les pluies et les températures

Le climat, équatorial, est rythmé par deux saisons de pluies, centrées sur octobre et avril. Les pluies sont très irrégulières. Les régions basses reçoivent moins de 600 mm, précipitations marginales pour l'agriculture mais suffisantes pour garantir des pâturages d'excellente qualité. La géographie des températures est surtout déterminée par l'altitude. Le contraste fondamental entre Hautes Terres et régions basses est un des traits distinctifs de la géographie kényane. S'il fait chaud sur la côte (26 °C), les hautes terres ont un climat équatorial d'altitude (Nairobi : moyenne annuelle, 17 °C, amplitude annuelle, 3,5 °C, février est le mois le plus chaud). La pluviométrie augmente avec l'altitude et en se rapprochant du lac Victoria, passant de 1 000 mm à 2 000 mm, à l'exception de la Rift Valley (500 à 700 mm) et du nord semi-désertique.


1.3. Le réseau hydrographique
Le réseau hydrographique, désorganisé par les bouleversements survenus au tertiaire, est encore inadapté. La Rift Valley est une zone endoréique. Peu de cours d'eau parviennent à l'océan. Les seuls qui soient d'importance sont le Tana et la Galana. Au nord-ouest, la Kerio et la Turkwel sont tributaires du lac Turkana. Les formations végétales les plus répandues sont les formations ouvertes, de la savane-parc aux steppes du Nord en passant par les savanes herbeuses, domaine des herbivores et des carnassiers.


1.4. Les formations végétales
La grande forêt humide équatoriale n'est conservée qu'en lambeaux exigus sur les hautes terres centrales et sur la côte. Les régions basses sont le domaine des grandes étendues de formations sèches – steppes et savanes à acacia, bush rabougri, voire déserts dans le Nord. Les régions hautes (notamment le mont Kenya et les Aberdare) sont caractérisées par une végétation plus riche, véritable mosaïque disposée selon l'altitude et l'orientation des versants. Présentes entre 1 600 et 2 700 m, les forêts, qui ont été réduites par l'activité humaine, sont souvent remplacées par des formations herbeuses à pennisetum (kikuyu grass) et cynodon (star grass). Plus haut s'étendent des zones de bambous, une forêt d'altitude chargée d'épiphytes et des prairies alpines, au-dessus de 3 700 m. Outre une pluviosité relativement favorable, les régions hautes disposent de sols variés le long des versants, plus riches sur les coulées basaltiques bien que fort honorables sur le socle. On peut alors comprendre que l'opposition des densités, la répartition sommaire du territoire entre régions pastorales et agricoles a des fondements essentiellement écologiques.
2. La population du Kenya

On distingue trois groupes appartenant à des familles linguistiques différentes. Les Luhyas, les Kambas et les Kikuyus (plus de 4 millions) sont de langue bantoue. Les Masais, les Turkanas, les Suks (peuples pasteurs) et les Nandis, ainsi que les Luos des rives du lac Victoria (environ 2 millions), font partie du groupe nilo-saharien. Dans le Nord-Est, les nomades somalis, boranas et ormas appartiennent au groupe chamito-sémitique (couchitique).
Les étrangers sont près de 200 000, dont une moitié environ d'Asiatiques. Beaucoup de grands propriétaires européens – surtout britanniques – des hauts plateaux kényans (les white highlands, au temps de la colonisation) ont quitté le pays après l'indépendance. Un tiers environ de la population est chrétienne. Les musulmans (dont les ismaéliens, fidèles de l'Aga Khan), peu nombreux, se trouvent surtout sur le littoral. La population se concentre sur les hautes terres du Sud-Ouest, sur la côte et dans la région du lac Victoria.
Les caractéristiques démographiques de la population sont celles des pays d'Arique subsaharienne : très faible taux d'urbanisation (30 %), forte croissance démographique, taux de mortalité infantile élevé (59 ‰) et faible espérance de vie (56 ans à la naissance pour les hommes).

Les villes les plus importantes sont la capitale, Nairobi, et Mombasa, premier port de l'Afrique orientale. Après ces deux grandes villes viennent quatre villes moyennes (Nakuru, Kisumu, Eldoret et Thika) et une série de petites villes (les plus importantes étant Nanyuki, Kitale, Malindi, Kericho et Nyeri).


3. L'économie du Kenya
Le Kenya représente la principale économie de l'Afrique de l'Est. L'agriculture reste, de loin, le premier secteur d'activité, mais c'est le tourisme qui est devenu la principale source de devises étrangères, avec notamment les réserves d'animaux, à l'intérieur du pays, et le littoral, avec ses récifs coralliens.
3.1. L'agriculture
L'agriculture occupe près de 70 % de la population active, et la production agricole assure encore environ le quart du produit intérieur brut, bien qu'une très faible partie des terres exploitables soit mise en culture. Plus de la moitié des surfaces cultivées sont consacrées au maïs, aliment de base de la population. Les autres cultures vivrières sont le millet, le sorgho, la manioc, la patate douce. De grandes propriétés (50 % des terres cultivables) et plantations héritées de la colonisation subsistent aux côtés des petites exploitations concédées aux Africains (500 000 réinstallés sur 600 000 ha dès 1970 aux termes d'un vaste programme de rachat des terres financé en partie par la Grande-Bretagne). L'Ouest, montagneux et volcanique, est le domaine des cultures de café et de thé, principaux produits d'exportation. Les sols les plus riches se situent autour d'Eldoret, de Nakuru et de Kitale, où se trouvent les derniers colons (15 % des terres cultivées). Le Kenya est devenu le second exportateur mondial de thé, mais les exportations de café ont décliné. Dans les plaines de l'Est se localisent des plantations de canne à sucre, de fruits tropicaux (bananes), de sisal et de coton. Aux cultures commerciales s'ajoutent les agrumes, le pyrèthre (dont le pays fournit près de 70 % de la production mondiale) et, plus récemment, l'horticulture, à l'ouest, notamment la production et l'exportation de roses vers l'Europe. L'élevage (bovins, ovins, caprins) est important, mais revêt souvent une plus grande valeur sociale qu'économique. Seul le cheptel situé sur les hauts plateaux, en partie propriété des Européens, est rentable. Les terres les plus riches se situent autour d'Eldoret, Nakuru et Kitale.


3.2. L'industrie
Il existe peu de ressources naturelles ou minières, excepté la géothermie et le carbonate de soude du lac Magadi. L'industrie kenyane est une des plus diversifiées d'Afrique orientale. Elle s'est développée dans les secteurs de l'agroalimentaire, de la métallurgie, du textile et de la chimie. Elle se localise surtout à Nairobiet à Mombasa, les deux principales villes. La raffinerie de pétrole de Mombasa fournit les pays voisins, et plusieurs firmes ont monté des usines d'assemblage automobile (dont Volkswagen et Fiat). Cependant, tourné essentiellement vers le marché intérieur, l'industrie n'exporte guère, à l'exception du textile, qui profite de l'ouverture du marché nord-américain.


3.3. Les ressources financières
Le secteur bancaire est en expansion. Le tourisme s'appuie sur l'exceptionnel patrimoine faunistique des grands parcs naturels (Amboseli, Masaï-Mara, Samburu-Shaba, Tsavo) et sur la valorisation du littoral. Les recettes du tourisme international comblent une partie du déficit de la balance commerciale. Les principaux clients et fournisseurs du Kenya sont la Grande-Bretagne, le Japon, l'Allemagne et les États-Unis. La dette extérieure pèse, avec la poussée démographique, sur l'avenir de l'économie. Le pays est en partie dépendant des transferts de fonds de sa diaspora.


3.4. Les sites du Kenya classés à l'Unesco
Plusieurs sites du Kenya sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco :
– parc national et forêt naturelle du mont Kenya ;
– parcs nationaux du lac Turkana ;
– vieille ville de Lamu ;
– forêts sacrées de kayas des Mijikenda ;
– Fort Jésus, Mombasa ;
– réseau des lacs du Kenya dans la vallée du Grand Rift.


HISTOIRE
1. Les origines
Les plus anciens vestiges fossiles des ancêtres de l'homme, appartenant au genre Australopithecus (4 millions-1,5 million d'années), ont été découverts dans la Rift Valley. Des restes datés de 2 millions d'années d'Homo habilis – premier représentant du genre Homo – ont également été mis au jour, ainsi que ceux de leur descendant.
Le territoire de l'actuel Kenya a été peuplé par des vagues d'immigration successives venues d'horizons différents, qui ont progressivement supplanté les premiers habitants, des populations proches des Pygmées et des Bochimans, vivant de chasse et de cueillette. Les peuples couchitiques sont venus du nord-est de l'Afrique et des hauts plateaux éthiopiens, les Bantous – Kikuyus, Kambas, Chaggas et Luhyas – sont partis du sud-ouest de l'Afrique et les peuples nilotiques sont arrivés du Soudan méridional – principalement les Kalenjins, pasteurs et agriculteurs, qui occupent les hautes terres de l'ouest du Kenya. Les Luos, peuple hamite, arrivent sur la côte orientale du lac Victoria au début du xvie siècle, et s'établissent au milieu des Bantous.
À partir du xviie siècle, de grandes vagues de migration quittent le Soudan et le nord-ouest du Kenya voit l'arrivée des Turkanas, et, plus au sud, des Masais, pasteurs et guerriers, souvent restés jusqu'à aujourd'hui fidèles à leurs coutumes ancestrales.
2. La civilisation swahilie et l'intrusion portugaise
Les navigateurs arabes fréquentent très tôt le littoral est-africain, à Mombasa, Malindi, Manda, Paté et Lamu, pour ne parler que des ports kényans, où ils achètent de l'or, de l'ivoire et des esclaves. Ce commerce est particulièrement florissant au xve siècle. Un métissage s'opère avec les populations bantoues du littoral, et donne naissance à une brillante civilisation et à une langue, le swahili, mélange de bantou et d'arabe, qu'illustre une remarquable littérature poétique.
Les Portugais, apparus en 1497 dans l'océan Indien, aident d'abord les cités swahilies à repousser l'invasion d'une tribu cannibale, les Zimbas. Décidés à monopoliser le commerce maritime, ils s'emparent en 1593 de Mombasa (où ils construisent le célèbre Fort Jésus), et occupent les autres ports du littoral de Lamu à Kilwa.
En 1698, Mombasa est conquise par des Arabes d'Oman, qui vont à nouveau contrôler le littoral durant tout le xviiie siècle. Tout en se livrant au commerce, ils développent une agriculture de plantation qui utilise une main-d'œuvre servile importée de l'intérieur. La présence arabe entraîne une islamisation partielle de la population côtière. Les peuples de l'intérieur n'ont pas connu d'organisations monarchiques analogues à celles des sociétés interlacustres de l'Ouganda, et résistent moins bien qu'elles aux vagues d'immigration. Les Masais font régner l'insécurité dans la région des hauts plateaux et rendent impraticables les circuits du commerce de Mombasa avec le royaume du Buganda (en Ouganda), qui doit alors s'effectuer par l'actuelle Tanzanie.


3. La colonisation britannique
3.1. Partage de l'Afrique de l'Est entre l'Allemagne et le Royaume-Uni
La pénétration missionnaire précède de peu la colonisation et le partage de l'Afrique entre les puissances occidentales à la conférence de Berlin (1885). En 1886, le Premier ministre britannique, lord Salisbury, signe un accord avec le chancelier allemand Bismarck pour délimiter les zones d'influence en Afrique de l'Est : les revendications du Royaume-Uni sur le Kenya sont reconnues, en même temps que celles de l'Allemagne sur l'actuelle Tanzanie continentale. En 1888, la British East Africa Company, qui avait obtenu du sultan de Zanzibar la concession de la majeure partie du pays et loué à bail la zone côtière, cède ses droits à la Couronne britannique.


3.2. Du protectorat à la colonie britannique
En 1895, l'ensemble du pays est placé sous protectorat britannique, avant de devenir une colonie en 1920. Le chemin de fer de Mombasa atteint Kisumu, sur le lac Victoria, en 1901. Des colons britanniques arrivent dès 1896, souvent des aristocrates, comme lord Delamere, qui veut faire du Kenya une colonie de peuplement. Ils emploient une nombreuse main-d'œuvre africaine sur de vastes plantations situées sur les « hautes terres », bientôt surnommées, à Londres, « le jardin de la Chambre des lords ». Les Indiens, introduits en grand nombre pour la construction du chemin de fer Mombasa-Kisumu, réclament une place dans l'administration du pays. Entre les deux guerres, l'explosion démographique des Kikuyus accélère la création d'un prolétariat à Nairobi. En 1925, Joseph Kangethe et Jomo Kenyatta créent la Kikuyu Central Association (KCA), qui réclame la restitution des « hautes terres » à son peuple.


3.3. La révolte Mau-Mau et l'ascension de Jomo Kenyatta
Après 1945, le Royaume-Uni accorde progressivement une place aux Indiens puis aux Africains dans le Conseil législatif local, surtout après la révolte des Kikuyus, connue sous le nom de « Mau-Mau », qui, de 1952 à 1956, ébranle le système colonial, malgré une très dure répression : pour une trentaine de Blancs assassinés, les forces de l'ordre abattent 11 000 Noirs et en internent 90 000, tandis que J. Kenyatta, accusé d'être l'instigateur du mouvement Mau-Mau, est arrêté et condamné à sept ans de prison.
La rébellion terminée, deux partis politiques africains se forment sur une base régionale, créant une coupure entre Kikuyus et Luos d'une part, Kalenjins et populations bantoues de la côte d'autre part. Le premier, la Kenya African National Union (KANU), se réclame de J. Kenyatta, et le second, la Kenya African Democratic Union (KADU), plus modéré et fédéraliste, a pour chef Ronald Ngala.
4. Depuis l'indépendance (1963-)
4.1. Jomo Kenyatta (1963-1978)

Après la libération anticipée de J. Kenyatta en 1961 et la reconnaissance du droit à l'autonomie interne, la KANU l'emporte aux élections de mai 1963 sur la KADU (respectivement 75 et 49 sièges). L'indépendance est proclamée le 12 décembre 1963. J. Kenyatta est le premier chef de gouvernement. Un an plus tard, la république est proclamée, et celui-ci devient le premier président du Kenya, qui reste membre du Commonwealth. La centralisation est renforcée par divers amendements à la Constitution ; la KADU est intégrée au sein de la KANU, préparant ainsi l'instauration du monopartisme. La contestation vient de l'aile gauche et marxisante de la KANU, animée par un Luo, Oginga Odinga, qui forme en 1966 un nouveau parti, la Kenya People's Union (KPU).
Une certaine agitation est entretenue par un mouvement qui se réclame des Mau-Mau, tandis que les populations somalies du Nord réclament leur rattachement à la Somalie, qui a toujours revendiqué une partie de cette région. En 1968, une vague xénophobe aboutit à l'expulsion de milliers de commerçants indiens, moins toutefois que dans l'Ouganda voisin. De 180 000, le nombre des Indiens au Kenya tombe alors à 120 000. En juillet 1969, le jeune ministre (luo) Tom Mboya, pro-occidental et considéré comme le dauphin de J. Kenyatta, est assassiné à Nairobi. J. Kenyatta fait alors arrêter O. Odinga et interdit la KPU. Kenyatta est réélu à la présidence en novembre, et, aux législatives de décembre, seule la KANU est autorisée à présenter des candidats.
En septembre 1974, J. Kenyatta, qui vient de décréter le swahili langue nationale, est réélu pour cinq ans, tandis que divers scandales éclaboussent sa famille, dont sa fille, maire de Nairobi. Entre 1975 et 1977, le régime procède à une série d'arrestations, dont celle du grand écrivain kényan, Ngugi Wa Thiongo.


4.2. La présidence de Daniel Arap Moi (1978-2002)
J. Kenyatta meurt le 22 août 1978, et le vice-président, Daniel Arap Moi, un Kalenjin, lui succède. Le régime se durcit et le monopartisme est officiellement instauré en juin 1982. La stabilité du régime est sérieusement troublée, en août de la même année, par une tentative de coup d'État, fomentée par des éléments de l'armée de l'air. Des émeutes éclatent à Nairobi, qui font 150 morts, mais les unités militaires et la police restées fidèles au gouvernement forcent les rebelles à se rendre. Le président Moi dissout l'armée de l'air et ordonne 8 000 arrestations.
L'apparition en 1986 du mouvement Mwakenya (gauche révolutionnaire) inquiète le gouvernement, qui fait procéder à de nombreuses arrestations. Deux vieux alliés politiques du président Moi sont mis à l'écart (le ministre de la Justice, Charles Njonjo, en 1983 ; le vice-président, Mwai Kibaki, un Kikuyu, en 1988), et plusieurs journaux sont interdits. Une réforme des procédures électorales, en 1986, qui oblige les électeurs à s'aligner en file derrière leur candidat, est fortement critiquée, notamment par les Églises. Cette mesure sera maintenue en 1990, tandis que l'assassinat inexpliqué du ministre des Affaires étrangères, Robert Ouko, provoque une vive émotion.
L'intolérance du régime pousse les États-Unis à lier désormais leur aide au respect des droits de l'homme, et le gouvernement rétablit le multipartisme en décembre 1991. Mais, aux élections pluralistes de décembre 1992 (marquées par des irrégularités), l'opposition divisée est battue par le président Moi, qui est reconduit dans ses fonctions, et la KANU obtient la majorité au Parlement. Le gouvernement formé en janvier 1993 est composé exclusivement de membres de l'ancien parti unique. Dans la Rift Valley, les Kikuyus sont l'objet de brimades de la part des Kalenjins et des Masais, qui veulent s'approprier leurs terres, provoquant des troubles graves (1 500 victimes).
L'opposition relève la tête avec la création de nouveaux partis, dont le Forum for the Restoration of Democracy (FORD), que préside Oginga Odinga (ce dernier meurt en 1994). Un parti islamique fondé par Cheikh Balala s'implante à Mombasa. Le FORD se scinde en deux organisations rivales, le FORD-Kenya et le FORD-Asili, que dirige un ancien ministre, Kenneth Matiba. En 1995, une autre formation de l'opposition, Safina (« l'arche de Noé », en swahili), porte à sa tête un Blanc de nationalité kényane, Richard Leakey (fils du célèbre paléo-anthropologue Louis Leakey).
Les divisions de l'opposition permettent cependant au président Moi de remporter les élections présidentielle et législatives de 1997. Il est réélu en devançant M. Kibaki et Raila Odinga (le fils de Oginga Oginga Odinga), tandis que la KANU obtient 107 des sièges de l'Assemblée nationale contre 103 à l'opposition, éclatée en une dizaine de formations.
En politique étrangère, le Kenya avait, en 1980, accordé des facilités militaires aux États-Unis, mais avait renouvelé, en 1987, son traité de défense avec l'Éthiopie, alors marxiste, pour disposer d'un allié en cas de conflit avec la Somalie. Les relations souvent tendues avec l'Ouganda et la Tanzanie avaient provoqué, en 1977, la dissolution de la Communauté économique est-africaine mise sur pied par les Britanniques. Cette communauté a été restaurée en 1994 par un traité entre les chefs d'État de l'Ouganda, de la Tanzanie et du Kenya. Par ailleurs, en 1996 et 1998, Nairobi a abrité, sans résultat probant, des conférences de réconciliation entre les factions armées de Somalie. Depuis l'attentat perpétré, le 7 août 1998, contre l'ambassade américaine à Nairobi, le Kenya opère un rapprochement avec États-Unis face au terrorisme, confirmé par la visite du secrétaire d'État Colin Powell, en 2001 puis en 2005.


4.3. Alternance démocratique sur fond de crise post-électorale
Le président Moi accepte les termes de la Constitution qui lui interdisent de solliciter un nouveau mandat, mais, désireux de garder la haute main sur sa succession, il impose à la KANU la candidature du jeune Uhuru Kenyatta, fils du « père de l'indépendance », Jomo Kenyatta. Ce choix d'un homme sans expérience politique se heurte à l'hostilité des prétendants de longue date et de nombreux membres du parti au pouvoir, dont plusieurs rejoignent les rangs de l'opposition.
Cette dernière, rassemblée au sein de la National Rainbow Coalition (NARC, ou Coalition nationale Arc-en-ciel), remporte très largement les élections générales du 27 décembre 2002, dont les observateurs locaux et internationaux soulignent la fiabilité et la transparence. Son candidat, Mwai Kibaki, un Kikuyu, remporte l'élection présidentielle avec 62,2 % des suffrages devant U. Kenyatta (31,3 %). À l'Assemblée, la NARC obtient la majorité absolue en gagnant 125 sièges contre 64 à la KANU.
M. Kibaki échoue à mettre en œuvre la plupart de réformes promises pendant la campagne électorale. En dépit de la création d'une commission indépendante (chargée notamment de réexaminer l’affaire Goldenberg, qui plombe l'économie kényane depuis 1992) la lutte contre la corruption – « un mode de vie au Kenya » – s'avère rapidement inopérante, si bien que les pays donateurs interrompent leur aide dès 2005. Malgré l'essor du tourisme, le délabrement des infrastructures n'est pas enrayé, la croissance reste modeste et les inégalités sociales demeurent fortes.
Annoncée « dans les cents jours », la réforme de la Constitution divise profondément la coalition gouvernementale. La modification de la Loi fondamentale faisait partie des engagements qui avaient permis à la NARC d'être élue triomphalement lors des élections de 2002. Le poste de Premier ministre faisait également partie du pacte préélectoral scellé avec R. Odinga, l'opposant historique, qui avait permis la victoire de la NARC. En échange des votes de son fief de l'ouest du pays, celui-ci devait obtenir, en cas de victoire, ce poste créé sur mesure. Le 21 novembre 2005, les Kenyans rejettent par 58,3 % de « non » le projet de réforme constitutionnelle soumis à référendum. Prenant acte de cet échec, le président Kibaki annonce un remaniement ministériel : limogé, R. Odinga et le PLD forment avec la KANU une alliance appelée Orange Democratic Movement (ODM), dont une faction dissidente, dirigée par Kalonzo Musyoka, deviendra en août 2007 l'ODM-Kenya.
Après une campagne électorale d'une grande violence (près de 80 morts), les élections générales du 27 décembre 2007 se déroulent dans le calme. L'ODM remporte très largement les législatives avec 99 sièges devant le camp présidentiel restructuré autour du Party of National Unity (PNU, 43 sièges), sans toutefois obtenir la majorité absolue. Le 30 décembre, la commission électorale annonce la victoire – avec une avance de quelque 230 000 voix devant R. Odinga (ODM) – du président sortant, M. Kibaki, qui prête aussitôt serment. Dénonçant une fraude massive dans le décompte des votes, R. Odinga appelle ses partisans à manifester contre la « victoire volée ». S'ouvre alors un cycle de violences, prenant parfois, notamment dans la vallée du Rift, l'allure de conflits interethniques, mais également nourries par d'anciennes rivalités foncières. Au terme de deux mois d'affrontements, le bilan sera de 1 200 morts et de 600 000 personnes déplacées.
Après l'annonce, le 8 janvier 2008, par le président sortant de la composition partielle d'un gouvernement de « large ouverture », l'ODM exige une médiation internationale. Celle-ci, après l'échec d'une tentative lancée par le président ghanéen John Kufuor, est poursuivie par l'ex-secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, qui parvient à arracher un accord de partage du pouvoir entre M. Kibaki et R. Odinga le 28 février. Le 13 avril, le premier nomme R. Odinga à la tête d'un gouvernement de coalition composé de 41 membres et au sein duquel Musalia Mudavadi, le numéro deux de l'ODM, et U. Kenyatta, sont tous deux nommés vice-Premiers ministres.
En avril et août 2010, une nouvelle Constitution est finalement adoptée et largement approuvée par référendum. Promulguée le 27 août, elle prévoit un plus grand équilibre entre pouvoirs et d’importantes limitations des prérogatives présidentielles : institution d’un Sénat représentant les comtés et d’une Cour suprême ; procédure de destitution (impeachment) par les deux assemblées du président qui ne peut plus dissoudre le Parlement ; garantie des libertés civiles dans une Déclaration des droits (Bill of Rights) ; décentralisation… Par ailleurs, une politique foncière visant une répartition plus équitable des terres y est explicitement inscrite. Tandis qu’un calendrier est fixé pour l’application de la nouvelle loi fondamentale, le poste actuel de Premier ministre est provisoirement maintenu jusqu’aux prochaines élections générales, date à laquelle le texte devrait entrer pleinement en vigueur.
Présent dans de nombreuses opérations de maintien de la paix, le Kenya s'implique dans la coopération contre le terrorisme et renforce ses liens avec Israël après l'attentat du 28 novembre 2002 visant un hôtel de Mombasa où séjournaient des Israéliens. Sur le plan régional, il mène une intense politique de médiation. Il accueille les pourparlers de paix sur la Somalie, ouverts en octobre 2002 sous l'égide de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) mais s’engage aussi militairement dans la lutte contre les milices islamistes chabab en les délogeant notamment de leur bastion de Kismaayo en 2012. Le Kenya est également le principal médiateur dans le conflit intersoudanais, auquel met un terme la signature, le 9 janvier 2005 à Nairobi, d'un accord global par le gouvernement et le chef du SPLM/SPLA, John Garang.


4.4. Les élections de 2013 et la victoire d’Uhuru Kenyatta
En mars 2013, Uhuru Kenyatta, candidat de l’alliance nationale (TNA issue du PNU) mais inculpé par la Cour pénale internationale (CPI) de crimes contre l'humanité pour sa responsabilité dans les violences postélectorales de 2007, est élu de justesse à la présidence de la République avec 50,07 % des voix. Alors que le taux de participation atteint un niveau sans précédent (86 %), son principal adversaire R. Odinga (ODM) finit par accepter sa défaite, soucieux d’éviter de nouvelles violences.
U. Kenyatta a dû s’assurer du soutien non seulement des Kikuyus, dont il est lui-même issu et dont il parle et utilise la langue, mais aussi d’autres ethnies – aucune n’étant majoritaire – dont celle des Kalenjin (la troisième du pays) représentée par son vice-président William Ruto (parti républicain uni, URP). Ce dernier (qui avait soutenu R. Odinga en 2007) est également poursuivi par la CPI pour les mêmes motifs que le président. Au lieu de les desservir, ces inculpations semblent bien avoir joué en faveur du fils du père de la nation et de son allié. Cet accord au sommet se traduit au niveau parlementaire par la Jubilee Alliance coalition, formée principalement par l’alliance nationale et l’URP qui vient en tête des élections législatives et s’assure, avec ses alliés extérieurs dont le Forum démocratique uni de Musalia Mudavadi, d’une majorité au parlement. Le Mouvement démocratique orange (ODM), qui reste le premier parti, prend la tête de l’opposition.
Les craintes d’une réédition des troubles post-électoraux de 2007 dissipées, le nouveau président entre en fonctions le 9 avril après l’annonce d’un programme axé notamment sur une redistribution des richesses et un juste accès à la terre, le développement économique, la lutte contre l’insécurité et la préservation de l’unité nationale par delà les clivages ethniques.
S’il est soutenu par l’Union africaine et l’Afrique du Sud dans son affrontement avec la justice internationale, il doit aussi faire face au défi du terrorisme à la suite de l’attaque meurtrière dans un centre commercial au cœur de Nairobi commis par un commando les 21-24 septembre en représailles à l’intervention du Kenya contre les milices chabab en Somalie.


 

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LE NATIONAL-SOCIALISME

 

 

 

 

 

 

national-socialisme
(allemand National-Sozialismus)


Doctrine exacerbant les tendances nationalistes et racistes et qui a été l'idéologie politique de l'Allemagne hitlérienne (1933-1945). [Synonyme : nazisme.]


Introduction

Pour beaucoup d'historiens, le national-socialisme est un mouvement né avec Hitler, chef du parti nazi depuis 1921. Cette opinion mérite d'être nuancée, car le national-socialisme, s'il exacerbe des tendances nationalistes et racistes, ne les invente pas. Une continuité de l'impérialisme allemand se manifeste de Guillaume II à Hitler en passant par la République de Weimar (1918-1933). Certains spécialistes de la pensée protestante font remonter à Luther les racines du national-socialisme, mais les travaux récents montrent combien grande fut sur Hitler l'influence du catholicisme autrichien.


1. Les sources du national-socialisme
1.1. Le pangermanisme
Le pangermanisme sous le IIe Reich (1890-1918)
Le pangermanisme apparut vers 1885, se développa après 1890 avec le gouvernement personnel de Guillaume II. Dès cette époque germent des idées telles que la domination de l'Europe centrale par le germanisme, développée par exemple par Julius von Eckardt (1836-1908), celle d'un pangermanisme continental groupant autour du Reich toutes les nations où l'on parle une langue germanique – Pays-Bas, Flandre, Alsace, Moselle, Suisse alémanique, Autriche, etc. Apparaît aussi l'idée de lutte contre la Russie et le slavisme, professée par Paul Anton Bötticher, dit Paul de Lagarde (1827-1891) ou Konstantin Frantz (1817-1891). Ce dernier souhaite une politique d'assimilation et invite les Allemands à déporter les allogènes qui habitent aux frontières à l'intérieur du Reich, pour installer sur ces mêmes frontières des populations véritablement allemandes. La Ligue pangermaniste (Alldeutscher Verband), fondée en 1891, popularise cette pensée.
Langue et race sous Weimar (1918-1933)
Les traités de Versailles et de Saint-Germain de 1919, en enlevant à l'Allemagne des terres considérées par elle comme germaniques – Alsace-Lorraine, Posnanie, corridor de Dantzig (→ Gdańsk) –, en dépeçant l'Autriche, laissent croire à certains Allemands que leur pays va vers sa fin, ce qui stimule le sentiment national. Dès 1923-1924, la République de Weimar, stabilisée, favorise ce mouvement. Pour les Allemands, toute région où l'on parle allemand est allemande ; en 1925-1926, deux ouvrages sont publiés par Wilhelm Volz (1870-1958) : Der westdeutsche Volksboden et Der ostdeutsche Volksboden, description de tous les territoires germaniques enlevés au Reich.
Le mot Volk (peuple) et tous ses dérivés (Völkisch, Volkstum, Volkswagen, etc.) – si utilisés par les nationaux-socialistes – commencent une brillante carrière à l'époque de Weimar, où l'on attache une importance primordiale au principe ethnique. Dès 1921, le Deutscher Schulverein (ligue scolaire allemande) spécifie dans ses statuts que par Deutsche il faut entendre Stammdeutsche, c'est-à-dire « Allemand de sang » : les Juifs allemands ne peuvent appartenir à cette association. On distingue couramment toute une série d'Allemands classés selon leur domicile, à l'intérieur du Reich, à la frontière, à l'étranger (Inlanddeutsche, Grenzdeutsche, Auslanddeutsche), selon leur nationalité (Reichsdeutsche, Auslandreichsdeutsche, Deutschausländer), selon des données ethno-linguistiques (Allemand de sang, Stammdeutsche ; Allemand de langue, Sprachedeutsche ; Allemand de « volonté », Gesinnungsdeutsche ; le germanisé, Eingedeutschte ; le dégermanisé, Entdeutschte). Ainsi, bien avant les lois de Nuremberg (septembre 1935), on connaît en Allemagne d'importantes distinctions fondées sur la race.
L'impérialisme allemand dispose donc de fondements pseudo-philosophiques. Il s'appuie aussi sur d'innombrables organisations : la Ligue pangermaniste et le Verein für das Deutschtum in Ausland (VDA, appelé aussi Deutscher Schulverein), qui, fondé en 1881, n'a que 58 000 adhérents en 1914, mais qui, réorganisé en 1921, se retrouve avec 2 225 000 adhérents en 1929 et dispose à Stuttgart d'un Institut de recherches inauguré par Gustav Stresemann et d'une revue à laquelle collaborent des hommes politiques, y compris des socialistes. Quant au Deutscher Schutzbund, il est créé en 1919 pour préparer l'Anschluss avec l'Autriche. En 1928, le budget du Reich distribue à ces diverses organisations, selon Raymond Poincaré, 95 millions de Reichsmark. En 1931, il leur octroie officiellement 47 millions de mark de subventions.
1.2. Les nationalistes de Weimar
De plus, sous la république de Weimar, beaucoup d'intellectuels réfléchissent sur le devenir de l'Allemagne. La plupart sont des nationalistes connus, tels Oswald Spengler, Arthur Moeller van den Bruck. Il faut aussi rappeler les idées d'un Rathenau ou d'un Thomas Mann à la fin de la Première Guerre mondiale.
Walter Rathenau et Thomas Mann
Walter Rathenau veut une révolution organique et juste : il faut que l'élite traditionnelle disparaisse et que se substitue à elle une élite fondée sur la science. Il souhaite la création d'un Volksstaat, qui serait un État adapté aux besoins du peuple, et il s'en prend à la « ploutocratie capitaliste » et au prolétariat, à l'individualisme forcené et au démocratisme occidental. Rathenau souhaite un État corporatif qui ferait de tous les Allemands des travailleurs égaux, classés par catégories professionnelles, par corporation : le Stand.
Même Thomas Mann critique la société allemande traditionnelle. Il refuse la bourgeoisie technocratique et spécialisée, et regrette presque le temps où la noblesse dominait. Il se sent profondément Européen et pense que l'Allemagne appartient au monde occidental ; mais, dans les années 1920 à 1930, il critique la France embourgeoisée et l'Angleterre impérialiste. L'Allemagne a pour mission de respiritualiser le monde, et puisque, depuis la guerre de Trente Ans (1618-1648), il n'y a plus de bourgeoisie allemande, il faut socialiser l'État et la société, construire un communisme hiérarchisé et, par l'économie dirigée, intégrer la classe ouvrière dans la nation. La pensée de Mann conduit à rétablir, en le modernisant, l'Obrigkeitsstaat, c'est-à-dire une forme de despotisme éclairé où l'équilibre économique serait recherché.
Oswald Spengler
Si des démocrates, comme Rathenau et Thomas Mann, ont pu développer des idées de ce genre, comment s'exprimera la « pensée antidémocratique » ? Oswald Spengler en devient le chantre avec deux ouvrages : le Déclin de l'Occident (Der Untergang des Abendlandes, 1918-1922) et Preussentum und Sozialismus (1920).
Selon Spengler, toute culture, organisme vivant, se fige en civilisation. L'Allemagne n'échappera à cela que si elle se replie sur elle-même et s'inspire des vertus authentiquement prussiennes. Elle doit aussi défendre la civilisation occidentale contre les peuples asiatiques et les races de couleur.
Mais surtout Spengler distingue deux Allemagnes : l'Allemagne occidentale, morcelée, corrompue par les miasmes étrangers – catholicisme, capitalisme, marxisme –, et la Prusse, marquée par la tradition du travail en commun. Pour échapper à la décadence, il faut désintellectualiser la démocratie, démarxiser le socialisme, favoriser l'intégration de toutes les classes dans la société et les incorporer dans la tradition prussienne d'autorité et de discipline. La restauration politique de l'Allemagne sera fondée sur une élite et il faudra :
– un pouvoir exécutif fort ;
– un Reichstag sans pouvoir réel ;
– une forte bureaucratie ;
– une économie réorganisée, dans laquelle l'État jouera le rôle déterminant par le moyen de l'impôt et d'une banque d'État ;
– un retour au droit germanique, car le droit romain accorde une trop grande place à la propriété ;
– une réforme de l'enseignement, de manière à forger des hommes ouverts sur le monde et non des spécialistes.
Moeller van den Bruck
Des thèmes analogues sont développés par Arthur Moeller van den Bruck (1876-1925), qui, dans trois ouvrages (Der preussische Stil, 1916 ; Das dritte Reich, 1923 ; Das ewige Reich, écrit en 1924 et publié en 1934), montre que le nationalisme allemand est nécessaire, car seul il peut maintenir l'Allemagne, pays du milieu de l'Europe et fondement solide de l'équilibre européen.
Van den Bruck donne au nationalisme allemand un caractère à la fois conservateur et révolutionnaire. Révolutionnaire dans la mesure où il se veut socialiste, mais « a-marxiste », conservateur par son attachement à la tradition, par sa critique d'un libéralisme qui forme des individus médiocres, uniquement soucieux d'égalité et de prestige personnel, par sa haine d'une démocratie qui tue l'idée héroïque et aristocratique, et assure le triomphe de l'idée romaine et latine.
L'Allemand ne peut être, selon lui, le citoyen de la Révolution française ni le prolétaire de la Révolution soviétique. Il est nécessaire de défendre le germanisme, de le fonder sur le monde et la race nordiques, car il y a eu dégermanisation accélérée par la catholicisation. Le regroupement ne peut se faire qu'autour d'une nation protestante ; la Prusse en sera le moteur, car, dans cette patrie du Volksstaat, peut grandir le socialisme national qui permet l'intégration et le maintien de la nation. Il faut donc créer le « IIIe Reich », le fonder sur le Volksgeist, sur la jeunesse dynamique, sur les chômeurs, qui, dans un État socialiste national et corporatiste, seront le moteur de l'expansion. Le IIIe Reich reposera aussi sur le Volksstaat et sera dirigé par un chef issu du peuple, der völkische Führer. Tout cela révèle l'influence de l'économiste Friedrich List, du socialisme d'État et du philosophe Nietzsche.
Van den Bruck préconise encore un Reich à la fois fédération et confédération, reposant sur des corps fédéraux, les Länder, des corporations politiques et des corporations économiques. Ainsi, l'État allemand reconstitué pourra, de nouveau, jouer un rôle dynamique et faciliter l'unité de l'Europe autour de lui. En définitive, Moeller van den Bruck apparaît comme le théoricien du néo-conservatisme, rejetant libéralisme, capitalisme, démocratie et marxisme au profit d'un État populaire et national, le Volksstaat.
Toutes ces idées ont un très grand écho en Allemagne, surtout dans les milieux intellectuels, mais aussi dans une partie importante de la société allemande, d'autant plus qu'elles sont reprises et développées par des écrivains et des intellectuels connus.
La revue « Die Tat »
La revue Die Tat (« l'Action ») joue un rôle considérable. Fondée en 1908 par des intellectuels, cette revue d'universitaires qui ne veulent pas descendre dans l'arène politique est un centre de recherches pour un État et un socialisme nouveaux. Un homme marque cette entreprise de son influence, le juriste Carl Schmitt, théoricien du parlementarisme rationalisé, qui estime qu'une Constitution n'existe que dans la mesure où elle exprime une réalité donnée.
Schmitt souhaite un véritable pluralisme, que coordonnerait le président du Reich, pôle stable de la nation, élu qu'il est par le peuple et disposant du droit de référendum. En matière économique, Die Tat critique le capitalisme. L'économiste Ferdinand Fried (1898-1967) montre que, de 1860 à 1914, le capitalisme s'est figé et bureaucratisé. Il faut donc que l'État intervienne et facilite la vie économique autonome du pays. Marqué par la pensée de List, Fried préconise une économie autarcique.
Un troisième thème paraît souvent dans Die Tat : le rôle des Églises. Pour éviter le fascisme, il faut renouveler l'élite allemande : seule l'Église luthérienne, par sa notion du pouvoir (Obrigkeit), peut y aider. Or, au temps de Weimar, on l'a oubliée à cause de l'anticléricalisme du parti social-démocrate (SPD) et du catholicisme triomphant du parti du Centre (Zentrumspartei). Il faut donc renforcer l'influence du protestantisme pour que l'idéal communautaire – conforme à la tradition protestante – puisse interdire la transformation de l'État en un État totalitaire. Cette glorification du protestantisme, que l'on retrouve chez Max Weber, tient une large place dans la pensée de cette époque.
Des héritages recueillis et dépassés par le nazisme
Ainsi, tout au long de la République de Weimar se développe une pensée antilibérale, antidémocratique, qui veut un État fort, organisé, ne laissant pas de place aux traditions non germaniques, marxisme, catholicisme, capitalisme, etc. Ces thèmes, très proches de la doctrine nationale-socialiste, vont être profondément déformés par celle-ci dans un sens totalitaire, mais d'une manière suffisamment habile pour que la masse de la population ne se rende pas compte de cette déformation. Enfin, un dernier élément de la pensée nationale-socialiste s'est considérablement développé sous la République de Weimar, l'antisémitisme.


1.3. L'antisémitisme
L'antisémitisme social
L'antisémitisme existe en Allemagne depuis le Moyen Âge, mais pendant longtemps il a surtout été virulent dans les milieux ruraux, où le Juif était assimilé à l'usurier. Dans les années 1880 apparaît un antisémitisme d'un type nouveau, lié à la notion d'appartenance sociologique. Aussi, pour lutter contre les Juifs, il faut, disait l'historien Heinrich von Treitschke, favoriser les mariages mixtes de façon à intégrer les populations juives dans le peuple allemand. Paul de Lagarde pense qu'il faut les assimiler. L'influence de cette pensée est considérable, d'autant plus que Treitschke est un historien très lu. Pour lui comme pour beaucoup de ses contemporains, les Juifs représentent un État dans l'État qu'il convient de résorber.
L'antisémitisme racial
Mais, très vite, l'antisémitisme prend une tournure différente, un aspect raciste, sous l'influence du comte Joseph Arthur de Gobineau, et surtout, de deux de ses disciples, Richard Wagner et Houston Stewart Chamberlain. Dès lors, l'antisémitisme allemand sera à la fois raciste et nationaliste. L'influence de Chamberlain, gendre de Wagner, puis conseiller de Guillaume II et qui, dès 1923, entre en relation avec Hitler, est considérable. Son livre les Assises du XIXe siècle (1899) fait l'apologie de la race aryenne (→ Aryens) et des Germains. Cette idée avait déjà été exprimée en 1881 par Karl Eugen Dühring, le socialiste adversaire de Marx et d'Engels, qui, dans Die Judenfrage, demande que l'on sépare les Juifs des autres peuples et que l'on crée un État juif pour y déporter tous les Juifs.
L'antisémitisme devient le thème essentiel du parti social-chrétien d'Adolf Stoecker (1835-1909). Sous l'influence de Dühring, ce parti préconise l'exclusion des Juifs de l'enseignement et de la presse, un numerus clausus à leur égard dans le barreau et la magistrature, l'interdiction des mariages mixtes, la confiscation des biens des capitalistes juifs.
Ce mouvement s'accentue avec l'apparition de sociétés antisémites, comme la société Thulé (Thulegesellschaft), fondée en 1912. Ainsi se constitue un courant profond dans la bonne société allemande, qui se développe particulièrement au moment des crises politiques et économiques marquant le début et la fin de la République de Weimar.
L'antisémitisme chrétien
Ce mouvement a d'ailleurs un caractère antichrétien, car, à la suite du philosophe Fichte, puis de Dühring, bon nombre d'antisémites dénoncent la falsification des Évangiles par la pensée juive. Fichte ne reprochait-il pas à Luther d'avoir fait une place trop importante à saint Paul, qui avait judaïsé le christianisme ? Paul de Lagarde, quant à lui, transforme Jésus en un rabbin de Nazareth. Il n'est pas le Fils de Dieu, comme le prétend la « légende biblique du Nouveau Testament ». Chamberlain, lui, voudrait prouver que Jésus n'est pas Juif, mais, comme David, le descendant d'une famille aryenne.
Tous ces thèmes seront repris à l'époque nationale-socialiste par le mouvement chrétien allemand, dirigé par le pasteur Ludwig Müller (1883-1945) – le futur évêque du IIIe Reich.
Ainsi, l'antisémitisme hitlérien plonge-t-il très loin ses racines et sera-t-il pendant très longtemps dans la tradition de la pensée allemande. Il ne s'en écartera qu'à partir du moment où il passera à la liquidation des Juifs d'Europe.
Toutefois, c'est par la pensée autrichienne qu'a été nourri l'antisémitisme de Hitler ; celui-ci a subi en particulier l'influence de Georg Schönerer (1842-1921), dont s'inspire le Deutsche Arbeiterpartei Österreichs, et de Karl Lueger (1844-1910), chef du parti chrétien social autrichien.
La pensée nationale-socialiste s'épanouit donc dans un cadre idéologique aux assises profondes. Adolf Hitler se contente de développer cette pensée, de l'exacerber, et – par son magnétisme – il popularise des idées qui avaient surtout cours dans les classes moyennes et la bourgeoise allemandes.


2. Hitler et le nazisme
2.1. L'ascension du parti nazi

Après la Première Guerre mondiale, à laquelle il participe avec courage, Hitler adhère en 1919 au parti ouvrier allemand (Deutsche Arbeiterpartei), fondé par un ouvrier de Munich, Anton Drexler. Il y rejoint un ingénieur, Gottfried Feder, le premier théoricien du parti, et le capitaine Ernst Röhm, le futur chef des SA, une des milices du parti.
Très vite, Hitler entre au comité directeur, puis en prend la direction, change son nom dès 1920 en « parti national-socialiste des travailleurs allemands » (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, NSDAP). De ce groupuscule qui, en 1919, comptait 60 membres, il fait un parti dont le journal –Völkischer Beobachter – tire en 1922 à 20 000 exemplaires. Dès lors, la vie de Hitler se confond avec celle de son parti.

La crise économique et les talents d'organisateur de Hitler offrent au parti nazi toutes ses chances. En 1932, il est devenu le premier parti d'Allemagne grâce à sa démagogie, sa violence, grâce aussi à sa doctrine, qui trouve un large écho dans l'opinion publique. En 1933, quand il prend le pouvoir, il a déjà plus d'un million d'adhérents, qu'il recrute dans les classes moyennes et dans la classe ouvrière. On peut noter cette importance considérable des ouvriers et leur croissance de 1930 à 1932. Ceux-ci forment de même une part considérable de l'électorat, et beaucoup d'historiens estiment qu'il y a un lien entre extension du chômage et vote nazi. On peut aussi souligner le poids des jeunes dans le parti nazi, surtout ouvriers et étudiants et des enseignants : 2,5 % des adhérents, alors qu'ils reprsentent que 0,9 % de la population active.
2.2. Le programme du parti nazi
Le programme du parti a été publié en 25 points dès 1920 et exposé pour la première fois au cours d'une réunion publique organisée le 24 février à la Hofbräuhaus, une brasserie de Munich, devant deux mille personnes. Sans doute, ce texte est-il très sommaire, mais il insiste à peu près sur tous les thèmes chers à l'opinion publique de Weimar.


Politique raciale
Le nationalisme, le racisme en sont les thèmes essentiels. Sont seuls considérés comme citoyens allemands ceux de sang allemand. Tous les Allemands, en vertu du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, doivent être réunis dans une grande Allemagne. Le programme revendique ainsi l'Autriche, la haute Silésie à la Pologne, le Sleswig (au Danemark), les Sudètes (à la Tchécoslovaquie) et l'Alsace-Lorraine. Les commentaires publiés par le parti précisent que ces peuples doivent être rattachés par plébiscite, mais que le but du gouvernement allemand est de protéger les intérêts de tous les Deutschausländer.
De plus, dans son ouvrage Mein Kampf (« Mon combat »), Hitler affirme qu'il faudrait à l'Allemagne des Randkolonien ( « colonies limitrophes »), comme l'Ukraine ou la Pologne, qui permettraient à l'Allemagne de vivre normalement. Cette notion d'« espace vital » (Lebensraum) devient un des thèmes essentiels de Mein Kampf.


Politique sociale
Le programme de 1920 est nettement antiparlementaire et surtout préconise une politique économique et sociale planifiée et étatisée. Il a des aspects socialisants, car il prévoit l'étatisation des trusts, la participation des ouvriers aux bénéfices et la réforme agraire ; l'article 17 envisage même l'expropriation sans indemnité des grands propriétaires.
Mais très vite, ce programme est aménagé pour éviter de trop effrayer les possédants. Les biens concernés ne sont que les biens détenus par les Juifs. Le commentaire de Gottfried Feder en 1927 est symptomatique à cet égard, puisqu'il affirme que « le national-socialisme reconnaît comme un de ses principes la propriété privée ».
Originalité du programme
Ce programme est fondamental, car on y trouve dès 1920 tous les thèmes du IIIe Reich. On constate une nette ressemblance avec les textes de Die Tat, de Spengler ou de Rathenau. Pourtant, la différence est sensible. Ce que veulent les intellectuels antidémocratiques de la période de Weimar, c'est un nationalisme bourgeois et aristocratique, voire raffiné ; ce que proposent les nationaux-socialistes, c'est un nationalisme populaire, brutal, à la recherche de l'efficacité. Avec le « principe du chef » (Führerprinzip), on est en présence d'une pensée antidémocratique, antilibérale, antihumaniste.
2.3. Les idéologues du nazisme
Trois hommes marquent la pensée hitlérienne : Rosenberg, Darré, Hitler lui-même.
Alfred Rosenberg
Alfred Rosenberg collabore dès 1921 au Völkischer Beobachter. Son œuvre est dominée par trois concepts : la race, l'anticommunisme, l'espace vital. D'origine balte, membre de la société Thulé, Rosenberg apporte à Hitler l'idée du Lebensraum ; mais, surtout dans le Mythe du XXe siècle (Der Mythus des 20. Jahrhunderts, 1930), il se fait le théoricien de l'antisémitisme. Il prétend apporter une image nouvelle de l'histoire de la Terre et de l'humanité. Pour lui, toute l'histoire se ramène au conflit des Nordiques aryens contre les Sémites. Il expose également une pensée anticatholique et presque antichrétienne, et développe la mythologie nationale. Il fait par exemple l'apologie du dieu Odin, dont il retrouve l'inspiration dans la chevalerie, chez les mystiques allemands, dans la pensée de Frédéric le Grand.
Walter Darré
Walter Darré, leader du mouvement agricole et Führer des paysans, est, lui aussi, raciste. Ses deux ouvrages les plus importants, la Paysannerie comme source de vie de la race nordique (1928) et Nouvelle Noblesse de sang et de sol (1930), fondent une doctrine agraire sur les liens « du sang et du sol » (Blut und Boden). Walter Darré veut montrer que la race nordique – parce que paysanne – est héroïque, colonisatrice et guerrière. Cela lui paraît lié au fait que les Nordiques n'ont jamais été nomades ; quand ils se sont déplacés, c'était pour coloniser. Le paysan nordique « est la première forme de l'officier prussien ».
Il existe des liens entre paysannerie et aristocratie, car une élite véritable est liée à une famille et non à des individus. Elle se prépare par une longue hérédité. Malheureusement, pour Darré, la noblesse allemande est en décadence, car elle s'est muée en caste et urbanisée. Il faut donc que le IIIe Reich recrée une noblesse. Darré souhaite la création de domaines héréditaires (Erbhof) et fait une longue étude de ce que devrait être le Führerblut (« le sang des chefs »).
Hitler
Toutes ces idées développées par Darré, Rosenberg ou d'autres sont orchestrées par Mein Kampf. Hitler glorifie dès les premières pages de son livre les Germains et les vrais Allemands contre les Habsbourg, qui ont contribué à dégermaniser des terres allemandes. Exaltant la nation, il s'en prend à toutes les Internationales – juive, marxiste, catholique –, quitte, d'ailleurs, à imiter leurs principes d'organisation (il y a des liens très nets entre les structures du parti nazi et celles du parti communiste de l'Union soviétique). De même, Hitler ne cache pas son admiration pour l'organisation et la discipline jésuites.
Critiquant le parlementarisme, il défend le Führerprinzip (« principe du chef »). Si l'on veut avoir les masses avec soi, dit-il, il faut prendre soin d'elles. Miséreuses et livrées à elles-mêmes, elles rêvent de socialisme international ; guidées par des chefs, elles se laissent nationaliser. Ce n'est pas difficile, car elles ont l'esprit de camaraderie, de solidarité, de sacrifice. Elles aiment l'intolérance et la brutalité. Le chef, c'est le plus fort qui mène le jeu, et le Führer, c'est le chef suprême. Il est le reflet du Volkstum (« caractère national »). Il incarne le rythme et le style de vie du Volk. « Le chef est au peuple ce que la conscience est à l'inconscience. » Il doit s'appuyer sur une institution qui dépende de lui, et le modèle pour Hitler est l'ordre Teutonique, ordre masculin hiérarchisé.
Le Führerstaat s'identifie au Volksstaat. C'est le parti unique qui doit être le fondement d'un gouvernement. L'État est une communauté d'êtres vivants, égaux, gouvernés par les meilleurs ; il lui faut faire une place importante à la jeunesse et à l'éducation, mais toujours sous la responsabilité du chef. L'État doit être centralisé pour que les directives du chef soient bien comprises de tous : comme le rappelle la devise Ein Volk, Ein Reich, Ein Führer ! (« Un peuple, un empire, un guide ! »). Dans cet État national-socialiste, on peut transformer la bureaucratie et la mettre au service du peuple. À ce peuple ne peuvent appartenir que les Allemands, et tous doivent obéir à leur Führer. Tels sont les principes que, dès son arrivée au pouvoir, le 30 janvier 1933, Hitler va appliquer.


3. L'organisation de l'État nazi
3.1. La mise au pas de l'Allemagne (janvier 1933-août 1934)
Le ministère Hitler
Le gouvernement constitué par Hitler en 1933 est un gouvernement de coalition du type le plus traditionnel. Outre Hitler, il ne comporte que deux ministres nationaux-socialistes : Wilhelm Frick et Hermann Göring. L'un est ministre de l'Intérieur du Reich et le restera jusqu'en 1943, l'autre ministre du Reich sans portefeuille, commissaire du Reich en Prusse et commissaire du Reich à l'aviation.
Dès le 1er février, toute la police allemande est contrôlée par les nazis. Aux autres postes sont nommés des sympathisants, qui très vite se convertiront au national-socialisme et, pour la plupart, restent ministres pendant la plus grande partie du régime comme le général Werner von Blomberg, à la tête de la Reichswehr (l'armée autorisée à l'Allemagne par le traité de Versailles), et qui restera ministre jusqu'en 1938. Les autres ministres sont des membres de parti national allemand (DNP) comme Alfred Hugenberg, le magnat de la presse, qui détient tous les portefeuilles économiques, mais qui se retire dès juillet 1933, et le chef de l'association d'anciens combattants Casque d'acier, Franz Seldte (1882-1947), ministre du Travail, poste qu'il conservera jusqu'en mai 1945.
Dès le 1er février, Hitler fait dissoudre le Reichstag par Hindenburg, « afin que le peuple puisse prendre position devant le nouveau gouvernement de concentration nationale ». Les élections sont fixées au 5 mars. Le 6 février, le commissaire du Reich en Prusse, Göring, se voit attribuer les pouvoirs du ministère prussien. Aussitôt après, le Landtag de Prusse est dissous. Dans le Reich, désormais, les nazis possèdent des pouvoirs considérables. Frick et Göring épurent leurs administrations respectives et prennent en main la police. En Prusse, Göring fait de la SA une véritable police auxiliaire et donne ordre à l'ensemble des forces de police de favoriser le mouvement nazi et de lutter, au besoin par les armes, contre l'agitation marxiste.


La liquidation des communistes
Utilisant avec maestria tous les pouvoirs que lui donne la Constitution de 1919 (en particulier l'article 48), Hitler fait promulguer par Hindenburg une ordonnance (4 février) qui autorise le gouvernement à interdire les réunions publiques, à suspendre les journaux, à prendre « toute mesure qu'il jugerait salutaire ». Dès lors, les nazis disposent de tous les moyens pour lutter contre les marxistes. Mais il n'est pas encore possible de dissoudre le parti communiste.
Le 27 février, le Reichstag brûle, incendié par les nazis. Un communiste hollandais, Marinus Van der Lubbe, est arrêté sur les lieux, ce qui sert de prétexte à une lutte très vive contre les communistes. Plusieurs milliers de dirigeants sont arrêtés, la presse marxiste est interdite, les sièges du parti sont occupés. Le 28 février, une ordonnance suspend les droits fondamentaux, et, le 1er mars, un autre texte décide d'assimiler à la haute trahison l'incitation à la grève. La gauche est disloquée, et aucune réaction ne se produit.


Les élections du 5 mars 1933

Les communistes perdent un million de voix, mais les sociaux-démocrates se maintiennent et gagnent des sièges. La situation est analogue pour le centre, qui progresse en voix et en sièges. Les nationaux-socialistes et les nationaux-allemands (parti national allemand, DNP) sont les grands vainqueurs de cette consultation. Les nazis gagnent 6 millions de voix et près de 100 sièges. Ils ont 288 sièges sur 647 députés, mais communistes, socialistes et populistes arrivent à grouper 208 députés, le Centre et les partis apparentés en ayant 96. Les nationaux-socialistes, à eux seuls, n'ont pas la majorité absolue, mais ils l'ont très largement avec les nationaux-allemands. Leur position est renforcée par la mise hors la loi du parti communiste au lendemain des élections. En effet, le parti est dissous, et Hitler dispose désormais de pouvoirs considérables.
Pourtant, dans les Länder, les nazis n'obtiennent pas toujours la majorité. Ils ne l'ont ni en Bavière ni en Prusse. Dès lors, conformément à la Constitution, Hitler nomme des commissaires du Reich dotés de pouvoirs importants, comme Göring en Prusse.


L'élimitation des partis politiques

Le 21 mars, dans l'église de Garnisonkirche de Potsdam, a lieu une cérémonie extraordinaire. Devant les plus hautes autorités du pays, en présence du Kronprinz, fils de l'empereur déchu Guillaume II, Hitler dénonce le traité de Versailles et invite les partis à s'élever « au-dessus de l'étroitesse d'une pensée doctrinaire et partisane ». Le 24 mars, le Reichstag vote à la majorité des deux tiers les pleins pouvoirs à Hitler pour quatre ans (Ermächtigungsgesetz). Seuls les sociaux-démocrates ont voté contre. Le Centre, dont les voix sont indispensables, car une majorité des deux tiers s'impose, fait confiance à Hitler, sans doute contre la promesse d'un concordat auquel Hitler fait allusion dans son discours. Le chancelier demande aussi que le Parlement accepte de ne plus être consulté régulièrement, il réclame et obtient pour le gouvernement qu'il préside des pouvoirs considérables. Dès lors, avec la bénédiction des Églises – en particulier de l'Église catholique – Hitler est le maître absolu du Reich.
Les partis politiques croient pouvoir continuer leur action et « s'abandonnent, dit l'historien allemand Hans Rothfels, à l'illusion de la possibilité d'une opposition politique ». On voit même dans le Wurtemberg le parti social-démocrate inviter les municipalités socialistes à soutenir la politique du gouvernement. Mais, le 22 juin, le parti socialiste est dissous. Le 4 juillet, le Centre s'autodissout. Le 14 juillet, le parti nazi devient le seul parti du Reich.
L'élimination des syndicats
Le gouvernement ne se contente pas de supprimer les partis : le 2 mai, il a dissous les syndicats. Après avoir invité leurs chefs à une grandiose fête du Travail, il fait occuper leurs sièges berlinois et emprisonner leurs chefs. Tous les syndicats sont alors incorporés dans le Front allemand du travail (Deutsche Arbeitsfront, DAF), organisé par la loi du 24 octobre 1934, qui prône la solidarité entre employeurs et employés au sein de la communauté nationale, et encadre toute la population jusque dans ses loisirs à travers son organisation la Force par la Joie (Kraft durch Freude).
Ainsi, la prise en main annoncée par Goebbels dessine « les lignes normales d'une Allemagne dans laquelle il n'y aura qu'une seule opinion, un seul parti, une seule conviction ».


3.2. L'organisation de l'État nazi
Un État unitaire et répressif
La mise au pas hitlérienne arrive peu à peu à ses fins. Le 1er décembre 1933 est promulguée la loi pour la garantie de l'« unité du parti et du Reich ». À la tête du parti se trouve Hitler, aidé par un état-major de 17 personnes, dirigées par le lieutenant du Führer, Rudolf Hess. En dessous viennent des Gaue (provinces), menées par des Gauleiter. Les Gaue sont divisées en Kreise (arrondissements), cantons (Ortsgruppen), et ceux-ci en cellules (Zellen). Partout une hiérarchie stricte, que complètent les organisations parallèles : SA (Sturmabteilung), SS (Schutzstaffel), HJ (→ Hitlerjugend, Jeunesse hitlérienne), DAF, associations féminines, universitaires. À partir du 1er décembre 1936, tous les garçons et les filles doivent adhérer à la Jeunesse hitlérienne, qui compte 8 millions de membres en 1939. Tout cela contribue à faire de l'Allemagne une machine bien huilée, surveillée, contrôlée et endoctrinée.
C'est ainsi qu'apparaissent les premières mesures antisémites. On épure la presse et l'on commence à contrôler l'édition. Le 13 mars 1933, Paul Joseph Goebbels devient ministre de la Propagande. Son ministère contrôle toute la vie intellectuelle, organise des autodafés de livres d'auteurs libéraux, socialistes, communistes, pacifistes, juifs, notamment le 10 mai 1933 lors de la Nuit de cristal. Tous les moyens modernes de communication et d'information sont utilisés : la radio, qui retransmet les discours, surtout ceux de Hitler et de Goebbels, la presse (particulièrement le journal du parti, le Völkischer Beobachter), la musique, les marches, les grands rassemblements.
Deux premiers camps de déportés sont créés : à Oranienburg, près de Berlin, et à Dachau, près de Munich. Dès le mois d'avril, on y trouve 30 000 déportés politiques, socialistes ou communistes.
Le 1er mai 1933, Göring fonde la police secrète d'État prussienne, dont la fusion, sous la direction de Heinrich Himmler et de Reinhard Heydrich, avec les autres organisations policières allemandes donnera naissance à la Gestapo (Geheime Staatspolizei).
Le rôle fondamental de la SS
Instituée en 1923, la SS (Schutzstaffel, « échelon de protection ») n'était au départ que la petite garde personnelle d'Adolf Hitler. Dès 1931, elle est chargée de « nettoyer » le parti nazi, le NSDAP, des éventuels saboteurs ou agents qui auraient pu y être infiltrés. Lorsque le NSDAP devient une organisation de masse, après que la SA fut décapitée lors de la Nuit des longs couteaux (30 juin 1934), la SS devint la gardienne de la pureté idéologique et raciale, le vecteur principal de la révolution nationale-socialiste. Selon le journaliste et sociologue Eugen Kogon (l'État SS, 1946), son but est de « former la nouvelle couche de chefs et d'éliminer toute opposition ».

Heinrich Himmler, membre du parti dès août 1923 et l'un des participants – aux côtés d'Ernst Röhm –, au putsch de Munich tenté par Hitler le 8 novembre 1923 contre le gouvernement bavarois, est nommé Reichsführer des SS le 6 janvier 1929. Il parvient à faire intégrer à son organisation la police du Reich. En 1936, le « fidèle Heinrich » est nommé chef de toute la police. Il n'obéit qu'à Hitler et dirige alors une organisation composée de plusieurs corps :
– la SS générale (Allgemeine SS), dont les membres militants continuent par ailleurs d'exercer leur profession ;
– la SS armée (Waffen SS), dont les effectifs s'enflent jusqu'à devenir, après l'entrée en guerre contre l'URSS le 22 juin 1941, une véritable armée à côté de la Wehrmacht, et comptant en 1945 900 000 hommes dont un grand nombre de volontaires étrangers ;
– les « unités Tête de mort » (SS-Totenkopfverbände), qui assurent la surveillance des camps de concentration ;
– l'Office pour la race et la colonisation, chargé de veiller à la pureté raciale du peuple allemand et d'organiser la colonisation et la germanisation des nouveaux territoires ;
– l'Office central pour l'économie et l'administration (Wirtschafts und Verwaltungshauptamt,WVHA ), dirigé par Oswald Pohl et responsable des entreprises contrôlées par la SS, de la gestion des camps de concentration et de la main-d'œuvre forcée qu'y constituent les déportés.
Mais surtout – dès septembre 1939 – le redoutable Service central de la sécurité du Reich (Reichssicherheitshauptamt, RSHA), qui regroupe, sous la direction de Reinhard Heydrich, la police secrète d'État, la Gestapo, le service de sécurité (Sicherheitsdienst, SD) et la police criminelle (Kriminalpolizei), la Kripo.
Avec la guerre, la SS atteint l'apogée de sa puissance. Elle étend son emprise non seulement sur le Reich, mais également sur les territoires occupés et sur le réseau de camps de concentration, qui ne cesse de se développer. C'est elle qui met en œuvre le programme d'anéantissement des « ennemis du Reich », mais aussi qui est chargée de terroriser les populations.


3.3. Réforme de l'enseignement et de l'Administration
Réforme de l'enseignement

Les hitlériens complètent leur propagande par une réorganisation de l'enseignement et une mise au pas des universitaires. Hitler proclame : « Dans un État national-socialiste, l'enseignement doit tendre non pas à entasser des connaissances, mais à obtenir des corps physiquement sains. »
Les professeurs opposants sont mis à l'écart, qu'ils soient communistes, Juifs ou simplement hostiles au régime. Il est vrai que Hitler peut s'appuyer sur une bonne partie du corps enseignant : 30 % des instituteurs, 35 à 40 % des professeurs du second degré, plus de la moitié des professeurs du supérieur sont proches du parti nazi.
Dès 1933, on réorganise la formation des maîtres. Les Hochschule für Lehrbildung prennent les élèves-maîtres pour quatre ans d'internat, et maîtres et élèves doivent aller aux cours en uniforme du parti. Directeurs et professeurs sont à la fois fonctionnaires de l'État et chefs de Jeunesse hitlérienne. Le but est que l'instituteur soit dans sa commune à la fois un maître, un instructeur politique et un officier de réserve.
En 1939, l'association nationale-socialiste des enseignants fournit 7 Gauleiter, 78 Kreisleiter et 2 668 Ortsleiter ; 18 000 instituteurs et institutrices encadrent la Jeunesse hitlérienne. L'objectif est une politisation de l'enseignement, qu'on veut au service de la nation, de la défense et de la politique. Il faut inculquer aux enfants l'idée de race, de supériorité des peuples germaniques, la conviction que le destin de l'Allemagne est à l'Est et que l'armée est la force éternelle du Reich.
En même temps sont instaurées des écoles de formation politique, les Nationalpolitische Erziehungsanstalten (NAPOLA). Leur but est de « préparer par une solide éducation nationale-socialiste des jeunes gens au service du Reich, du peuple et de l'État ». Il faut fournir des diplômés conscients de l'unité des caractères physiques et mentaux de leur race, sûrs d'eux, fidèles, sérieux, entreprenants, physiquement forts, intellectuellement armés. Pour la formation des maîtres du parti sont créés des Adolf Hitler-Schulen et des Ordensschulen, centres supérieurs de formation des cadres.


Réforme de l'Administration
Tout au long de l'année 1933, on assiste à une réorganisation des administrations. Le gouvernement intervient dans la vie de la justice et donne à l'adjoint du Führer la possibilité de casser les jugements trop indulgents. Un tribunal du peuple est créé pour les crimes politiques. En mai 1933, on s'attaque à l'économie. Walter Darré devient ministre de l'Agriculture et Führer de la paysannerie du Reich. Hitler ordonne un programme de grands travaux sous la direction de Fritz Todt, en particulier d'autoroutes.
On crée dans le parti une série d'organisations destinées à doubler et à contrôler les administrations. Mais surtout un essor considérable est donné à la propagande. La radio en est un élément essentiel, ainsi que le cinéma et les écrivains. Il ne faut pas oublier les cérémonies grandioses qui frappent les foules, comme le congrès de Nuremberg (1er-3 septembre), la fête de la moisson, les quêtes sur la voie publique. Toutes ces cérémonies sont autant de parades, comme des films à grand spectacle.
Une loi du 30 janvier 1934 unifie le Reich. Déjà le 31 mars 1933, une loi a dissous les parlements locaux et décidé qu'il n'y aurait plus de Landtage, mais que, dans chaque Land, les assemblées locales seraient constituées dans les mêmes proportions que pour les élections au Reichstag. En avril, à la tête de chaque Land sont placés des Statthalter. Enfin, en Prusse, le chancelier lui-même est Statthalter. Désormais, les Länder n'ont plus aucune autonomie : la loi du 30 janvier 1934 les supprime purement et simplement. Les Statthalter deviennent des hauts fonctionnaires sous l'autorité du ministre de l'Intérieur du Reich. Il n'y a plus de fédération des Länder allemands, mais un État allemand centralisé. Peu à peu, les divers services des Länder disparaissent à leur tour, et, comme il n'y a plus de Länder, le Reichsrat (Chambre haute) est également supprimé (14 février 1934).


3.4. Une politique expansionniste

Motivé par un pangermanisme et un nationalisme d'action, le national-socialisme pratique très vite une politique expansionniste. En 1935, la propagande hitlérienne détermine le choix des Sarrois, qui, par plébiscite, décident de la réunion de leur territoire au IIIe Reich (→ Sarre).
– En 1936, Hitler – au mépris des traités – fait réoccuper militairement la zone rhénane (→ Rhénanie) ;
– en 1938, c'est l'Anschluss (rattachement de l'Autriche) et l'invasion de la région tchécoslovaque des Sudètes (→ Tchécoslovaquie) ;
– en 1939, celle de la Bohême et de la Moravie, de Memel (→ Klaipeda) puis de Dantzig (→ Gdańsk). L'occupation de cette dernière ville prélude à la Seconde Guerre mondiale, qui verra l'Allemagne nazie dominer une bonne partie de l'Europe
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AVIATION

 

 

 

 

 

 

aviation


Il s'est écoulé moins d'un siècle entre le vol du premier avion – celui de Clément Ader – et la mise en service des plus gros porteur à passagers, comme le Boeing 747-400. Quelques grandes dates jalonnent l'évolution technique, sportive et commerciale de l'aviation : la première traversée de la Manche par Louis Blériot le 25 juillet 1909, année marquée par la constitution de la première compagnie aérienne française ; le premier vol d'un avion à réaction en avril 1944 ; ou encore le premier décollage d'un supersonique de transport civil, le Concorde, le 2 mars 1969. Toutefois, l'aviation n'a abordé sa véritable vocation, celle de moyen de transport universel, que le 9 février de cette même année, lors du premier vol d'un Boeing 747.
Cet appareil, d'une masse de près de 400 tonnes au décollage lorsqu'il est chargé à plein, transporte jusqu'à 600 passagers dans sa version 747-400. Avec ses vastes dimensions (59 m d'envergure, 57 m de longueur intérieure), il ouvre dès 1970 l'ère du transport aérien de masse. Commandé par toutes les grandes compagnies aériennes, ce quadriréacteur est représentatif de l'évolution récente du trafic aérien. Il se présente en effet en trois versions adaptées aux besoins des exploitants : un appareil entièrement destiné au transport des passagers ; un appareil mixte dont la moitié arrière est dévolue au transport des marchandises ; ou encore un cargo transportant exclusivement du fret. Le trafic des marchandises prend de plus en plus d'importance. À Air France, par exemple, il croît de 20 % par an, quatre fois plus que le transport de passagers, qui augmente de 5 à 6 % par an.
Les avions plus petits connaissent eux aussi depuis quelques années un développement commercial important. Si les appareils « exotiques », qu'ils soient à pédale ou mus par l'énergie solaire, relèvent encore de la recherche technique ou de l'exploit sportif, les U.L.M. (ultra légers motorisés) ont conquis leur titre de noblesse en devenant des engins militaires de reconnaissance à basse altitude, ou des appareils d'épandage de produits phytosanitaires au service de l'agriculture…
Pour en savoir plus, voir les articles aéroport, circulation aérienne.
Des long-courriers aux bombardiers

Au début de l'aviation, le seul objectif était de voler. Très vite a commencé la diversification des machines volantes selon leur fonction. Ainsi, le premier avion amphibie volait dès 1910, puis en 1911 le premier bimoteur. La même année, une mission de reconnaissance italienne en Libye fut le premier vol militaire. Les impératifs militaires ont dès lors été pendant longtemps à l'origine de la spécialisation croissante des machines volantes.

L'évolution vient principalement de cette activité aérienne essentielle qu'est le transport civil de passagers : pas moins de 500 compagnies exploitent dans le monde une flotte totale d'environ 85 000 appareils. Ils se répartissent en plusieurs catégories : les long-courriers, équipés de trois ou quatre propulseurs, le plus souvent à réaction, leur donnant le droit de s'éloigner de plus de 90 minutes de vol de l'aéroport le plus proche, donc de traverser les mers ; les moyen- et les court-courriers, équipés de deux propulseurs, réacteurs ou turbopropulseurs. Autres appareils de transport civil, ceux de l'aviation dite de troisième niveau. Du Gulfstream de Grumman de 22 places (masse : 17,5 t), capable d'effectuer des trajets de 8 200 km sans escale à la vitesse de 1 000 km/h, jusqu'au tout petit Tobago Socata de 4 places (il ne pèse que 670 kg) volant à 243 km/h sur des trajets de 1 000 km au maximum, cette classe recouvre une bonne quarantaine de types d'aéronefs bien différents.

Les militaires, eux aussi, exploitent des avions de transport. Les plus imposants sont le Lockheed C 5 Galaxy américain, d'une envergure de 68 m et de 350 t de charge brute, ainsi que l'Antonov 225 qu'utilisait l'armée soviétique, seul appareil au monde à être doté de six propulseurs, véritable géant atteignant 600 t de charge au décollage. À la fin du siècle, une nouvelle génération d'avions de transport militaire s'annonce avec les nouvelles versions de l'Hercules C 130 de Lockheed et avec les projets russe d'Antonov 70 ou européen d'ATF (avion de transport futur). Mais les avions militaires, ce sont, bien sûr, les bombardiers. Le plus étonnant est le B2 américain, qui a ouvert en 1989 l'ère de l'avion dit furtif. Cet appareil, d'une géométrie particulière, est constitué de matériaux qui ne renvoient pratiquement pas d'écho radar. De cette technologie a aussi bénéficié l'avion d'attaque F 117 devenu célèbre dans la guerre du Golfe. Quant aux chasseurs les plus modernes, ils atteignent une limite qui ne sera pas franchissable : la résistance humaine des pilotes aux accélérations lors de manœuvres d'échappe. Cependant, l'avion de chasse évolue et devient de moins en moins un appareil de combat direct. Son dispositif électronique embarqué repère un ennemi à plus de 50 km de distance ; et il est capable de l'intercepter au moyen de missiles air-air dits intelligents parce qu'une fois programmés ils ne lâchent plus la cible désignée.


L'épopée aérienne semble revenir aux aventures de ses débuts. Des appareils bizarres sont utilisés par les ingénieurs pour explorer, souvent par sportifs interposés, de nouvelles voies technologiques, qui donneront peut-être naissance aux avions de demain.
Ainsi des U.L.M., les ultra légers motorisés. Apparus comme dérivés motorisés du deltaplane, ils sont devenus de véritables petits avions en recevant une architecture « trois axes » (deux ailes et une queue) qui leur permet de voler en toute sécurité avec un moteur de 50 à 60 ch. Une flottille de plusieurs milliers de ces appareils est utilisée pour deux types de missions, l'épandage de produits phytosanitaires et la reconnaissance aérienne à basse altitude.
Plus légers encore, les avions solaires sont devenus une réalité en novembre 1980 lorsque le Solar Challenger, un appareil de 14 m d'envergure et d'une masse de 90 kg, a décollé pour la première fois, mû par un moteur électrique alimenté par 16 130 cellules photovoltaïques. Cet avion, qui a traversé la Manche à 50 km/h, ouvre des perspectives pour de nombreuses applications dans les pays chauds, lorsque les cellules solaires atteindront un meilleur rendement.
Plus écologique encore, l'avion à pédale, dont l'ancêtre avait été imaginé par Léonard de Vinci en 1496, est devenu réalité en août 1977, lorsque Bryan Allen, un champion cycliste américain, a volé pour la première fois grâce à sa seule force musculaire. Il devait traverser la Manche en juin 1979, en pédalant pendant 2 heures et 49 minutes.
L'un des plus petits avions « classiques » est sans doute le Birdman, un minuscule appareil qui pèse 55 kg et peut voler à 80 km/h, propulsé par un moteur à piston de 12 ch.
Mais, en aéronautique, l'exotisme n'est pas réservé aux appareils miniatures. Les avions du type A.D.A.V. – à décollage et atterrissage verticaux – ont reçu une première application opérationnelle avec la mise en service de l'étonnant Sea Harrier de l'aéronavale britannique. Sur cet avion, construit par Hawker-Siddeley, les jets des moteurs basculent pour permettre un décollage et un atterrissage à la verticale. Les Soviétiques ont aussi construit un appareil, le YAK 36, volant de la même manière.
De l'hélice au statoréacteur
Introduction

Hélices d'avion
La bonne vieille hélice, dont le mode de propulsion rappelle concrètement qu'un avion évolue dans un fluide, n'a pas dit son dernier mot : on la croyait condamnée par l'ère du turboréacteur, lui-même déjà menacé par le statoréacteur. Mais, si ce propulseur étonnant semble effectivement opérer la fusion entre l'aéronautique et l'astronautique, annonçant la mise au point de véritables avions spatiaux, rien n'est joué dans le domaine des avions classiques, où l'ordinateur remet bien des perspectives en question.
La propulsion, d'une part, pourrait revenir à l'hélice, dont le design, affiné au moyen de la conception assistée par ordinateur, donne une nouvelle compétitivité à ses performances, comparées à celles du réacteur. Les avions de transport pourraient en être les bénéficiaires. D'autre part, les turboréacteurs voient, eux aussi, leurs performances progresser, notamment par l'utilisation de matériaux composites, qui restent encore fonctionnels à des températures de l'ordre de 1 500 °C. Il en résulte une nette amélioration de rendement, dont bénéficie déjà le nouvel avion de combat français Rafale.
Mais l'ordinateur va jusqu'à transgresser certaines lois fondamentales de l'aéronautique. Les aéronefs peuvent désormais voler de manière « instable », leur comportement face aux turbulences étant sans cesse corrigé par microprocesseurs. Cette nouvelle conception est encore plus révolutionnaire que ne l'a été en son temps l'apparition de la propulsion à réaction. Les ingénieurs auront à changer la conception des appareils et leurs performances prévisibles.
Les parties d'un avion

Schématiquement, un avion se compose de trois éléments fondamentaux : les moteurs, la voilure et le fuselage. Ce dernier est le corps central de l'appareil. Il comprend lui-même plusieurs parties. D'abord la cellule, enceinte pressurisée à une pression équivalente à celle qui règne à 2 500 m d'altitude – aisément supportable par tous – même lorsque l'avion évolue à 10 000 ou 11 000 m, comme les jets commerciaux actuels. Fermée par des parois internes semi-étanches, cette cellule regroupe le cockpit où se trouvent les moyens de pilotage et l'habitacle pour les passagers, ainsi qu'un logement spécial pour ce qui ne supporterait pas la dépressurisation, les animaux par exemple. Le reste du fuselage contient la soute à bagages, des compartiments de service où sont logés le train d'atterrissage et des équipements annexes, tels que les pompes hydrauliques et les tringleries mécaniques qui doublent obligatoirement les servomoteurs sur tous types d'avions commerciaux (à l'exception de l'Airbus A320).

Gouvernes d'avion
La voilure assure le rôle fondamental de l'avion : voler. Elle se compose principalement des ailes, autrefois réalisées comme le fuselage en alliage d'aluminium ou de titane, mais de plus en plus construites en matériaux composites, résistant à l'échauffement provoqué par le frottement de l'air. Outre leur fonction annexe de soutien des moteurs, dans la plupart des avions civils, et de logement pour les réservoirs de kérosène (sur certains avions, tels que le Concorde, des dispositifs automatiques assurent en outre la répartition des réserves en combustible pour maintenir l'équilibre de l'appareil tout au long du vol), les ailes assurent la portance de l'avion en établissant une force verticale qui équilibre son poids en s'appuyant sur l'air. L'autre facteur concourant à la bonne tenue en vol est la traînée de l'appareil, force qui s'oppose à l'avancement de l'avion.
La dérive arrière est une autre partie de la voilure. Elle stabilise la trajectoire de l'appareil. Quant aux gouvernes, leur rôle est d'assurer la rotation de l'avion autour de chacun de ses trois axes.
Les turboréacteurs

Fonctionnement de moteurs à réaction
Les moteurs à piston faisaient avancer les avions par la rotation d'hélices rejetant de l'air vers l'arrière, exactement comme un navire avance dans l'eau. Principal inconvénient : la vitesse de rotation de l'hélice est limitée, de graves perturbations et une onde de choc destructrice apparaissent lorsque le bout des pales approche de la vitesse du son.
Une première solution a consisté à caréner les hélices et à les faire tourner par l'intermédiaire d'une turbine dans les turbopropulseurs, pour favoriser l'accélération de l'air éjecté vers l'arrière, et améliorer le rendement à haute vitesse. Toutefois, c'est avec l'apparition du turboréacteur, au début des années 1940, que le mur du son a été dépassé grâce à de nouvelles technologies. Fondamentalement, un turboréacteur est constitué d'une enceinte carénée qui aspire et comprime l'air de l'extérieur. Celui-ci est ensuite chauffé dans une chambre de combustion. Puis il passe dans une turbine à laquelle il cède une partie de son énergie, qui sera utilisée pour la compression. Enfin, il est éjecté vers l'arrière où il se détend à grande vitesse dans une tuyère, exerçant sur les parois de celle-ci une poussée qui assure la propulsion de l'avion par réaction.
Le statoréacteur, mis au point dans les années 1950, est basé sur le même principe : l'air, porté à très haute température, est détendu dans une tuyère. D'un concept simplifié à l'extrême, ce propulseur ne comporte plus aucune pièce tournante, l'admission de l'air se faisant simplement par la vitesse même de déplacement de l'appareil. Le rendement d'un tel propulseur n'est intéressant qu'à haute vitesse, ce qui limite son utilisation à quelques prototypes, qui ont tout de même franchi le mur du son. Mais il devrait connaître de grands développements au début du xxie s.
Faire voler des avions « instables »

Depuis l'apparition des premières machines volantes, le centre de gravité de celles-ci était toujours situé en avant du foyer, point théorique des ailes où s'applique la portance de l'appareil. Celui-ci était ainsi naturellement « stable », l'équilibre entre le poids, la poussée des moteurs et les forces dues à la résistance de l'air en cas de turbulences ayant tendance à le ramener dans sa ligne de vol. L'ordinateur contrôlant désormais en permanence l'angle d'incidence de l'avion, le centre de gravité de celui-ci peut être situé derrière le foyer. Cela le rend physiquement « instable », c'est-à-dire incapable (sans l'action permanente de l'ordinateur) de garder sa ligne de vol face aux turbulences. Mais cette incapacité est contrebalancée par un extraordinaire gain en manœuvrabilité au cours des phases critiques de vol (décollages, atterrissages) – qui pourront être effectuées sur des distances beaucoup plus courtes –, ainsi que lors de manœuvres à très basse vitesse. Libérés du souci de la stabilité en vol, les ingénieurs peuvent innover dans la conception des aéronefs. Ceux-ci pourront être dotés de formes beaucoup plus efficaces. Les moteurs seront placés là où leur poussée s'exercera avec le plus de justesse, des ailerons « canard » peuvent améliorer la faculté de cabrage de l'appareil. En plus, les pièces qui doivent être le plus fréquemment remplacées seront installées aux endroits particulièrement accessibles.
Les commandes électroniques

La commande électronique est déjà un outil indispensable au maintien en l'air des avions aux formes instables. À l'avenir, elle jouera le rôle de copilote agissant à la place de l'homme, au cours de phases de vol de plus en plus nombreuses. Même sur des long-courriers « classiques », comme le Boeing 747, il est déjà impossible de traverser l'Atlantique par mauvais temps sans une chaîne électronique qui garde automatiquement le cap et l'assiette de l'avion, le pilote humain ne pouvant assurer plusieurs heures d'affilée le contrôle de commandes susceptibles de lui échapper en permanence.
Dans l'aviation civile, l'automatisation atteint son développement le plus avancé dans la génération des avions à commandes électriques et à butées électroniques, par exemple dans l'Airbus A320 : le pilote agit sur les gouvernes de l'appareil non plus mécaniquement par l'intermédiaire du fameux « manche à balai », mais de la même façon qu'une manette de jeu télécommandé sur ordinateur. Les mouvements effectués par le pilote sur le minimanche latéral sont traduits en signaux électriques qui agissent sur les servomoteurs des gouvernes. En outre, des ordinateurs intercalés entre ce minimanche et les servomoteurs servent à ne pas prendre en compte les commandes qui feraient sortir l'avion de son enveloppe de vol. Il est, par exemple, impossible de mettre l'avion en position de cabrage, ce qui pourrait provoquer une rupture de structure.
Ces garde-fous électroniques sont encore plus étonnants sur les avions de combat de la nouvelle génération, comme le Rafale français ou l'Eurofighter germano-britannique. Sur un chasseur comme le Mirage 2000, l'ordinateur de bord remplace depuis vingt ans déjà les multiples cadrans d'autrefois par des écrans où ne s'affichent que les paramètres nécessaires à la phase de vol du moment.
Les hélicoptères
Introduction

Le principe de l'hélicoptère est défini par son nom, du grec helix, spirale, et pteron, aile : un mode de sustentation et de déplacement par une hélice à axe vertical située au-dessus de l'appareil. Celle-ci permet de rester à volonté en point fixe en l'air, et surtout de décoller et de se poser entièrement à la verticale d'un lieu. Par rapport aux avions, obligés de s'élancer sur des pistes avant de pouvoir décoller, ces machines volantes ont un avantage essentiel, celui de pouvoir aller partout, comme un oiseau ou presque : il rend leur usage universel.
Si le mécanisme des « giravions » avait déjà été imaginé par Léonard de Vinci, le principe des pales tournant sous l'action de jets de vapeur s'échappant de leur extrémité a été proposé dans les années 1840 par le pionnier britannique George Cayley. Le premier hélicoptère, vide de tout occupant, construit par Enrico Forlanini, s'est élevé dans les airs à Milan en 1877. Mais c'est le 13 novembre 1907 qu'a décollé le premier hélicoptère piloté par son inventeur, Paul Cornu, concrétisation des longs travaux de recherche qu'il avait menés en compagnie de Louis Bréguet.

Toutefois, il faudra attendre la fin des années 1940 pour que les aéronefs à voilure tournante (hélice) ne soient plus considérés comme une curiosité technique, mais comme un fantastique moyen d'atteindre les zones les plus difficiles d'accès. Tandis qu'aux États-Unis se multipliaient les hélicoptères construits par Sikorsky, la France lançait l'Alouette II (1956), premier hélicoptère commercialisé à utiliser une turbine, mise au point par Turbomeca. Une véritable révolution qui permettait de majorer la puissance de l'hélicoptère de près de 50 % par rapport aux moteurs à piston d'auparavant, et surtout de supprimer la quasi-totalité des vibrations dangereuses engendrées par le couple voilure tournante-cellule.
Devenu outil universel, l'hélicoptère a connu un développement fulgurant. La guerre du Viêt Nam l'a consacré, à partir de 1967, comme moyen de transport et d'intervention militaire : près de la moitié des appareils des principaux modèles en service dans le monde sont destinés à des usages militaires.
Les principaux types

Plus d'une trentaine de types d'hélicoptères différents sont fabriqués dans le monde. Les très gros appareils, comme le Sea Stalion de Sikorsky (11 t), sont capables de transporter 37 personnes à plus de 300 km/h.
À l'inverse, l'un des appareils les plus légers en service est le Kawasaki-Hughes, qui pèse 560 kg à vide et peut transporter jusqu'à 7 personnes.
Le Commando du constructeur britannique Westland pèse 9,5 t et parcourt jusqu'à 1 100 km sans ravitaillement. C'est un record.
D'autres constructeurs excellent dans la diversité des appareils produits, comme les Américains Bell et Sikorsky et le groupe européen Eurocopter, filiale, constituée en 1992, des firmes française Aérospatiale et allemande DASA. Celui-ci n'offre pas moins de onze modèles, du petit EC 120 jusqu'au Super-Puma de 10 t, en passant par les Écureuil, Dauphin, EC 135 et EC 155.
Les lois du pilotage
Les giravions, qu'il s'agisse des autogires ou des hélicoptères, sont sustentés par leur hélice, appelée en termes techniques « voilure tournante ». Ils sont véritablement accrochés à une ou plusieurs hélices dont la mise en rotation exerce sur l'air une force suffisante pour contrebalancer leur poids et les arracher du sol. Seule différence entre les deux types d'appareils : alors que l'autogire est propulsé comme les avions par une autre hélice à axe horizontal, l'hélicoptère, lui, se propulse en jouant sur la variation du pas de l'hélice qui le soutient, ou en jouant sur l'angle du rotor qui fait tourner celle-ci.
L'hélice agit dans l'air comme une vis dans le bois, par l'inclinaison plus ou moins prononcée de ses pales, qui « attaquent » en conséquence plus ou moins fortement le fluide dans lequel elles tournent. Concrètement, l'angle d'attaque de l'hélice est réglé de façon à exercer une attraction sur l'air qui est refoulé en grande quantité vers l'arrière. Cette action pousse le giravion vers l'avant. Si le pas de l'hélice est totalement inversé, le giravion est poussé vers l'arrière. Ce dispositif permet à un hélicoptère dont le moteur est en panne de ne pas tomber, grâce à la mise en autogiration de l'hélice.
La voilure tournante assure non seulement les mouvements ascensionnels, mais aussi l'avance de l'appareil qui peut être obtenue de plusieurs manières : par un compromis entre la vitesse de rotation de l'hélice et l'ouverture de son pas, par une certaine inclinaison de l'axe de rotation de l'hélice, ou encore par la variation du pas de l'hélice du rotor de queue. Situé à l'arrière de l'appareil, celui-ci assure le maintien de l'axe de déplacement en s'opposant au contre-couple créé par l'hélice principale, qui tend à faire tourner l'hélicoptère sur lui-même. Un judicieux système de renvoi met en œuvre ce principe à partir d'un manche à balai, similaire à celui d'un avion. Et les pédales de palonnier, identiques également à celles que l'on trouve à bord d'un avion, permettent, quant à elles, de jouer sur le « slip », l'assiette de l'hélicoptère et son attitude par rapport à son axe de déplacement.
Les matériaux composites
L'hélicoptère a bénéficié des retombées techniques de la conquête spatiale, notamment l'emploi dans sa construction des matériaux composites, ultralégers et ultrarésistants, mis au point pour la fabrication des fusées.
L'organe fondamental qu'est l'hélice a vu ses performances croître avec l'utilisation de matériaux moulés (à base de fibres de carbone enrobées dans une matrice elle aussi en carbone) ou bobinés, tels que le Kevlar. Outre un allègement de l'ordre de 20 %, le recours à ces composites procure des avantages déterminants en fiabilité : les pales sont mieux équilibrées, face aux couples parasites qui se produisent lors de leur rotation ; ces matériaux résistent mieux au contraintes et au vieillissement par oxydation ou autre agression chimique ; tout risque de rupture brutale en vol, auquel exposaient les métaux non-ferreux utilisés auparavant, a été pratiquement éliminé. Enfin, avec l'aide de l'informatique, les matériaux composites permettent la conception de pales à l'aérodynamisme optimisé, puisqu'ils se prêtent à la réalisation de formes extrêmement complexes.
De même, le moyeu du rotor, pièce composée auparavant de plus d'une vingtaine d'éléments, est devenu monobloc grâce aux « composites lamellés », véritables sandwichs de feuilles de plastiques élastomères et de métal intimement collées. La maintenance en a été simplifiée à l'extrême. Ce principe supprime, en outre, une grande part des vibrations parasites engendrées par les pales et facilite le pilotage de l'appareil. La mise au point de cellules d'hélicoptères en composites permet aussi d'alléger les appareils tout en les rendant, en vol, beaucoup moins sensibles à la foudre.
Le moteur d'un hélicoptère
Les hélicoptères modernes sont propulsés par des turbopropulseurs. Il s'agit de turbines, brûlant du kérosène, qui, une fois allumées, tournent à deux vitesses : le ralenti et le plein régime. Celui-ci correspond à 90 % de la vitesse maximale de rotation.
Un générateur de gaz entraîne une ou plusieurs turbines qui transmettent le mouvement de rotation au rotor principal de l'hélice et au rotor de queue par une succession d'engrenages et de réducteurs. Le compresseur qui alimente la turbine commande éventuellement l'orientation des pales par l'intermédiaire de circuits hydrauliques.


L'hélicoptère militaire

L'hélicoptère militaire, déjà utilisé en Corée et en Algérie, s'est considérablement développé à partir de 1967, lorsque les États-Unis lui ont confié, pendant la guerre du Viêt Nam, des missions d'évacuation de leurs troupes et d'observation des lignes ennemies. Une grande part des hélicoptères militaires ont une fonction de transport d'hommes ou de matériel. À cet égard, le plus imposant est le MI26 russe, l'hélicoptère de transport le plus lourd du monde (28 tonnes), pouvant recevoir 20 tonnes de matériel dans une soute au volume voisin de celle d'un avion du type Hercules C 130.
Depuis les années 1980, on assiste à la mise au point de véritables hélicoptères de combat. Armes antichars par excellence, ces appareils, embusqués derrière un rideau d'arbres par exemple, peuvent fondre sur une colonne de blindés et la détruire en quelques instants. Des versions plus légères deviennent des vecteurs de la chasse anti-hélicoptère, ou de la lutte anti-sous-marin. L'hélicoptère bénéficie, en outre, des progrès réalisés en optronique pour devenir l'arme idéale du combat de nuit. Le Tigre franco-allemand, dont la production a commencé en 1998, entre dans cette gamme d'hélicoptères de combat qu'illustraient déjà l'Apache américain ou le Kamov-50 russe.
L'hélicoptère civil
En montagne, l'Alouette II est devenu le symbole de l'utilisation civile de l'hélicoptère. Construit par l'Aérospatiale à plus de 1 300 exemplaires de 1956 à 1970 et vendu à 46 pays, cet appareil léger a été le premier à bénéficier d'une turbine, mise au point en France par la firme Turbomeca. Il a donné naissance au « Lama », hélicoptère universel utilisé partout pour les secours et l'intervention en milieu difficile d'accès. Pesant à vide 1 021 kg seulement, il peut transporter des charges de l'ordre de 1,5 tonne soutenues par un crochet, ce qui en fait un instrument précieux pour le génie civil ou même les déménageurs ; capable de rester en position stationnaire avec une précision de l'ordre de 10 cm, il permet aussi bien à E.D.F. d'amener des éléments de pylônes en zone non desservie par une route, que de faire entrer par la terrasse d'un immeuble un piano trop gros pour la porte. En montant à 12 442 m, le Lama a établi en 1972 le record mondial d'altitude atteinte par un hélicoptère, record qu'il continue à détenir. À l'opposé, son aptitude à voler à très basse altitude en fait un outil précieux pour l'agriculture, en permettant d'assurer l'épandage sur les champs. Commercialisé depuis 1997, l'Écureuil B 3 fait aujourd'hui figure de successeur du Lama.
Cependant, le principal rôle civil de l'hélicoptère est le service médical d'urgence. Souple d'utilisation et rapide, il est un véritable ambulancier de l'air. C'est aussi le véhicule idéal de liaison rapide entre points d'accès difficiles. Ainsi, la mise en place et l'exploitation des gisements offshore ont suscité un peu partout dans le monde la constitution de véritables flottilles d'hélicoptères destinés à assurer la relève des équipages et le transport de vivres sur les plates-formes pétrolières en haute mer. L'hélicoptère est entré en ville, passant au-dessus des embouteillages, véritable navette aérienne reliant, par exemple, les aéroports de Heathrow et Gatwick, à Londres ; il met vingt minutes là où il faudrait deux heures en voiture.
La maintenance
La complexité technologique des hélicoptères se paie par une maintenance lourde qui impose, suivant les types d'appareils, de une à cinq heures d'entretien par heure de vol, et amène leur coût d'exploitation à un niveau d'autant plus élevé qu'à puissance égale un hélicoptère consomme plus de carburant qu'un avion transportant la même charge (un Puma de l'Aérospatiale, conçu dans les années 1960, par exemple, consommait plus de 600 litres à l'heure). La raison principale d'une maintenance si lourde réside dans le niveau et le nombre très élevé de vibrations que subit un hélicoptère, soumis en permanence à des couples induits par sa voilure tournante et son rotor de queue. C'est pourquoi les ingénieurs ont mis au point des éléments qui sont constitués d'un seul bloc, à l'image de l'axe du rotor réalisé en lamifiés, ou encore du système de variation du pas des hélices, assuré de plus en plus par une seule biellette par pale. De même, l'Aérospatiale a mis au point un rotor arrière caréné de type « fenestron », qui, tout en réduisant le bruit et en améliorant la sécurité, assure sur le plan aérodynamique la poussée anticouple en vol.

 

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