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KENYA

 

 

 

 

 

 

Kenya
Nom officiel : République du Kenya


État d'Afrique orientale, sur l'océan Indien, le Kenya est entouré par le Soudan du Sud et l'Éthiopie au nord, la Somalie à l'est, l'océan Indien au sud-est, la Tanzanie au sud et le lac Victoria et l'Ouganda à l'ouest.
Le Kenya est membre du Commonwealth.
Superficie : 583 000 km2
Nombre d'habitants : 44 354 000 (estimation pour 2013)
Nom des habitants : Kényans
Capitale : Nairobi
Langue : swahili
Monnaie : shilling du Kenya
Chef de l'État : Uhuru Kenyatta
Chef du gouvernement : Uhuru Kenyatta
Nature de l'État : république
Constitution :
Adoption : avril 2010
Pour en savoir plus : institutions du Kenya


GÉOGRAPHIE
L'Ouest, montagneux et volcanique, est le domaine des cultures du café et du thé et de l'horticulture (produits exportés par Mombasa). Dans l'Est, formé de plaines, se localisent des plantations de canne à sucre, de bananiers et de sisal. L'élevage est développé, mais revêt souvent une plus grande valeur sociale qu'économique. Le tourisme (réserves d'animaux et littoral aux récifs coralliens) comble une partie du déficit de la balance commerciale. La population, rapidement croissante, juxtapose une quarantaine de groupes ethniques (les Kikuyu étant les plus nombreux).
1. Le milieu naturel du Kenya
1.1. Le relief

Le relief est très diversifié. À l'est, le long de l'océan Indien, la côte, de 400 km de long, tantôt marécageuse et envahie par la mangrove, tantôt sableuse, est bordée d'îlots et de barrières coralliennes. Là affleurent des terrains sédimentaires allant du quaternaire au Karroo (fin du paléozoïque et début du mésozoïque). Elle se rétrécit du nord au sud. Hauteurs et dépressions, exploitant l'inégale résistance des sédiments crétacés et tertiaires, s'y succèdent. Les régions basses périphériques, au nord et à l'est, monotones, proviennent d'aplanissements du socle (comme dans le pays nyika, entre Nairobi, la capitale et Mombasa) ou d'épanchements volcaniques. Leur désolation est accentuée par la sécheresse, par exemple dans la région du Marsabit. Des hauteurs isolées les accidentent localement : reliefs résiduels dans le socle (Kamba, Taita), alignements de cônes volcaniques (Chluyu). Depuis la région côtière, l'altitude s'élève vers l'intérieur, constitué en majeure partie par des plateaux élevés dans le socle précambrien, qui constitue une pénéplaine monotone parsemée d'inselbergs.

La coupure brutale de la Rift Valley, dépression tectonique de 40 à 80 km de largeur, bombement de l'effondrement du vieux socle cristallin, divise ces plateaux en des hautes terres orientales, où se trouve la capitale, Nairobi (1 600 m), et en des hautes terres occidentales, qui descendent vers le lac Victoria, dont le Kenya est riverain. Elle est dominée par les escarpements vertigineux des monts Aberdare, à l'est, et du Mau Escarpement, à l'ouest. Dans la région de la Rift Valley, le socle disparaît entièrement sous d'énormes épanchements volcaniques. Le fond du Rift, très irrégulier, forme lui-même une zone d'altitude. Il s'élève par paliers du lac Turkana au lac Naivaska, avant de redescendre vers le lac Natron, à la frontière tanzanienne. Il existe dans le fond de la Rift Valley de nombreux volcans récents (Suswa, Longonot, Menengai). Cette zone est parfois hachée d'un dense réseau de failles méridiennes. Sur les hautes terres orientales, le mont Kenya (5 194 m), au nord de Nairobi, est un vieil édifice volcanique disséqué par les glaciers quaternaires et actuels. Le mont Elgon est un autre volcan imposant.
De part et d'autre du Rift, les Hautes Terres orientales et occidentales présentent une morphologie différente. Vers l'est s'étendent des planèzes assez régulières. À l'ouest, en revanche, les épanchements volcaniques sont moins considérables. Le socle, cisaillé de failles, apparaît plus souvent : blocs soulevés (pays nandi et kisii, plateau luhya) ou parties effondrées (fossé du Kavirondo, près du lac Victoria).
Une série de lacs jalonnent le fossé tectonique : au nord, le plus grand, le lac Turkana, long de 250 km et large de 40, puis, vers le sud, les lacs Hannington, Baringo, Nakuru, Elmenteita, Naivasha, Magadi et Natron. À l'extrême sud-ouest, les plateaux plongent vers le lac Victoria qui pénètre dans le Kenya par une profonde échancrure, le golfe du Kavirondo.
1.2. Les pluies et les températures

Le climat, équatorial, est rythmé par deux saisons de pluies, centrées sur octobre et avril. Les pluies sont très irrégulières. Les régions basses reçoivent moins de 600 mm, précipitations marginales pour l'agriculture mais suffisantes pour garantir des pâturages d'excellente qualité. La géographie des températures est surtout déterminée par l'altitude. Le contraste fondamental entre Hautes Terres et régions basses est un des traits distinctifs de la géographie kényane. S'il fait chaud sur la côte (26 °C), les hautes terres ont un climat équatorial d'altitude (Nairobi : moyenne annuelle, 17 °C, amplitude annuelle, 3,5 °C, février est le mois le plus chaud). La pluviométrie augmente avec l'altitude et en se rapprochant du lac Victoria, passant de 1 000 mm à 2 000 mm, à l'exception de la Rift Valley (500 à 700 mm) et du nord semi-désertique.


1.3. Le réseau hydrographique
Le réseau hydrographique, désorganisé par les bouleversements survenus au tertiaire, est encore inadapté. La Rift Valley est une zone endoréique. Peu de cours d'eau parviennent à l'océan. Les seuls qui soient d'importance sont le Tana et la Galana. Au nord-ouest, la Kerio et la Turkwel sont tributaires du lac Turkana. Les formations végétales les plus répandues sont les formations ouvertes, de la savane-parc aux steppes du Nord en passant par les savanes herbeuses, domaine des herbivores et des carnassiers.


1.4. Les formations végétales
La grande forêt humide équatoriale n'est conservée qu'en lambeaux exigus sur les hautes terres centrales et sur la côte. Les régions basses sont le domaine des grandes étendues de formations sèches – steppes et savanes à acacia, bush rabougri, voire déserts dans le Nord. Les régions hautes (notamment le mont Kenya et les Aberdare) sont caractérisées par une végétation plus riche, véritable mosaïque disposée selon l'altitude et l'orientation des versants. Présentes entre 1 600 et 2 700 m, les forêts, qui ont été réduites par l'activité humaine, sont souvent remplacées par des formations herbeuses à pennisetum (kikuyu grass) et cynodon (star grass). Plus haut s'étendent des zones de bambous, une forêt d'altitude chargée d'épiphytes et des prairies alpines, au-dessus de 3 700 m. Outre une pluviosité relativement favorable, les régions hautes disposent de sols variés le long des versants, plus riches sur les coulées basaltiques bien que fort honorables sur le socle. On peut alors comprendre que l'opposition des densités, la répartition sommaire du territoire entre régions pastorales et agricoles a des fondements essentiellement écologiques.
2. La population du Kenya

On distingue trois groupes appartenant à des familles linguistiques différentes. Les Luhyas, les Kambas et les Kikuyus (plus de 4 millions) sont de langue bantoue. Les Masais, les Turkanas, les Suks (peuples pasteurs) et les Nandis, ainsi que les Luos des rives du lac Victoria (environ 2 millions), font partie du groupe nilo-saharien. Dans le Nord-Est, les nomades somalis, boranas et ormas appartiennent au groupe chamito-sémitique (couchitique).
Les étrangers sont près de 200 000, dont une moitié environ d'Asiatiques. Beaucoup de grands propriétaires européens – surtout britanniques – des hauts plateaux kényans (les white highlands, au temps de la colonisation) ont quitté le pays après l'indépendance. Un tiers environ de la population est chrétienne. Les musulmans (dont les ismaéliens, fidèles de l'Aga Khan), peu nombreux, se trouvent surtout sur le littoral. La population se concentre sur les hautes terres du Sud-Ouest, sur la côte et dans la région du lac Victoria.
Les caractéristiques démographiques de la population sont celles des pays d'Arique subsaharienne : très faible taux d'urbanisation (30 %), forte croissance démographique, taux de mortalité infantile élevé (59 ‰) et faible espérance de vie (56 ans à la naissance pour les hommes).

Les villes les plus importantes sont la capitale, Nairobi, et Mombasa, premier port de l'Afrique orientale. Après ces deux grandes villes viennent quatre villes moyennes (Nakuru, Kisumu, Eldoret et Thika) et une série de petites villes (les plus importantes étant Nanyuki, Kitale, Malindi, Kericho et Nyeri).


3. L'économie du Kenya
Le Kenya représente la principale économie de l'Afrique de l'Est. L'agriculture reste, de loin, le premier secteur d'activité, mais c'est le tourisme qui est devenu la principale source de devises étrangères, avec notamment les réserves d'animaux, à l'intérieur du pays, et le littoral, avec ses récifs coralliens.
3.1. L'agriculture
L'agriculture occupe près de 70 % de la population active, et la production agricole assure encore environ le quart du produit intérieur brut, bien qu'une très faible partie des terres exploitables soit mise en culture. Plus de la moitié des surfaces cultivées sont consacrées au maïs, aliment de base de la population. Les autres cultures vivrières sont le millet, le sorgho, la manioc, la patate douce. De grandes propriétés (50 % des terres cultivables) et plantations héritées de la colonisation subsistent aux côtés des petites exploitations concédées aux Africains (500 000 réinstallés sur 600 000 ha dès 1970 aux termes d'un vaste programme de rachat des terres financé en partie par la Grande-Bretagne). L'Ouest, montagneux et volcanique, est le domaine des cultures de café et de thé, principaux produits d'exportation. Les sols les plus riches se situent autour d'Eldoret, de Nakuru et de Kitale, où se trouvent les derniers colons (15 % des terres cultivées). Le Kenya est devenu le second exportateur mondial de thé, mais les exportations de café ont décliné. Dans les plaines de l'Est se localisent des plantations de canne à sucre, de fruits tropicaux (bananes), de sisal et de coton. Aux cultures commerciales s'ajoutent les agrumes, le pyrèthre (dont le pays fournit près de 70 % de la production mondiale) et, plus récemment, l'horticulture, à l'ouest, notamment la production et l'exportation de roses vers l'Europe. L'élevage (bovins, ovins, caprins) est important, mais revêt souvent une plus grande valeur sociale qu'économique. Seul le cheptel situé sur les hauts plateaux, en partie propriété des Européens, est rentable. Les terres les plus riches se situent autour d'Eldoret, Nakuru et Kitale.


3.2. L'industrie
Il existe peu de ressources naturelles ou minières, excepté la géothermie et le carbonate de soude du lac Magadi. L'industrie kenyane est une des plus diversifiées d'Afrique orientale. Elle s'est développée dans les secteurs de l'agroalimentaire, de la métallurgie, du textile et de la chimie. Elle se localise surtout à Nairobiet à Mombasa, les deux principales villes. La raffinerie de pétrole de Mombasa fournit les pays voisins, et plusieurs firmes ont monté des usines d'assemblage automobile (dont Volkswagen et Fiat). Cependant, tourné essentiellement vers le marché intérieur, l'industrie n'exporte guère, à l'exception du textile, qui profite de l'ouverture du marché nord-américain.


3.3. Les ressources financières
Le secteur bancaire est en expansion. Le tourisme s'appuie sur l'exceptionnel patrimoine faunistique des grands parcs naturels (Amboseli, Masaï-Mara, Samburu-Shaba, Tsavo) et sur la valorisation du littoral. Les recettes du tourisme international comblent une partie du déficit de la balance commerciale. Les principaux clients et fournisseurs du Kenya sont la Grande-Bretagne, le Japon, l'Allemagne et les États-Unis. La dette extérieure pèse, avec la poussée démographique, sur l'avenir de l'économie. Le pays est en partie dépendant des transferts de fonds de sa diaspora.


3.4. Les sites du Kenya classés à l'Unesco
Plusieurs sites du Kenya sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco :
– parc national et forêt naturelle du mont Kenya ;
– parcs nationaux du lac Turkana ;
– vieille ville de Lamu ;
– forêts sacrées de kayas des Mijikenda ;
– Fort Jésus, Mombasa ;
– réseau des lacs du Kenya dans la vallée du Grand Rift.


HISTOIRE
1. Les origines
Les plus anciens vestiges fossiles des ancêtres de l'homme, appartenant au genre Australopithecus (4 millions-1,5 million d'années), ont été découverts dans la Rift Valley. Des restes datés de 2 millions d'années d'Homo habilis – premier représentant du genre Homo – ont également été mis au jour, ainsi que ceux de leur descendant.
Le territoire de l'actuel Kenya a été peuplé par des vagues d'immigration successives venues d'horizons différents, qui ont progressivement supplanté les premiers habitants, des populations proches des Pygmées et des Bochimans, vivant de chasse et de cueillette. Les peuples couchitiques sont venus du nord-est de l'Afrique et des hauts plateaux éthiopiens, les Bantous – Kikuyus, Kambas, Chaggas et Luhyas – sont partis du sud-ouest de l'Afrique et les peuples nilotiques sont arrivés du Soudan méridional – principalement les Kalenjins, pasteurs et agriculteurs, qui occupent les hautes terres de l'ouest du Kenya. Les Luos, peuple hamite, arrivent sur la côte orientale du lac Victoria au début du xvie siècle, et s'établissent au milieu des Bantous.
À partir du xviie siècle, de grandes vagues de migration quittent le Soudan et le nord-ouest du Kenya voit l'arrivée des Turkanas, et, plus au sud, des Masais, pasteurs et guerriers, souvent restés jusqu'à aujourd'hui fidèles à leurs coutumes ancestrales.
2. La civilisation swahilie et l'intrusion portugaise
Les navigateurs arabes fréquentent très tôt le littoral est-africain, à Mombasa, Malindi, Manda, Paté et Lamu, pour ne parler que des ports kényans, où ils achètent de l'or, de l'ivoire et des esclaves. Ce commerce est particulièrement florissant au xve siècle. Un métissage s'opère avec les populations bantoues du littoral, et donne naissance à une brillante civilisation et à une langue, le swahili, mélange de bantou et d'arabe, qu'illustre une remarquable littérature poétique.
Les Portugais, apparus en 1497 dans l'océan Indien, aident d'abord les cités swahilies à repousser l'invasion d'une tribu cannibale, les Zimbas. Décidés à monopoliser le commerce maritime, ils s'emparent en 1593 de Mombasa (où ils construisent le célèbre Fort Jésus), et occupent les autres ports du littoral de Lamu à Kilwa.
En 1698, Mombasa est conquise par des Arabes d'Oman, qui vont à nouveau contrôler le littoral durant tout le xviiie siècle. Tout en se livrant au commerce, ils développent une agriculture de plantation qui utilise une main-d'œuvre servile importée de l'intérieur. La présence arabe entraîne une islamisation partielle de la population côtière. Les peuples de l'intérieur n'ont pas connu d'organisations monarchiques analogues à celles des sociétés interlacustres de l'Ouganda, et résistent moins bien qu'elles aux vagues d'immigration. Les Masais font régner l'insécurité dans la région des hauts plateaux et rendent impraticables les circuits du commerce de Mombasa avec le royaume du Buganda (en Ouganda), qui doit alors s'effectuer par l'actuelle Tanzanie.


3. La colonisation britannique
3.1. Partage de l'Afrique de l'Est entre l'Allemagne et le Royaume-Uni
La pénétration missionnaire précède de peu la colonisation et le partage de l'Afrique entre les puissances occidentales à la conférence de Berlin (1885). En 1886, le Premier ministre britannique, lord Salisbury, signe un accord avec le chancelier allemand Bismarck pour délimiter les zones d'influence en Afrique de l'Est : les revendications du Royaume-Uni sur le Kenya sont reconnues, en même temps que celles de l'Allemagne sur l'actuelle Tanzanie continentale. En 1888, la British East Africa Company, qui avait obtenu du sultan de Zanzibar la concession de la majeure partie du pays et loué à bail la zone côtière, cède ses droits à la Couronne britannique.


3.2. Du protectorat à la colonie britannique
En 1895, l'ensemble du pays est placé sous protectorat britannique, avant de devenir une colonie en 1920. Le chemin de fer de Mombasa atteint Kisumu, sur le lac Victoria, en 1901. Des colons britanniques arrivent dès 1896, souvent des aristocrates, comme lord Delamere, qui veut faire du Kenya une colonie de peuplement. Ils emploient une nombreuse main-d'œuvre africaine sur de vastes plantations situées sur les « hautes terres », bientôt surnommées, à Londres, « le jardin de la Chambre des lords ». Les Indiens, introduits en grand nombre pour la construction du chemin de fer Mombasa-Kisumu, réclament une place dans l'administration du pays. Entre les deux guerres, l'explosion démographique des Kikuyus accélère la création d'un prolétariat à Nairobi. En 1925, Joseph Kangethe et Jomo Kenyatta créent la Kikuyu Central Association (KCA), qui réclame la restitution des « hautes terres » à son peuple.


3.3. La révolte Mau-Mau et l'ascension de Jomo Kenyatta
Après 1945, le Royaume-Uni accorde progressivement une place aux Indiens puis aux Africains dans le Conseil législatif local, surtout après la révolte des Kikuyus, connue sous le nom de « Mau-Mau », qui, de 1952 à 1956, ébranle le système colonial, malgré une très dure répression : pour une trentaine de Blancs assassinés, les forces de l'ordre abattent 11 000 Noirs et en internent 90 000, tandis que J. Kenyatta, accusé d'être l'instigateur du mouvement Mau-Mau, est arrêté et condamné à sept ans de prison.
La rébellion terminée, deux partis politiques africains se forment sur une base régionale, créant une coupure entre Kikuyus et Luos d'une part, Kalenjins et populations bantoues de la côte d'autre part. Le premier, la Kenya African National Union (KANU), se réclame de J. Kenyatta, et le second, la Kenya African Democratic Union (KADU), plus modéré et fédéraliste, a pour chef Ronald Ngala.
4. Depuis l'indépendance (1963-)
4.1. Jomo Kenyatta (1963-1978)

Après la libération anticipée de J. Kenyatta en 1961 et la reconnaissance du droit à l'autonomie interne, la KANU l'emporte aux élections de mai 1963 sur la KADU (respectivement 75 et 49 sièges). L'indépendance est proclamée le 12 décembre 1963. J. Kenyatta est le premier chef de gouvernement. Un an plus tard, la république est proclamée, et celui-ci devient le premier président du Kenya, qui reste membre du Commonwealth. La centralisation est renforcée par divers amendements à la Constitution ; la KADU est intégrée au sein de la KANU, préparant ainsi l'instauration du monopartisme. La contestation vient de l'aile gauche et marxisante de la KANU, animée par un Luo, Oginga Odinga, qui forme en 1966 un nouveau parti, la Kenya People's Union (KPU).
Une certaine agitation est entretenue par un mouvement qui se réclame des Mau-Mau, tandis que les populations somalies du Nord réclament leur rattachement à la Somalie, qui a toujours revendiqué une partie de cette région. En 1968, une vague xénophobe aboutit à l'expulsion de milliers de commerçants indiens, moins toutefois que dans l'Ouganda voisin. De 180 000, le nombre des Indiens au Kenya tombe alors à 120 000. En juillet 1969, le jeune ministre (luo) Tom Mboya, pro-occidental et considéré comme le dauphin de J. Kenyatta, est assassiné à Nairobi. J. Kenyatta fait alors arrêter O. Odinga et interdit la KPU. Kenyatta est réélu à la présidence en novembre, et, aux législatives de décembre, seule la KANU est autorisée à présenter des candidats.
En septembre 1974, J. Kenyatta, qui vient de décréter le swahili langue nationale, est réélu pour cinq ans, tandis que divers scandales éclaboussent sa famille, dont sa fille, maire de Nairobi. Entre 1975 et 1977, le régime procède à une série d'arrestations, dont celle du grand écrivain kényan, Ngugi Wa Thiongo.


4.2. La présidence de Daniel Arap Moi (1978-2002)
J. Kenyatta meurt le 22 août 1978, et le vice-président, Daniel Arap Moi, un Kalenjin, lui succède. Le régime se durcit et le monopartisme est officiellement instauré en juin 1982. La stabilité du régime est sérieusement troublée, en août de la même année, par une tentative de coup d'État, fomentée par des éléments de l'armée de l'air. Des émeutes éclatent à Nairobi, qui font 150 morts, mais les unités militaires et la police restées fidèles au gouvernement forcent les rebelles à se rendre. Le président Moi dissout l'armée de l'air et ordonne 8 000 arrestations.
L'apparition en 1986 du mouvement Mwakenya (gauche révolutionnaire) inquiète le gouvernement, qui fait procéder à de nombreuses arrestations. Deux vieux alliés politiques du président Moi sont mis à l'écart (le ministre de la Justice, Charles Njonjo, en 1983 ; le vice-président, Mwai Kibaki, un Kikuyu, en 1988), et plusieurs journaux sont interdits. Une réforme des procédures électorales, en 1986, qui oblige les électeurs à s'aligner en file derrière leur candidat, est fortement critiquée, notamment par les Églises. Cette mesure sera maintenue en 1990, tandis que l'assassinat inexpliqué du ministre des Affaires étrangères, Robert Ouko, provoque une vive émotion.
L'intolérance du régime pousse les États-Unis à lier désormais leur aide au respect des droits de l'homme, et le gouvernement rétablit le multipartisme en décembre 1991. Mais, aux élections pluralistes de décembre 1992 (marquées par des irrégularités), l'opposition divisée est battue par le président Moi, qui est reconduit dans ses fonctions, et la KANU obtient la majorité au Parlement. Le gouvernement formé en janvier 1993 est composé exclusivement de membres de l'ancien parti unique. Dans la Rift Valley, les Kikuyus sont l'objet de brimades de la part des Kalenjins et des Masais, qui veulent s'approprier leurs terres, provoquant des troubles graves (1 500 victimes).
L'opposition relève la tête avec la création de nouveaux partis, dont le Forum for the Restoration of Democracy (FORD), que préside Oginga Odinga (ce dernier meurt en 1994). Un parti islamique fondé par Cheikh Balala s'implante à Mombasa. Le FORD se scinde en deux organisations rivales, le FORD-Kenya et le FORD-Asili, que dirige un ancien ministre, Kenneth Matiba. En 1995, une autre formation de l'opposition, Safina (« l'arche de Noé », en swahili), porte à sa tête un Blanc de nationalité kényane, Richard Leakey (fils du célèbre paléo-anthropologue Louis Leakey).
Les divisions de l'opposition permettent cependant au président Moi de remporter les élections présidentielle et législatives de 1997. Il est réélu en devançant M. Kibaki et Raila Odinga (le fils de Oginga Oginga Odinga), tandis que la KANU obtient 107 des sièges de l'Assemblée nationale contre 103 à l'opposition, éclatée en une dizaine de formations.
En politique étrangère, le Kenya avait, en 1980, accordé des facilités militaires aux États-Unis, mais avait renouvelé, en 1987, son traité de défense avec l'Éthiopie, alors marxiste, pour disposer d'un allié en cas de conflit avec la Somalie. Les relations souvent tendues avec l'Ouganda et la Tanzanie avaient provoqué, en 1977, la dissolution de la Communauté économique est-africaine mise sur pied par les Britanniques. Cette communauté a été restaurée en 1994 par un traité entre les chefs d'État de l'Ouganda, de la Tanzanie et du Kenya. Par ailleurs, en 1996 et 1998, Nairobi a abrité, sans résultat probant, des conférences de réconciliation entre les factions armées de Somalie. Depuis l'attentat perpétré, le 7 août 1998, contre l'ambassade américaine à Nairobi, le Kenya opère un rapprochement avec États-Unis face au terrorisme, confirmé par la visite du secrétaire d'État Colin Powell, en 2001 puis en 2005.


4.3. Alternance démocratique sur fond de crise post-électorale
Le président Moi accepte les termes de la Constitution qui lui interdisent de solliciter un nouveau mandat, mais, désireux de garder la haute main sur sa succession, il impose à la KANU la candidature du jeune Uhuru Kenyatta, fils du « père de l'indépendance », Jomo Kenyatta. Ce choix d'un homme sans expérience politique se heurte à l'hostilité des prétendants de longue date et de nombreux membres du parti au pouvoir, dont plusieurs rejoignent les rangs de l'opposition.
Cette dernière, rassemblée au sein de la National Rainbow Coalition (NARC, ou Coalition nationale Arc-en-ciel), remporte très largement les élections générales du 27 décembre 2002, dont les observateurs locaux et internationaux soulignent la fiabilité et la transparence. Son candidat, Mwai Kibaki, un Kikuyu, remporte l'élection présidentielle avec 62,2 % des suffrages devant U. Kenyatta (31,3 %). À l'Assemblée, la NARC obtient la majorité absolue en gagnant 125 sièges contre 64 à la KANU.
M. Kibaki échoue à mettre en œuvre la plupart de réformes promises pendant la campagne électorale. En dépit de la création d'une commission indépendante (chargée notamment de réexaminer l’affaire Goldenberg, qui plombe l'économie kényane depuis 1992) la lutte contre la corruption – « un mode de vie au Kenya » – s'avère rapidement inopérante, si bien que les pays donateurs interrompent leur aide dès 2005. Malgré l'essor du tourisme, le délabrement des infrastructures n'est pas enrayé, la croissance reste modeste et les inégalités sociales demeurent fortes.
Annoncée « dans les cents jours », la réforme de la Constitution divise profondément la coalition gouvernementale. La modification de la Loi fondamentale faisait partie des engagements qui avaient permis à la NARC d'être élue triomphalement lors des élections de 2002. Le poste de Premier ministre faisait également partie du pacte préélectoral scellé avec R. Odinga, l'opposant historique, qui avait permis la victoire de la NARC. En échange des votes de son fief de l'ouest du pays, celui-ci devait obtenir, en cas de victoire, ce poste créé sur mesure. Le 21 novembre 2005, les Kenyans rejettent par 58,3 % de « non » le projet de réforme constitutionnelle soumis à référendum. Prenant acte de cet échec, le président Kibaki annonce un remaniement ministériel : limogé, R. Odinga et le PLD forment avec la KANU une alliance appelée Orange Democratic Movement (ODM), dont une faction dissidente, dirigée par Kalonzo Musyoka, deviendra en août 2007 l'ODM-Kenya.
Après une campagne électorale d'une grande violence (près de 80 morts), les élections générales du 27 décembre 2007 se déroulent dans le calme. L'ODM remporte très largement les législatives avec 99 sièges devant le camp présidentiel restructuré autour du Party of National Unity (PNU, 43 sièges), sans toutefois obtenir la majorité absolue. Le 30 décembre, la commission électorale annonce la victoire – avec une avance de quelque 230 000 voix devant R. Odinga (ODM) – du président sortant, M. Kibaki, qui prête aussitôt serment. Dénonçant une fraude massive dans le décompte des votes, R. Odinga appelle ses partisans à manifester contre la « victoire volée ». S'ouvre alors un cycle de violences, prenant parfois, notamment dans la vallée du Rift, l'allure de conflits interethniques, mais également nourries par d'anciennes rivalités foncières. Au terme de deux mois d'affrontements, le bilan sera de 1 200 morts et de 600 000 personnes déplacées.
Après l'annonce, le 8 janvier 2008, par le président sortant de la composition partielle d'un gouvernement de « large ouverture », l'ODM exige une médiation internationale. Celle-ci, après l'échec d'une tentative lancée par le président ghanéen John Kufuor, est poursuivie par l'ex-secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, qui parvient à arracher un accord de partage du pouvoir entre M. Kibaki et R. Odinga le 28 février. Le 13 avril, le premier nomme R. Odinga à la tête d'un gouvernement de coalition composé de 41 membres et au sein duquel Musalia Mudavadi, le numéro deux de l'ODM, et U. Kenyatta, sont tous deux nommés vice-Premiers ministres.
En avril et août 2010, une nouvelle Constitution est finalement adoptée et largement approuvée par référendum. Promulguée le 27 août, elle prévoit un plus grand équilibre entre pouvoirs et d’importantes limitations des prérogatives présidentielles : institution d’un Sénat représentant les comtés et d’une Cour suprême ; procédure de destitution (impeachment) par les deux assemblées du président qui ne peut plus dissoudre le Parlement ; garantie des libertés civiles dans une Déclaration des droits (Bill of Rights) ; décentralisation… Par ailleurs, une politique foncière visant une répartition plus équitable des terres y est explicitement inscrite. Tandis qu’un calendrier est fixé pour l’application de la nouvelle loi fondamentale, le poste actuel de Premier ministre est provisoirement maintenu jusqu’aux prochaines élections générales, date à laquelle le texte devrait entrer pleinement en vigueur.
Présent dans de nombreuses opérations de maintien de la paix, le Kenya s'implique dans la coopération contre le terrorisme et renforce ses liens avec Israël après l'attentat du 28 novembre 2002 visant un hôtel de Mombasa où séjournaient des Israéliens. Sur le plan régional, il mène une intense politique de médiation. Il accueille les pourparlers de paix sur la Somalie, ouverts en octobre 2002 sous l'égide de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) mais s’engage aussi militairement dans la lutte contre les milices islamistes chabab en les délogeant notamment de leur bastion de Kismaayo en 2012. Le Kenya est également le principal médiateur dans le conflit intersoudanais, auquel met un terme la signature, le 9 janvier 2005 à Nairobi, d'un accord global par le gouvernement et le chef du SPLM/SPLA, John Garang.


4.4. Les élections de 2013 et la victoire d’Uhuru Kenyatta
En mars 2013, Uhuru Kenyatta, candidat de l’alliance nationale (TNA issue du PNU) mais inculpé par la Cour pénale internationale (CPI) de crimes contre l'humanité pour sa responsabilité dans les violences postélectorales de 2007, est élu de justesse à la présidence de la République avec 50,07 % des voix. Alors que le taux de participation atteint un niveau sans précédent (86 %), son principal adversaire R. Odinga (ODM) finit par accepter sa défaite, soucieux d’éviter de nouvelles violences.
U. Kenyatta a dû s’assurer du soutien non seulement des Kikuyus, dont il est lui-même issu et dont il parle et utilise la langue, mais aussi d’autres ethnies – aucune n’étant majoritaire – dont celle des Kalenjin (la troisième du pays) représentée par son vice-président William Ruto (parti républicain uni, URP). Ce dernier (qui avait soutenu R. Odinga en 2007) est également poursuivi par la CPI pour les mêmes motifs que le président. Au lieu de les desservir, ces inculpations semblent bien avoir joué en faveur du fils du père de la nation et de son allié. Cet accord au sommet se traduit au niveau parlementaire par la Jubilee Alliance coalition, formée principalement par l’alliance nationale et l’URP qui vient en tête des élections législatives et s’assure, avec ses alliés extérieurs dont le Forum démocratique uni de Musalia Mudavadi, d’une majorité au parlement. Le Mouvement démocratique orange (ODM), qui reste le premier parti, prend la tête de l’opposition.
Les craintes d’une réédition des troubles post-électoraux de 2007 dissipées, le nouveau président entre en fonctions le 9 avril après l’annonce d’un programme axé notamment sur une redistribution des richesses et un juste accès à la terre, le développement économique, la lutte contre l’insécurité et la préservation de l’unité nationale par delà les clivages ethniques.
S’il est soutenu par l’Union africaine et l’Afrique du Sud dans son affrontement avec la justice internationale, il doit aussi faire face au défi du terrorisme à la suite de l’attaque meurtrière dans un centre commercial au cœur de Nairobi commis par un commando les 21-24 septembre en représailles à l’intervention du Kenya contre les milices chabab en Somalie.


 

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LE NATIONAL-SOCIALISME

 

 

 

 

 

 

national-socialisme
(allemand National-Sozialismus)


Doctrine exacerbant les tendances nationalistes et racistes et qui a été l'idéologie politique de l'Allemagne hitlérienne (1933-1945). [Synonyme : nazisme.]


Introduction

Pour beaucoup d'historiens, le national-socialisme est un mouvement né avec Hitler, chef du parti nazi depuis 1921. Cette opinion mérite d'être nuancée, car le national-socialisme, s'il exacerbe des tendances nationalistes et racistes, ne les invente pas. Une continuité de l'impérialisme allemand se manifeste de Guillaume II à Hitler en passant par la République de Weimar (1918-1933). Certains spécialistes de la pensée protestante font remonter à Luther les racines du national-socialisme, mais les travaux récents montrent combien grande fut sur Hitler l'influence du catholicisme autrichien.


1. Les sources du national-socialisme
1.1. Le pangermanisme
Le pangermanisme sous le IIe Reich (1890-1918)
Le pangermanisme apparut vers 1885, se développa après 1890 avec le gouvernement personnel de Guillaume II. Dès cette époque germent des idées telles que la domination de l'Europe centrale par le germanisme, développée par exemple par Julius von Eckardt (1836-1908), celle d'un pangermanisme continental groupant autour du Reich toutes les nations où l'on parle une langue germanique – Pays-Bas, Flandre, Alsace, Moselle, Suisse alémanique, Autriche, etc. Apparaît aussi l'idée de lutte contre la Russie et le slavisme, professée par Paul Anton Bötticher, dit Paul de Lagarde (1827-1891) ou Konstantin Frantz (1817-1891). Ce dernier souhaite une politique d'assimilation et invite les Allemands à déporter les allogènes qui habitent aux frontières à l'intérieur du Reich, pour installer sur ces mêmes frontières des populations véritablement allemandes. La Ligue pangermaniste (Alldeutscher Verband), fondée en 1891, popularise cette pensée.
Langue et race sous Weimar (1918-1933)
Les traités de Versailles et de Saint-Germain de 1919, en enlevant à l'Allemagne des terres considérées par elle comme germaniques – Alsace-Lorraine, Posnanie, corridor de Dantzig (→ Gdańsk) –, en dépeçant l'Autriche, laissent croire à certains Allemands que leur pays va vers sa fin, ce qui stimule le sentiment national. Dès 1923-1924, la République de Weimar, stabilisée, favorise ce mouvement. Pour les Allemands, toute région où l'on parle allemand est allemande ; en 1925-1926, deux ouvrages sont publiés par Wilhelm Volz (1870-1958) : Der westdeutsche Volksboden et Der ostdeutsche Volksboden, description de tous les territoires germaniques enlevés au Reich.
Le mot Volk (peuple) et tous ses dérivés (Völkisch, Volkstum, Volkswagen, etc.) – si utilisés par les nationaux-socialistes – commencent une brillante carrière à l'époque de Weimar, où l'on attache une importance primordiale au principe ethnique. Dès 1921, le Deutscher Schulverein (ligue scolaire allemande) spécifie dans ses statuts que par Deutsche il faut entendre Stammdeutsche, c'est-à-dire « Allemand de sang » : les Juifs allemands ne peuvent appartenir à cette association. On distingue couramment toute une série d'Allemands classés selon leur domicile, à l'intérieur du Reich, à la frontière, à l'étranger (Inlanddeutsche, Grenzdeutsche, Auslanddeutsche), selon leur nationalité (Reichsdeutsche, Auslandreichsdeutsche, Deutschausländer), selon des données ethno-linguistiques (Allemand de sang, Stammdeutsche ; Allemand de langue, Sprachedeutsche ; Allemand de « volonté », Gesinnungsdeutsche ; le germanisé, Eingedeutschte ; le dégermanisé, Entdeutschte). Ainsi, bien avant les lois de Nuremberg (septembre 1935), on connaît en Allemagne d'importantes distinctions fondées sur la race.
L'impérialisme allemand dispose donc de fondements pseudo-philosophiques. Il s'appuie aussi sur d'innombrables organisations : la Ligue pangermaniste et le Verein für das Deutschtum in Ausland (VDA, appelé aussi Deutscher Schulverein), qui, fondé en 1881, n'a que 58 000 adhérents en 1914, mais qui, réorganisé en 1921, se retrouve avec 2 225 000 adhérents en 1929 et dispose à Stuttgart d'un Institut de recherches inauguré par Gustav Stresemann et d'une revue à laquelle collaborent des hommes politiques, y compris des socialistes. Quant au Deutscher Schutzbund, il est créé en 1919 pour préparer l'Anschluss avec l'Autriche. En 1928, le budget du Reich distribue à ces diverses organisations, selon Raymond Poincaré, 95 millions de Reichsmark. En 1931, il leur octroie officiellement 47 millions de mark de subventions.
1.2. Les nationalistes de Weimar
De plus, sous la république de Weimar, beaucoup d'intellectuels réfléchissent sur le devenir de l'Allemagne. La plupart sont des nationalistes connus, tels Oswald Spengler, Arthur Moeller van den Bruck. Il faut aussi rappeler les idées d'un Rathenau ou d'un Thomas Mann à la fin de la Première Guerre mondiale.
Walter Rathenau et Thomas Mann
Walter Rathenau veut une révolution organique et juste : il faut que l'élite traditionnelle disparaisse et que se substitue à elle une élite fondée sur la science. Il souhaite la création d'un Volksstaat, qui serait un État adapté aux besoins du peuple, et il s'en prend à la « ploutocratie capitaliste » et au prolétariat, à l'individualisme forcené et au démocratisme occidental. Rathenau souhaite un État corporatif qui ferait de tous les Allemands des travailleurs égaux, classés par catégories professionnelles, par corporation : le Stand.
Même Thomas Mann critique la société allemande traditionnelle. Il refuse la bourgeoisie technocratique et spécialisée, et regrette presque le temps où la noblesse dominait. Il se sent profondément Européen et pense que l'Allemagne appartient au monde occidental ; mais, dans les années 1920 à 1930, il critique la France embourgeoisée et l'Angleterre impérialiste. L'Allemagne a pour mission de respiritualiser le monde, et puisque, depuis la guerre de Trente Ans (1618-1648), il n'y a plus de bourgeoisie allemande, il faut socialiser l'État et la société, construire un communisme hiérarchisé et, par l'économie dirigée, intégrer la classe ouvrière dans la nation. La pensée de Mann conduit à rétablir, en le modernisant, l'Obrigkeitsstaat, c'est-à-dire une forme de despotisme éclairé où l'équilibre économique serait recherché.
Oswald Spengler
Si des démocrates, comme Rathenau et Thomas Mann, ont pu développer des idées de ce genre, comment s'exprimera la « pensée antidémocratique » ? Oswald Spengler en devient le chantre avec deux ouvrages : le Déclin de l'Occident (Der Untergang des Abendlandes, 1918-1922) et Preussentum und Sozialismus (1920).
Selon Spengler, toute culture, organisme vivant, se fige en civilisation. L'Allemagne n'échappera à cela que si elle se replie sur elle-même et s'inspire des vertus authentiquement prussiennes. Elle doit aussi défendre la civilisation occidentale contre les peuples asiatiques et les races de couleur.
Mais surtout Spengler distingue deux Allemagnes : l'Allemagne occidentale, morcelée, corrompue par les miasmes étrangers – catholicisme, capitalisme, marxisme –, et la Prusse, marquée par la tradition du travail en commun. Pour échapper à la décadence, il faut désintellectualiser la démocratie, démarxiser le socialisme, favoriser l'intégration de toutes les classes dans la société et les incorporer dans la tradition prussienne d'autorité et de discipline. La restauration politique de l'Allemagne sera fondée sur une élite et il faudra :
– un pouvoir exécutif fort ;
– un Reichstag sans pouvoir réel ;
– une forte bureaucratie ;
– une économie réorganisée, dans laquelle l'État jouera le rôle déterminant par le moyen de l'impôt et d'une banque d'État ;
– un retour au droit germanique, car le droit romain accorde une trop grande place à la propriété ;
– une réforme de l'enseignement, de manière à forger des hommes ouverts sur le monde et non des spécialistes.
Moeller van den Bruck
Des thèmes analogues sont développés par Arthur Moeller van den Bruck (1876-1925), qui, dans trois ouvrages (Der preussische Stil, 1916 ; Das dritte Reich, 1923 ; Das ewige Reich, écrit en 1924 et publié en 1934), montre que le nationalisme allemand est nécessaire, car seul il peut maintenir l'Allemagne, pays du milieu de l'Europe et fondement solide de l'équilibre européen.
Van den Bruck donne au nationalisme allemand un caractère à la fois conservateur et révolutionnaire. Révolutionnaire dans la mesure où il se veut socialiste, mais « a-marxiste », conservateur par son attachement à la tradition, par sa critique d'un libéralisme qui forme des individus médiocres, uniquement soucieux d'égalité et de prestige personnel, par sa haine d'une démocratie qui tue l'idée héroïque et aristocratique, et assure le triomphe de l'idée romaine et latine.
L'Allemand ne peut être, selon lui, le citoyen de la Révolution française ni le prolétaire de la Révolution soviétique. Il est nécessaire de défendre le germanisme, de le fonder sur le monde et la race nordiques, car il y a eu dégermanisation accélérée par la catholicisation. Le regroupement ne peut se faire qu'autour d'une nation protestante ; la Prusse en sera le moteur, car, dans cette patrie du Volksstaat, peut grandir le socialisme national qui permet l'intégration et le maintien de la nation. Il faut donc créer le « IIIe Reich », le fonder sur le Volksgeist, sur la jeunesse dynamique, sur les chômeurs, qui, dans un État socialiste national et corporatiste, seront le moteur de l'expansion. Le IIIe Reich reposera aussi sur le Volksstaat et sera dirigé par un chef issu du peuple, der völkische Führer. Tout cela révèle l'influence de l'économiste Friedrich List, du socialisme d'État et du philosophe Nietzsche.
Van den Bruck préconise encore un Reich à la fois fédération et confédération, reposant sur des corps fédéraux, les Länder, des corporations politiques et des corporations économiques. Ainsi, l'État allemand reconstitué pourra, de nouveau, jouer un rôle dynamique et faciliter l'unité de l'Europe autour de lui. En définitive, Moeller van den Bruck apparaît comme le théoricien du néo-conservatisme, rejetant libéralisme, capitalisme, démocratie et marxisme au profit d'un État populaire et national, le Volksstaat.
Toutes ces idées ont un très grand écho en Allemagne, surtout dans les milieux intellectuels, mais aussi dans une partie importante de la société allemande, d'autant plus qu'elles sont reprises et développées par des écrivains et des intellectuels connus.
La revue « Die Tat »
La revue Die Tat (« l'Action ») joue un rôle considérable. Fondée en 1908 par des intellectuels, cette revue d'universitaires qui ne veulent pas descendre dans l'arène politique est un centre de recherches pour un État et un socialisme nouveaux. Un homme marque cette entreprise de son influence, le juriste Carl Schmitt, théoricien du parlementarisme rationalisé, qui estime qu'une Constitution n'existe que dans la mesure où elle exprime une réalité donnée.
Schmitt souhaite un véritable pluralisme, que coordonnerait le président du Reich, pôle stable de la nation, élu qu'il est par le peuple et disposant du droit de référendum. En matière économique, Die Tat critique le capitalisme. L'économiste Ferdinand Fried (1898-1967) montre que, de 1860 à 1914, le capitalisme s'est figé et bureaucratisé. Il faut donc que l'État intervienne et facilite la vie économique autonome du pays. Marqué par la pensée de List, Fried préconise une économie autarcique.
Un troisième thème paraît souvent dans Die Tat : le rôle des Églises. Pour éviter le fascisme, il faut renouveler l'élite allemande : seule l'Église luthérienne, par sa notion du pouvoir (Obrigkeit), peut y aider. Or, au temps de Weimar, on l'a oubliée à cause de l'anticléricalisme du parti social-démocrate (SPD) et du catholicisme triomphant du parti du Centre (Zentrumspartei). Il faut donc renforcer l'influence du protestantisme pour que l'idéal communautaire – conforme à la tradition protestante – puisse interdire la transformation de l'État en un État totalitaire. Cette glorification du protestantisme, que l'on retrouve chez Max Weber, tient une large place dans la pensée de cette époque.
Des héritages recueillis et dépassés par le nazisme
Ainsi, tout au long de la République de Weimar se développe une pensée antilibérale, antidémocratique, qui veut un État fort, organisé, ne laissant pas de place aux traditions non germaniques, marxisme, catholicisme, capitalisme, etc. Ces thèmes, très proches de la doctrine nationale-socialiste, vont être profondément déformés par celle-ci dans un sens totalitaire, mais d'une manière suffisamment habile pour que la masse de la population ne se rende pas compte de cette déformation. Enfin, un dernier élément de la pensée nationale-socialiste s'est considérablement développé sous la République de Weimar, l'antisémitisme.


1.3. L'antisémitisme
L'antisémitisme social
L'antisémitisme existe en Allemagne depuis le Moyen Âge, mais pendant longtemps il a surtout été virulent dans les milieux ruraux, où le Juif était assimilé à l'usurier. Dans les années 1880 apparaît un antisémitisme d'un type nouveau, lié à la notion d'appartenance sociologique. Aussi, pour lutter contre les Juifs, il faut, disait l'historien Heinrich von Treitschke, favoriser les mariages mixtes de façon à intégrer les populations juives dans le peuple allemand. Paul de Lagarde pense qu'il faut les assimiler. L'influence de cette pensée est considérable, d'autant plus que Treitschke est un historien très lu. Pour lui comme pour beaucoup de ses contemporains, les Juifs représentent un État dans l'État qu'il convient de résorber.
L'antisémitisme racial
Mais, très vite, l'antisémitisme prend une tournure différente, un aspect raciste, sous l'influence du comte Joseph Arthur de Gobineau, et surtout, de deux de ses disciples, Richard Wagner et Houston Stewart Chamberlain. Dès lors, l'antisémitisme allemand sera à la fois raciste et nationaliste. L'influence de Chamberlain, gendre de Wagner, puis conseiller de Guillaume II et qui, dès 1923, entre en relation avec Hitler, est considérable. Son livre les Assises du XIXe siècle (1899) fait l'apologie de la race aryenne (→ Aryens) et des Germains. Cette idée avait déjà été exprimée en 1881 par Karl Eugen Dühring, le socialiste adversaire de Marx et d'Engels, qui, dans Die Judenfrage, demande que l'on sépare les Juifs des autres peuples et que l'on crée un État juif pour y déporter tous les Juifs.
L'antisémitisme devient le thème essentiel du parti social-chrétien d'Adolf Stoecker (1835-1909). Sous l'influence de Dühring, ce parti préconise l'exclusion des Juifs de l'enseignement et de la presse, un numerus clausus à leur égard dans le barreau et la magistrature, l'interdiction des mariages mixtes, la confiscation des biens des capitalistes juifs.
Ce mouvement s'accentue avec l'apparition de sociétés antisémites, comme la société Thulé (Thulegesellschaft), fondée en 1912. Ainsi se constitue un courant profond dans la bonne société allemande, qui se développe particulièrement au moment des crises politiques et économiques marquant le début et la fin de la République de Weimar.
L'antisémitisme chrétien
Ce mouvement a d'ailleurs un caractère antichrétien, car, à la suite du philosophe Fichte, puis de Dühring, bon nombre d'antisémites dénoncent la falsification des Évangiles par la pensée juive. Fichte ne reprochait-il pas à Luther d'avoir fait une place trop importante à saint Paul, qui avait judaïsé le christianisme ? Paul de Lagarde, quant à lui, transforme Jésus en un rabbin de Nazareth. Il n'est pas le Fils de Dieu, comme le prétend la « légende biblique du Nouveau Testament ». Chamberlain, lui, voudrait prouver que Jésus n'est pas Juif, mais, comme David, le descendant d'une famille aryenne.
Tous ces thèmes seront repris à l'époque nationale-socialiste par le mouvement chrétien allemand, dirigé par le pasteur Ludwig Müller (1883-1945) – le futur évêque du IIIe Reich.
Ainsi, l'antisémitisme hitlérien plonge-t-il très loin ses racines et sera-t-il pendant très longtemps dans la tradition de la pensée allemande. Il ne s'en écartera qu'à partir du moment où il passera à la liquidation des Juifs d'Europe.
Toutefois, c'est par la pensée autrichienne qu'a été nourri l'antisémitisme de Hitler ; celui-ci a subi en particulier l'influence de Georg Schönerer (1842-1921), dont s'inspire le Deutsche Arbeiterpartei Österreichs, et de Karl Lueger (1844-1910), chef du parti chrétien social autrichien.
La pensée nationale-socialiste s'épanouit donc dans un cadre idéologique aux assises profondes. Adolf Hitler se contente de développer cette pensée, de l'exacerber, et – par son magnétisme – il popularise des idées qui avaient surtout cours dans les classes moyennes et la bourgeoise allemandes.


2. Hitler et le nazisme
2.1. L'ascension du parti nazi

Après la Première Guerre mondiale, à laquelle il participe avec courage, Hitler adhère en 1919 au parti ouvrier allemand (Deutsche Arbeiterpartei), fondé par un ouvrier de Munich, Anton Drexler. Il y rejoint un ingénieur, Gottfried Feder, le premier théoricien du parti, et le capitaine Ernst Röhm, le futur chef des SA, une des milices du parti.
Très vite, Hitler entre au comité directeur, puis en prend la direction, change son nom dès 1920 en « parti national-socialiste des travailleurs allemands » (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, NSDAP). De ce groupuscule qui, en 1919, comptait 60 membres, il fait un parti dont le journal –Völkischer Beobachter – tire en 1922 à 20 000 exemplaires. Dès lors, la vie de Hitler se confond avec celle de son parti.

La crise économique et les talents d'organisateur de Hitler offrent au parti nazi toutes ses chances. En 1932, il est devenu le premier parti d'Allemagne grâce à sa démagogie, sa violence, grâce aussi à sa doctrine, qui trouve un large écho dans l'opinion publique. En 1933, quand il prend le pouvoir, il a déjà plus d'un million d'adhérents, qu'il recrute dans les classes moyennes et dans la classe ouvrière. On peut noter cette importance considérable des ouvriers et leur croissance de 1930 à 1932. Ceux-ci forment de même une part considérable de l'électorat, et beaucoup d'historiens estiment qu'il y a un lien entre extension du chômage et vote nazi. On peut aussi souligner le poids des jeunes dans le parti nazi, surtout ouvriers et étudiants et des enseignants : 2,5 % des adhérents, alors qu'ils reprsentent que 0,9 % de la population active.
2.2. Le programme du parti nazi
Le programme du parti a été publié en 25 points dès 1920 et exposé pour la première fois au cours d'une réunion publique organisée le 24 février à la Hofbräuhaus, une brasserie de Munich, devant deux mille personnes. Sans doute, ce texte est-il très sommaire, mais il insiste à peu près sur tous les thèmes chers à l'opinion publique de Weimar.


Politique raciale
Le nationalisme, le racisme en sont les thèmes essentiels. Sont seuls considérés comme citoyens allemands ceux de sang allemand. Tous les Allemands, en vertu du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, doivent être réunis dans une grande Allemagne. Le programme revendique ainsi l'Autriche, la haute Silésie à la Pologne, le Sleswig (au Danemark), les Sudètes (à la Tchécoslovaquie) et l'Alsace-Lorraine. Les commentaires publiés par le parti précisent que ces peuples doivent être rattachés par plébiscite, mais que le but du gouvernement allemand est de protéger les intérêts de tous les Deutschausländer.
De plus, dans son ouvrage Mein Kampf (« Mon combat »), Hitler affirme qu'il faudrait à l'Allemagne des Randkolonien ( « colonies limitrophes »), comme l'Ukraine ou la Pologne, qui permettraient à l'Allemagne de vivre normalement. Cette notion d'« espace vital » (Lebensraum) devient un des thèmes essentiels de Mein Kampf.


Politique sociale
Le programme de 1920 est nettement antiparlementaire et surtout préconise une politique économique et sociale planifiée et étatisée. Il a des aspects socialisants, car il prévoit l'étatisation des trusts, la participation des ouvriers aux bénéfices et la réforme agraire ; l'article 17 envisage même l'expropriation sans indemnité des grands propriétaires.
Mais très vite, ce programme est aménagé pour éviter de trop effrayer les possédants. Les biens concernés ne sont que les biens détenus par les Juifs. Le commentaire de Gottfried Feder en 1927 est symptomatique à cet égard, puisqu'il affirme que « le national-socialisme reconnaît comme un de ses principes la propriété privée ».
Originalité du programme
Ce programme est fondamental, car on y trouve dès 1920 tous les thèmes du IIIe Reich. On constate une nette ressemblance avec les textes de Die Tat, de Spengler ou de Rathenau. Pourtant, la différence est sensible. Ce que veulent les intellectuels antidémocratiques de la période de Weimar, c'est un nationalisme bourgeois et aristocratique, voire raffiné ; ce que proposent les nationaux-socialistes, c'est un nationalisme populaire, brutal, à la recherche de l'efficacité. Avec le « principe du chef » (Führerprinzip), on est en présence d'une pensée antidémocratique, antilibérale, antihumaniste.
2.3. Les idéologues du nazisme
Trois hommes marquent la pensée hitlérienne : Rosenberg, Darré, Hitler lui-même.
Alfred Rosenberg
Alfred Rosenberg collabore dès 1921 au Völkischer Beobachter. Son œuvre est dominée par trois concepts : la race, l'anticommunisme, l'espace vital. D'origine balte, membre de la société Thulé, Rosenberg apporte à Hitler l'idée du Lebensraum ; mais, surtout dans le Mythe du XXe siècle (Der Mythus des 20. Jahrhunderts, 1930), il se fait le théoricien de l'antisémitisme. Il prétend apporter une image nouvelle de l'histoire de la Terre et de l'humanité. Pour lui, toute l'histoire se ramène au conflit des Nordiques aryens contre les Sémites. Il expose également une pensée anticatholique et presque antichrétienne, et développe la mythologie nationale. Il fait par exemple l'apologie du dieu Odin, dont il retrouve l'inspiration dans la chevalerie, chez les mystiques allemands, dans la pensée de Frédéric le Grand.
Walter Darré
Walter Darré, leader du mouvement agricole et Führer des paysans, est, lui aussi, raciste. Ses deux ouvrages les plus importants, la Paysannerie comme source de vie de la race nordique (1928) et Nouvelle Noblesse de sang et de sol (1930), fondent une doctrine agraire sur les liens « du sang et du sol » (Blut und Boden). Walter Darré veut montrer que la race nordique – parce que paysanne – est héroïque, colonisatrice et guerrière. Cela lui paraît lié au fait que les Nordiques n'ont jamais été nomades ; quand ils se sont déplacés, c'était pour coloniser. Le paysan nordique « est la première forme de l'officier prussien ».
Il existe des liens entre paysannerie et aristocratie, car une élite véritable est liée à une famille et non à des individus. Elle se prépare par une longue hérédité. Malheureusement, pour Darré, la noblesse allemande est en décadence, car elle s'est muée en caste et urbanisée. Il faut donc que le IIIe Reich recrée une noblesse. Darré souhaite la création de domaines héréditaires (Erbhof) et fait une longue étude de ce que devrait être le Führerblut (« le sang des chefs »).
Hitler
Toutes ces idées développées par Darré, Rosenberg ou d'autres sont orchestrées par Mein Kampf. Hitler glorifie dès les premières pages de son livre les Germains et les vrais Allemands contre les Habsbourg, qui ont contribué à dégermaniser des terres allemandes. Exaltant la nation, il s'en prend à toutes les Internationales – juive, marxiste, catholique –, quitte, d'ailleurs, à imiter leurs principes d'organisation (il y a des liens très nets entre les structures du parti nazi et celles du parti communiste de l'Union soviétique). De même, Hitler ne cache pas son admiration pour l'organisation et la discipline jésuites.
Critiquant le parlementarisme, il défend le Führerprinzip (« principe du chef »). Si l'on veut avoir les masses avec soi, dit-il, il faut prendre soin d'elles. Miséreuses et livrées à elles-mêmes, elles rêvent de socialisme international ; guidées par des chefs, elles se laissent nationaliser. Ce n'est pas difficile, car elles ont l'esprit de camaraderie, de solidarité, de sacrifice. Elles aiment l'intolérance et la brutalité. Le chef, c'est le plus fort qui mène le jeu, et le Führer, c'est le chef suprême. Il est le reflet du Volkstum (« caractère national »). Il incarne le rythme et le style de vie du Volk. « Le chef est au peuple ce que la conscience est à l'inconscience. » Il doit s'appuyer sur une institution qui dépende de lui, et le modèle pour Hitler est l'ordre Teutonique, ordre masculin hiérarchisé.
Le Führerstaat s'identifie au Volksstaat. C'est le parti unique qui doit être le fondement d'un gouvernement. L'État est une communauté d'êtres vivants, égaux, gouvernés par les meilleurs ; il lui faut faire une place importante à la jeunesse et à l'éducation, mais toujours sous la responsabilité du chef. L'État doit être centralisé pour que les directives du chef soient bien comprises de tous : comme le rappelle la devise Ein Volk, Ein Reich, Ein Führer ! (« Un peuple, un empire, un guide ! »). Dans cet État national-socialiste, on peut transformer la bureaucratie et la mettre au service du peuple. À ce peuple ne peuvent appartenir que les Allemands, et tous doivent obéir à leur Führer. Tels sont les principes que, dès son arrivée au pouvoir, le 30 janvier 1933, Hitler va appliquer.


3. L'organisation de l'État nazi
3.1. La mise au pas de l'Allemagne (janvier 1933-août 1934)
Le ministère Hitler
Le gouvernement constitué par Hitler en 1933 est un gouvernement de coalition du type le plus traditionnel. Outre Hitler, il ne comporte que deux ministres nationaux-socialistes : Wilhelm Frick et Hermann Göring. L'un est ministre de l'Intérieur du Reich et le restera jusqu'en 1943, l'autre ministre du Reich sans portefeuille, commissaire du Reich en Prusse et commissaire du Reich à l'aviation.
Dès le 1er février, toute la police allemande est contrôlée par les nazis. Aux autres postes sont nommés des sympathisants, qui très vite se convertiront au national-socialisme et, pour la plupart, restent ministres pendant la plus grande partie du régime comme le général Werner von Blomberg, à la tête de la Reichswehr (l'armée autorisée à l'Allemagne par le traité de Versailles), et qui restera ministre jusqu'en 1938. Les autres ministres sont des membres de parti national allemand (DNP) comme Alfred Hugenberg, le magnat de la presse, qui détient tous les portefeuilles économiques, mais qui se retire dès juillet 1933, et le chef de l'association d'anciens combattants Casque d'acier, Franz Seldte (1882-1947), ministre du Travail, poste qu'il conservera jusqu'en mai 1945.
Dès le 1er février, Hitler fait dissoudre le Reichstag par Hindenburg, « afin que le peuple puisse prendre position devant le nouveau gouvernement de concentration nationale ». Les élections sont fixées au 5 mars. Le 6 février, le commissaire du Reich en Prusse, Göring, se voit attribuer les pouvoirs du ministère prussien. Aussitôt après, le Landtag de Prusse est dissous. Dans le Reich, désormais, les nazis possèdent des pouvoirs considérables. Frick et Göring épurent leurs administrations respectives et prennent en main la police. En Prusse, Göring fait de la SA une véritable police auxiliaire et donne ordre à l'ensemble des forces de police de favoriser le mouvement nazi et de lutter, au besoin par les armes, contre l'agitation marxiste.


La liquidation des communistes
Utilisant avec maestria tous les pouvoirs que lui donne la Constitution de 1919 (en particulier l'article 48), Hitler fait promulguer par Hindenburg une ordonnance (4 février) qui autorise le gouvernement à interdire les réunions publiques, à suspendre les journaux, à prendre « toute mesure qu'il jugerait salutaire ». Dès lors, les nazis disposent de tous les moyens pour lutter contre les marxistes. Mais il n'est pas encore possible de dissoudre le parti communiste.
Le 27 février, le Reichstag brûle, incendié par les nazis. Un communiste hollandais, Marinus Van der Lubbe, est arrêté sur les lieux, ce qui sert de prétexte à une lutte très vive contre les communistes. Plusieurs milliers de dirigeants sont arrêtés, la presse marxiste est interdite, les sièges du parti sont occupés. Le 28 février, une ordonnance suspend les droits fondamentaux, et, le 1er mars, un autre texte décide d'assimiler à la haute trahison l'incitation à la grève. La gauche est disloquée, et aucune réaction ne se produit.


Les élections du 5 mars 1933

Les communistes perdent un million de voix, mais les sociaux-démocrates se maintiennent et gagnent des sièges. La situation est analogue pour le centre, qui progresse en voix et en sièges. Les nationaux-socialistes et les nationaux-allemands (parti national allemand, DNP) sont les grands vainqueurs de cette consultation. Les nazis gagnent 6 millions de voix et près de 100 sièges. Ils ont 288 sièges sur 647 députés, mais communistes, socialistes et populistes arrivent à grouper 208 députés, le Centre et les partis apparentés en ayant 96. Les nationaux-socialistes, à eux seuls, n'ont pas la majorité absolue, mais ils l'ont très largement avec les nationaux-allemands. Leur position est renforcée par la mise hors la loi du parti communiste au lendemain des élections. En effet, le parti est dissous, et Hitler dispose désormais de pouvoirs considérables.
Pourtant, dans les Länder, les nazis n'obtiennent pas toujours la majorité. Ils ne l'ont ni en Bavière ni en Prusse. Dès lors, conformément à la Constitution, Hitler nomme des commissaires du Reich dotés de pouvoirs importants, comme Göring en Prusse.


L'élimitation des partis politiques

Le 21 mars, dans l'église de Garnisonkirche de Potsdam, a lieu une cérémonie extraordinaire. Devant les plus hautes autorités du pays, en présence du Kronprinz, fils de l'empereur déchu Guillaume II, Hitler dénonce le traité de Versailles et invite les partis à s'élever « au-dessus de l'étroitesse d'une pensée doctrinaire et partisane ». Le 24 mars, le Reichstag vote à la majorité des deux tiers les pleins pouvoirs à Hitler pour quatre ans (Ermächtigungsgesetz). Seuls les sociaux-démocrates ont voté contre. Le Centre, dont les voix sont indispensables, car une majorité des deux tiers s'impose, fait confiance à Hitler, sans doute contre la promesse d'un concordat auquel Hitler fait allusion dans son discours. Le chancelier demande aussi que le Parlement accepte de ne plus être consulté régulièrement, il réclame et obtient pour le gouvernement qu'il préside des pouvoirs considérables. Dès lors, avec la bénédiction des Églises – en particulier de l'Église catholique – Hitler est le maître absolu du Reich.
Les partis politiques croient pouvoir continuer leur action et « s'abandonnent, dit l'historien allemand Hans Rothfels, à l'illusion de la possibilité d'une opposition politique ». On voit même dans le Wurtemberg le parti social-démocrate inviter les municipalités socialistes à soutenir la politique du gouvernement. Mais, le 22 juin, le parti socialiste est dissous. Le 4 juillet, le Centre s'autodissout. Le 14 juillet, le parti nazi devient le seul parti du Reich.
L'élimination des syndicats
Le gouvernement ne se contente pas de supprimer les partis : le 2 mai, il a dissous les syndicats. Après avoir invité leurs chefs à une grandiose fête du Travail, il fait occuper leurs sièges berlinois et emprisonner leurs chefs. Tous les syndicats sont alors incorporés dans le Front allemand du travail (Deutsche Arbeitsfront, DAF), organisé par la loi du 24 octobre 1934, qui prône la solidarité entre employeurs et employés au sein de la communauté nationale, et encadre toute la population jusque dans ses loisirs à travers son organisation la Force par la Joie (Kraft durch Freude).
Ainsi, la prise en main annoncée par Goebbels dessine « les lignes normales d'une Allemagne dans laquelle il n'y aura qu'une seule opinion, un seul parti, une seule conviction ».


3.2. L'organisation de l'État nazi
Un État unitaire et répressif
La mise au pas hitlérienne arrive peu à peu à ses fins. Le 1er décembre 1933 est promulguée la loi pour la garantie de l'« unité du parti et du Reich ». À la tête du parti se trouve Hitler, aidé par un état-major de 17 personnes, dirigées par le lieutenant du Führer, Rudolf Hess. En dessous viennent des Gaue (provinces), menées par des Gauleiter. Les Gaue sont divisées en Kreise (arrondissements), cantons (Ortsgruppen), et ceux-ci en cellules (Zellen). Partout une hiérarchie stricte, que complètent les organisations parallèles : SA (Sturmabteilung), SS (Schutzstaffel), HJ (→ Hitlerjugend, Jeunesse hitlérienne), DAF, associations féminines, universitaires. À partir du 1er décembre 1936, tous les garçons et les filles doivent adhérer à la Jeunesse hitlérienne, qui compte 8 millions de membres en 1939. Tout cela contribue à faire de l'Allemagne une machine bien huilée, surveillée, contrôlée et endoctrinée.
C'est ainsi qu'apparaissent les premières mesures antisémites. On épure la presse et l'on commence à contrôler l'édition. Le 13 mars 1933, Paul Joseph Goebbels devient ministre de la Propagande. Son ministère contrôle toute la vie intellectuelle, organise des autodafés de livres d'auteurs libéraux, socialistes, communistes, pacifistes, juifs, notamment le 10 mai 1933 lors de la Nuit de cristal. Tous les moyens modernes de communication et d'information sont utilisés : la radio, qui retransmet les discours, surtout ceux de Hitler et de Goebbels, la presse (particulièrement le journal du parti, le Völkischer Beobachter), la musique, les marches, les grands rassemblements.
Deux premiers camps de déportés sont créés : à Oranienburg, près de Berlin, et à Dachau, près de Munich. Dès le mois d'avril, on y trouve 30 000 déportés politiques, socialistes ou communistes.
Le 1er mai 1933, Göring fonde la police secrète d'État prussienne, dont la fusion, sous la direction de Heinrich Himmler et de Reinhard Heydrich, avec les autres organisations policières allemandes donnera naissance à la Gestapo (Geheime Staatspolizei).
Le rôle fondamental de la SS
Instituée en 1923, la SS (Schutzstaffel, « échelon de protection ») n'était au départ que la petite garde personnelle d'Adolf Hitler. Dès 1931, elle est chargée de « nettoyer » le parti nazi, le NSDAP, des éventuels saboteurs ou agents qui auraient pu y être infiltrés. Lorsque le NSDAP devient une organisation de masse, après que la SA fut décapitée lors de la Nuit des longs couteaux (30 juin 1934), la SS devint la gardienne de la pureté idéologique et raciale, le vecteur principal de la révolution nationale-socialiste. Selon le journaliste et sociologue Eugen Kogon (l'État SS, 1946), son but est de « former la nouvelle couche de chefs et d'éliminer toute opposition ».

Heinrich Himmler, membre du parti dès août 1923 et l'un des participants – aux côtés d'Ernst Röhm –, au putsch de Munich tenté par Hitler le 8 novembre 1923 contre le gouvernement bavarois, est nommé Reichsführer des SS le 6 janvier 1929. Il parvient à faire intégrer à son organisation la police du Reich. En 1936, le « fidèle Heinrich » est nommé chef de toute la police. Il n'obéit qu'à Hitler et dirige alors une organisation composée de plusieurs corps :
– la SS générale (Allgemeine SS), dont les membres militants continuent par ailleurs d'exercer leur profession ;
– la SS armée (Waffen SS), dont les effectifs s'enflent jusqu'à devenir, après l'entrée en guerre contre l'URSS le 22 juin 1941, une véritable armée à côté de la Wehrmacht, et comptant en 1945 900 000 hommes dont un grand nombre de volontaires étrangers ;
– les « unités Tête de mort » (SS-Totenkopfverbände), qui assurent la surveillance des camps de concentration ;
– l'Office pour la race et la colonisation, chargé de veiller à la pureté raciale du peuple allemand et d'organiser la colonisation et la germanisation des nouveaux territoires ;
– l'Office central pour l'économie et l'administration (Wirtschafts und Verwaltungshauptamt,WVHA ), dirigé par Oswald Pohl et responsable des entreprises contrôlées par la SS, de la gestion des camps de concentration et de la main-d'œuvre forcée qu'y constituent les déportés.
Mais surtout – dès septembre 1939 – le redoutable Service central de la sécurité du Reich (Reichssicherheitshauptamt, RSHA), qui regroupe, sous la direction de Reinhard Heydrich, la police secrète d'État, la Gestapo, le service de sécurité (Sicherheitsdienst, SD) et la police criminelle (Kriminalpolizei), la Kripo.
Avec la guerre, la SS atteint l'apogée de sa puissance. Elle étend son emprise non seulement sur le Reich, mais également sur les territoires occupés et sur le réseau de camps de concentration, qui ne cesse de se développer. C'est elle qui met en œuvre le programme d'anéantissement des « ennemis du Reich », mais aussi qui est chargée de terroriser les populations.


3.3. Réforme de l'enseignement et de l'Administration
Réforme de l'enseignement

Les hitlériens complètent leur propagande par une réorganisation de l'enseignement et une mise au pas des universitaires. Hitler proclame : « Dans un État national-socialiste, l'enseignement doit tendre non pas à entasser des connaissances, mais à obtenir des corps physiquement sains. »
Les professeurs opposants sont mis à l'écart, qu'ils soient communistes, Juifs ou simplement hostiles au régime. Il est vrai que Hitler peut s'appuyer sur une bonne partie du corps enseignant : 30 % des instituteurs, 35 à 40 % des professeurs du second degré, plus de la moitié des professeurs du supérieur sont proches du parti nazi.
Dès 1933, on réorganise la formation des maîtres. Les Hochschule für Lehrbildung prennent les élèves-maîtres pour quatre ans d'internat, et maîtres et élèves doivent aller aux cours en uniforme du parti. Directeurs et professeurs sont à la fois fonctionnaires de l'État et chefs de Jeunesse hitlérienne. Le but est que l'instituteur soit dans sa commune à la fois un maître, un instructeur politique et un officier de réserve.
En 1939, l'association nationale-socialiste des enseignants fournit 7 Gauleiter, 78 Kreisleiter et 2 668 Ortsleiter ; 18 000 instituteurs et institutrices encadrent la Jeunesse hitlérienne. L'objectif est une politisation de l'enseignement, qu'on veut au service de la nation, de la défense et de la politique. Il faut inculquer aux enfants l'idée de race, de supériorité des peuples germaniques, la conviction que le destin de l'Allemagne est à l'Est et que l'armée est la force éternelle du Reich.
En même temps sont instaurées des écoles de formation politique, les Nationalpolitische Erziehungsanstalten (NAPOLA). Leur but est de « préparer par une solide éducation nationale-socialiste des jeunes gens au service du Reich, du peuple et de l'État ». Il faut fournir des diplômés conscients de l'unité des caractères physiques et mentaux de leur race, sûrs d'eux, fidèles, sérieux, entreprenants, physiquement forts, intellectuellement armés. Pour la formation des maîtres du parti sont créés des Adolf Hitler-Schulen et des Ordensschulen, centres supérieurs de formation des cadres.


Réforme de l'Administration
Tout au long de l'année 1933, on assiste à une réorganisation des administrations. Le gouvernement intervient dans la vie de la justice et donne à l'adjoint du Führer la possibilité de casser les jugements trop indulgents. Un tribunal du peuple est créé pour les crimes politiques. En mai 1933, on s'attaque à l'économie. Walter Darré devient ministre de l'Agriculture et Führer de la paysannerie du Reich. Hitler ordonne un programme de grands travaux sous la direction de Fritz Todt, en particulier d'autoroutes.
On crée dans le parti une série d'organisations destinées à doubler et à contrôler les administrations. Mais surtout un essor considérable est donné à la propagande. La radio en est un élément essentiel, ainsi que le cinéma et les écrivains. Il ne faut pas oublier les cérémonies grandioses qui frappent les foules, comme le congrès de Nuremberg (1er-3 septembre), la fête de la moisson, les quêtes sur la voie publique. Toutes ces cérémonies sont autant de parades, comme des films à grand spectacle.
Une loi du 30 janvier 1934 unifie le Reich. Déjà le 31 mars 1933, une loi a dissous les parlements locaux et décidé qu'il n'y aurait plus de Landtage, mais que, dans chaque Land, les assemblées locales seraient constituées dans les mêmes proportions que pour les élections au Reichstag. En avril, à la tête de chaque Land sont placés des Statthalter. Enfin, en Prusse, le chancelier lui-même est Statthalter. Désormais, les Länder n'ont plus aucune autonomie : la loi du 30 janvier 1934 les supprime purement et simplement. Les Statthalter deviennent des hauts fonctionnaires sous l'autorité du ministre de l'Intérieur du Reich. Il n'y a plus de fédération des Länder allemands, mais un État allemand centralisé. Peu à peu, les divers services des Länder disparaissent à leur tour, et, comme il n'y a plus de Länder, le Reichsrat (Chambre haute) est également supprimé (14 février 1934).


3.4. Une politique expansionniste

Motivé par un pangermanisme et un nationalisme d'action, le national-socialisme pratique très vite une politique expansionniste. En 1935, la propagande hitlérienne détermine le choix des Sarrois, qui, par plébiscite, décident de la réunion de leur territoire au IIIe Reich (→ Sarre).
– En 1936, Hitler – au mépris des traités – fait réoccuper militairement la zone rhénane (→ Rhénanie) ;
– en 1938, c'est l'Anschluss (rattachement de l'Autriche) et l'invasion de la région tchécoslovaque des Sudètes (→ Tchécoslovaquie) ;
– en 1939, celle de la Bohême et de la Moravie, de Memel (→ Klaipeda) puis de Dantzig (→ Gdańsk). L'occupation de cette dernière ville prélude à la Seconde Guerre mondiale, qui verra l'Allemagne nazie dominer une bonne partie de l'Europe
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AVIATION

 

 

 

 

 

 

aviation


Il s'est écoulé moins d'un siècle entre le vol du premier avion – celui de Clément Ader – et la mise en service des plus gros porteur à passagers, comme le Boeing 747-400. Quelques grandes dates jalonnent l'évolution technique, sportive et commerciale de l'aviation : la première traversée de la Manche par Louis Blériot le 25 juillet 1909, année marquée par la constitution de la première compagnie aérienne française ; le premier vol d'un avion à réaction en avril 1944 ; ou encore le premier décollage d'un supersonique de transport civil, le Concorde, le 2 mars 1969. Toutefois, l'aviation n'a abordé sa véritable vocation, celle de moyen de transport universel, que le 9 février de cette même année, lors du premier vol d'un Boeing 747.
Cet appareil, d'une masse de près de 400 tonnes au décollage lorsqu'il est chargé à plein, transporte jusqu'à 600 passagers dans sa version 747-400. Avec ses vastes dimensions (59 m d'envergure, 57 m de longueur intérieure), il ouvre dès 1970 l'ère du transport aérien de masse. Commandé par toutes les grandes compagnies aériennes, ce quadriréacteur est représentatif de l'évolution récente du trafic aérien. Il se présente en effet en trois versions adaptées aux besoins des exploitants : un appareil entièrement destiné au transport des passagers ; un appareil mixte dont la moitié arrière est dévolue au transport des marchandises ; ou encore un cargo transportant exclusivement du fret. Le trafic des marchandises prend de plus en plus d'importance. À Air France, par exemple, il croît de 20 % par an, quatre fois plus que le transport de passagers, qui augmente de 5 à 6 % par an.
Les avions plus petits connaissent eux aussi depuis quelques années un développement commercial important. Si les appareils « exotiques », qu'ils soient à pédale ou mus par l'énergie solaire, relèvent encore de la recherche technique ou de l'exploit sportif, les U.L.M. (ultra légers motorisés) ont conquis leur titre de noblesse en devenant des engins militaires de reconnaissance à basse altitude, ou des appareils d'épandage de produits phytosanitaires au service de l'agriculture…
Pour en savoir plus, voir les articles aéroport, circulation aérienne.
Des long-courriers aux bombardiers

Au début de l'aviation, le seul objectif était de voler. Très vite a commencé la diversification des machines volantes selon leur fonction. Ainsi, le premier avion amphibie volait dès 1910, puis en 1911 le premier bimoteur. La même année, une mission de reconnaissance italienne en Libye fut le premier vol militaire. Les impératifs militaires ont dès lors été pendant longtemps à l'origine de la spécialisation croissante des machines volantes.

L'évolution vient principalement de cette activité aérienne essentielle qu'est le transport civil de passagers : pas moins de 500 compagnies exploitent dans le monde une flotte totale d'environ 85 000 appareils. Ils se répartissent en plusieurs catégories : les long-courriers, équipés de trois ou quatre propulseurs, le plus souvent à réaction, leur donnant le droit de s'éloigner de plus de 90 minutes de vol de l'aéroport le plus proche, donc de traverser les mers ; les moyen- et les court-courriers, équipés de deux propulseurs, réacteurs ou turbopropulseurs. Autres appareils de transport civil, ceux de l'aviation dite de troisième niveau. Du Gulfstream de Grumman de 22 places (masse : 17,5 t), capable d'effectuer des trajets de 8 200 km sans escale à la vitesse de 1 000 km/h, jusqu'au tout petit Tobago Socata de 4 places (il ne pèse que 670 kg) volant à 243 km/h sur des trajets de 1 000 km au maximum, cette classe recouvre une bonne quarantaine de types d'aéronefs bien différents.

Les militaires, eux aussi, exploitent des avions de transport. Les plus imposants sont le Lockheed C 5 Galaxy américain, d'une envergure de 68 m et de 350 t de charge brute, ainsi que l'Antonov 225 qu'utilisait l'armée soviétique, seul appareil au monde à être doté de six propulseurs, véritable géant atteignant 600 t de charge au décollage. À la fin du siècle, une nouvelle génération d'avions de transport militaire s'annonce avec les nouvelles versions de l'Hercules C 130 de Lockheed et avec les projets russe d'Antonov 70 ou européen d'ATF (avion de transport futur). Mais les avions militaires, ce sont, bien sûr, les bombardiers. Le plus étonnant est le B2 américain, qui a ouvert en 1989 l'ère de l'avion dit furtif. Cet appareil, d'une géométrie particulière, est constitué de matériaux qui ne renvoient pratiquement pas d'écho radar. De cette technologie a aussi bénéficié l'avion d'attaque F 117 devenu célèbre dans la guerre du Golfe. Quant aux chasseurs les plus modernes, ils atteignent une limite qui ne sera pas franchissable : la résistance humaine des pilotes aux accélérations lors de manœuvres d'échappe. Cependant, l'avion de chasse évolue et devient de moins en moins un appareil de combat direct. Son dispositif électronique embarqué repère un ennemi à plus de 50 km de distance ; et il est capable de l'intercepter au moyen de missiles air-air dits intelligents parce qu'une fois programmés ils ne lâchent plus la cible désignée.


L'épopée aérienne semble revenir aux aventures de ses débuts. Des appareils bizarres sont utilisés par les ingénieurs pour explorer, souvent par sportifs interposés, de nouvelles voies technologiques, qui donneront peut-être naissance aux avions de demain.
Ainsi des U.L.M., les ultra légers motorisés. Apparus comme dérivés motorisés du deltaplane, ils sont devenus de véritables petits avions en recevant une architecture « trois axes » (deux ailes et une queue) qui leur permet de voler en toute sécurité avec un moteur de 50 à 60 ch. Une flottille de plusieurs milliers de ces appareils est utilisée pour deux types de missions, l'épandage de produits phytosanitaires et la reconnaissance aérienne à basse altitude.
Plus légers encore, les avions solaires sont devenus une réalité en novembre 1980 lorsque le Solar Challenger, un appareil de 14 m d'envergure et d'une masse de 90 kg, a décollé pour la première fois, mû par un moteur électrique alimenté par 16 130 cellules photovoltaïques. Cet avion, qui a traversé la Manche à 50 km/h, ouvre des perspectives pour de nombreuses applications dans les pays chauds, lorsque les cellules solaires atteindront un meilleur rendement.
Plus écologique encore, l'avion à pédale, dont l'ancêtre avait été imaginé par Léonard de Vinci en 1496, est devenu réalité en août 1977, lorsque Bryan Allen, un champion cycliste américain, a volé pour la première fois grâce à sa seule force musculaire. Il devait traverser la Manche en juin 1979, en pédalant pendant 2 heures et 49 minutes.
L'un des plus petits avions « classiques » est sans doute le Birdman, un minuscule appareil qui pèse 55 kg et peut voler à 80 km/h, propulsé par un moteur à piston de 12 ch.
Mais, en aéronautique, l'exotisme n'est pas réservé aux appareils miniatures. Les avions du type A.D.A.V. – à décollage et atterrissage verticaux – ont reçu une première application opérationnelle avec la mise en service de l'étonnant Sea Harrier de l'aéronavale britannique. Sur cet avion, construit par Hawker-Siddeley, les jets des moteurs basculent pour permettre un décollage et un atterrissage à la verticale. Les Soviétiques ont aussi construit un appareil, le YAK 36, volant de la même manière.
De l'hélice au statoréacteur
Introduction

Hélices d'avion
La bonne vieille hélice, dont le mode de propulsion rappelle concrètement qu'un avion évolue dans un fluide, n'a pas dit son dernier mot : on la croyait condamnée par l'ère du turboréacteur, lui-même déjà menacé par le statoréacteur. Mais, si ce propulseur étonnant semble effectivement opérer la fusion entre l'aéronautique et l'astronautique, annonçant la mise au point de véritables avions spatiaux, rien n'est joué dans le domaine des avions classiques, où l'ordinateur remet bien des perspectives en question.
La propulsion, d'une part, pourrait revenir à l'hélice, dont le design, affiné au moyen de la conception assistée par ordinateur, donne une nouvelle compétitivité à ses performances, comparées à celles du réacteur. Les avions de transport pourraient en être les bénéficiaires. D'autre part, les turboréacteurs voient, eux aussi, leurs performances progresser, notamment par l'utilisation de matériaux composites, qui restent encore fonctionnels à des températures de l'ordre de 1 500 °C. Il en résulte une nette amélioration de rendement, dont bénéficie déjà le nouvel avion de combat français Rafale.
Mais l'ordinateur va jusqu'à transgresser certaines lois fondamentales de l'aéronautique. Les aéronefs peuvent désormais voler de manière « instable », leur comportement face aux turbulences étant sans cesse corrigé par microprocesseurs. Cette nouvelle conception est encore plus révolutionnaire que ne l'a été en son temps l'apparition de la propulsion à réaction. Les ingénieurs auront à changer la conception des appareils et leurs performances prévisibles.
Les parties d'un avion

Schématiquement, un avion se compose de trois éléments fondamentaux : les moteurs, la voilure et le fuselage. Ce dernier est le corps central de l'appareil. Il comprend lui-même plusieurs parties. D'abord la cellule, enceinte pressurisée à une pression équivalente à celle qui règne à 2 500 m d'altitude – aisément supportable par tous – même lorsque l'avion évolue à 10 000 ou 11 000 m, comme les jets commerciaux actuels. Fermée par des parois internes semi-étanches, cette cellule regroupe le cockpit où se trouvent les moyens de pilotage et l'habitacle pour les passagers, ainsi qu'un logement spécial pour ce qui ne supporterait pas la dépressurisation, les animaux par exemple. Le reste du fuselage contient la soute à bagages, des compartiments de service où sont logés le train d'atterrissage et des équipements annexes, tels que les pompes hydrauliques et les tringleries mécaniques qui doublent obligatoirement les servomoteurs sur tous types d'avions commerciaux (à l'exception de l'Airbus A320).

Gouvernes d'avion
La voilure assure le rôle fondamental de l'avion : voler. Elle se compose principalement des ailes, autrefois réalisées comme le fuselage en alliage d'aluminium ou de titane, mais de plus en plus construites en matériaux composites, résistant à l'échauffement provoqué par le frottement de l'air. Outre leur fonction annexe de soutien des moteurs, dans la plupart des avions civils, et de logement pour les réservoirs de kérosène (sur certains avions, tels que le Concorde, des dispositifs automatiques assurent en outre la répartition des réserves en combustible pour maintenir l'équilibre de l'appareil tout au long du vol), les ailes assurent la portance de l'avion en établissant une force verticale qui équilibre son poids en s'appuyant sur l'air. L'autre facteur concourant à la bonne tenue en vol est la traînée de l'appareil, force qui s'oppose à l'avancement de l'avion.
La dérive arrière est une autre partie de la voilure. Elle stabilise la trajectoire de l'appareil. Quant aux gouvernes, leur rôle est d'assurer la rotation de l'avion autour de chacun de ses trois axes.
Les turboréacteurs

Fonctionnement de moteurs à réaction
Les moteurs à piston faisaient avancer les avions par la rotation d'hélices rejetant de l'air vers l'arrière, exactement comme un navire avance dans l'eau. Principal inconvénient : la vitesse de rotation de l'hélice est limitée, de graves perturbations et une onde de choc destructrice apparaissent lorsque le bout des pales approche de la vitesse du son.
Une première solution a consisté à caréner les hélices et à les faire tourner par l'intermédiaire d'une turbine dans les turbopropulseurs, pour favoriser l'accélération de l'air éjecté vers l'arrière, et améliorer le rendement à haute vitesse. Toutefois, c'est avec l'apparition du turboréacteur, au début des années 1940, que le mur du son a été dépassé grâce à de nouvelles technologies. Fondamentalement, un turboréacteur est constitué d'une enceinte carénée qui aspire et comprime l'air de l'extérieur. Celui-ci est ensuite chauffé dans une chambre de combustion. Puis il passe dans une turbine à laquelle il cède une partie de son énergie, qui sera utilisée pour la compression. Enfin, il est éjecté vers l'arrière où il se détend à grande vitesse dans une tuyère, exerçant sur les parois de celle-ci une poussée qui assure la propulsion de l'avion par réaction.
Le statoréacteur, mis au point dans les années 1950, est basé sur le même principe : l'air, porté à très haute température, est détendu dans une tuyère. D'un concept simplifié à l'extrême, ce propulseur ne comporte plus aucune pièce tournante, l'admission de l'air se faisant simplement par la vitesse même de déplacement de l'appareil. Le rendement d'un tel propulseur n'est intéressant qu'à haute vitesse, ce qui limite son utilisation à quelques prototypes, qui ont tout de même franchi le mur du son. Mais il devrait connaître de grands développements au début du xxie s.
Faire voler des avions « instables »

Depuis l'apparition des premières machines volantes, le centre de gravité de celles-ci était toujours situé en avant du foyer, point théorique des ailes où s'applique la portance de l'appareil. Celui-ci était ainsi naturellement « stable », l'équilibre entre le poids, la poussée des moteurs et les forces dues à la résistance de l'air en cas de turbulences ayant tendance à le ramener dans sa ligne de vol. L'ordinateur contrôlant désormais en permanence l'angle d'incidence de l'avion, le centre de gravité de celui-ci peut être situé derrière le foyer. Cela le rend physiquement « instable », c'est-à-dire incapable (sans l'action permanente de l'ordinateur) de garder sa ligne de vol face aux turbulences. Mais cette incapacité est contrebalancée par un extraordinaire gain en manœuvrabilité au cours des phases critiques de vol (décollages, atterrissages) – qui pourront être effectuées sur des distances beaucoup plus courtes –, ainsi que lors de manœuvres à très basse vitesse. Libérés du souci de la stabilité en vol, les ingénieurs peuvent innover dans la conception des aéronefs. Ceux-ci pourront être dotés de formes beaucoup plus efficaces. Les moteurs seront placés là où leur poussée s'exercera avec le plus de justesse, des ailerons « canard » peuvent améliorer la faculté de cabrage de l'appareil. En plus, les pièces qui doivent être le plus fréquemment remplacées seront installées aux endroits particulièrement accessibles.
Les commandes électroniques

La commande électronique est déjà un outil indispensable au maintien en l'air des avions aux formes instables. À l'avenir, elle jouera le rôle de copilote agissant à la place de l'homme, au cours de phases de vol de plus en plus nombreuses. Même sur des long-courriers « classiques », comme le Boeing 747, il est déjà impossible de traverser l'Atlantique par mauvais temps sans une chaîne électronique qui garde automatiquement le cap et l'assiette de l'avion, le pilote humain ne pouvant assurer plusieurs heures d'affilée le contrôle de commandes susceptibles de lui échapper en permanence.
Dans l'aviation civile, l'automatisation atteint son développement le plus avancé dans la génération des avions à commandes électriques et à butées électroniques, par exemple dans l'Airbus A320 : le pilote agit sur les gouvernes de l'appareil non plus mécaniquement par l'intermédiaire du fameux « manche à balai », mais de la même façon qu'une manette de jeu télécommandé sur ordinateur. Les mouvements effectués par le pilote sur le minimanche latéral sont traduits en signaux électriques qui agissent sur les servomoteurs des gouvernes. En outre, des ordinateurs intercalés entre ce minimanche et les servomoteurs servent à ne pas prendre en compte les commandes qui feraient sortir l'avion de son enveloppe de vol. Il est, par exemple, impossible de mettre l'avion en position de cabrage, ce qui pourrait provoquer une rupture de structure.
Ces garde-fous électroniques sont encore plus étonnants sur les avions de combat de la nouvelle génération, comme le Rafale français ou l'Eurofighter germano-britannique. Sur un chasseur comme le Mirage 2000, l'ordinateur de bord remplace depuis vingt ans déjà les multiples cadrans d'autrefois par des écrans où ne s'affichent que les paramètres nécessaires à la phase de vol du moment.
Les hélicoptères
Introduction

Le principe de l'hélicoptère est défini par son nom, du grec helix, spirale, et pteron, aile : un mode de sustentation et de déplacement par une hélice à axe vertical située au-dessus de l'appareil. Celle-ci permet de rester à volonté en point fixe en l'air, et surtout de décoller et de se poser entièrement à la verticale d'un lieu. Par rapport aux avions, obligés de s'élancer sur des pistes avant de pouvoir décoller, ces machines volantes ont un avantage essentiel, celui de pouvoir aller partout, comme un oiseau ou presque : il rend leur usage universel.
Si le mécanisme des « giravions » avait déjà été imaginé par Léonard de Vinci, le principe des pales tournant sous l'action de jets de vapeur s'échappant de leur extrémité a été proposé dans les années 1840 par le pionnier britannique George Cayley. Le premier hélicoptère, vide de tout occupant, construit par Enrico Forlanini, s'est élevé dans les airs à Milan en 1877. Mais c'est le 13 novembre 1907 qu'a décollé le premier hélicoptère piloté par son inventeur, Paul Cornu, concrétisation des longs travaux de recherche qu'il avait menés en compagnie de Louis Bréguet.

Toutefois, il faudra attendre la fin des années 1940 pour que les aéronefs à voilure tournante (hélice) ne soient plus considérés comme une curiosité technique, mais comme un fantastique moyen d'atteindre les zones les plus difficiles d'accès. Tandis qu'aux États-Unis se multipliaient les hélicoptères construits par Sikorsky, la France lançait l'Alouette II (1956), premier hélicoptère commercialisé à utiliser une turbine, mise au point par Turbomeca. Une véritable révolution qui permettait de majorer la puissance de l'hélicoptère de près de 50 % par rapport aux moteurs à piston d'auparavant, et surtout de supprimer la quasi-totalité des vibrations dangereuses engendrées par le couple voilure tournante-cellule.
Devenu outil universel, l'hélicoptère a connu un développement fulgurant. La guerre du Viêt Nam l'a consacré, à partir de 1967, comme moyen de transport et d'intervention militaire : près de la moitié des appareils des principaux modèles en service dans le monde sont destinés à des usages militaires.
Les principaux types

Plus d'une trentaine de types d'hélicoptères différents sont fabriqués dans le monde. Les très gros appareils, comme le Sea Stalion de Sikorsky (11 t), sont capables de transporter 37 personnes à plus de 300 km/h.
À l'inverse, l'un des appareils les plus légers en service est le Kawasaki-Hughes, qui pèse 560 kg à vide et peut transporter jusqu'à 7 personnes.
Le Commando du constructeur britannique Westland pèse 9,5 t et parcourt jusqu'à 1 100 km sans ravitaillement. C'est un record.
D'autres constructeurs excellent dans la diversité des appareils produits, comme les Américains Bell et Sikorsky et le groupe européen Eurocopter, filiale, constituée en 1992, des firmes française Aérospatiale et allemande DASA. Celui-ci n'offre pas moins de onze modèles, du petit EC 120 jusqu'au Super-Puma de 10 t, en passant par les Écureuil, Dauphin, EC 135 et EC 155.
Les lois du pilotage
Les giravions, qu'il s'agisse des autogires ou des hélicoptères, sont sustentés par leur hélice, appelée en termes techniques « voilure tournante ». Ils sont véritablement accrochés à une ou plusieurs hélices dont la mise en rotation exerce sur l'air une force suffisante pour contrebalancer leur poids et les arracher du sol. Seule différence entre les deux types d'appareils : alors que l'autogire est propulsé comme les avions par une autre hélice à axe horizontal, l'hélicoptère, lui, se propulse en jouant sur la variation du pas de l'hélice qui le soutient, ou en jouant sur l'angle du rotor qui fait tourner celle-ci.
L'hélice agit dans l'air comme une vis dans le bois, par l'inclinaison plus ou moins prononcée de ses pales, qui « attaquent » en conséquence plus ou moins fortement le fluide dans lequel elles tournent. Concrètement, l'angle d'attaque de l'hélice est réglé de façon à exercer une attraction sur l'air qui est refoulé en grande quantité vers l'arrière. Cette action pousse le giravion vers l'avant. Si le pas de l'hélice est totalement inversé, le giravion est poussé vers l'arrière. Ce dispositif permet à un hélicoptère dont le moteur est en panne de ne pas tomber, grâce à la mise en autogiration de l'hélice.
La voilure tournante assure non seulement les mouvements ascensionnels, mais aussi l'avance de l'appareil qui peut être obtenue de plusieurs manières : par un compromis entre la vitesse de rotation de l'hélice et l'ouverture de son pas, par une certaine inclinaison de l'axe de rotation de l'hélice, ou encore par la variation du pas de l'hélice du rotor de queue. Situé à l'arrière de l'appareil, celui-ci assure le maintien de l'axe de déplacement en s'opposant au contre-couple créé par l'hélice principale, qui tend à faire tourner l'hélicoptère sur lui-même. Un judicieux système de renvoi met en œuvre ce principe à partir d'un manche à balai, similaire à celui d'un avion. Et les pédales de palonnier, identiques également à celles que l'on trouve à bord d'un avion, permettent, quant à elles, de jouer sur le « slip », l'assiette de l'hélicoptère et son attitude par rapport à son axe de déplacement.
Les matériaux composites
L'hélicoptère a bénéficié des retombées techniques de la conquête spatiale, notamment l'emploi dans sa construction des matériaux composites, ultralégers et ultrarésistants, mis au point pour la fabrication des fusées.
L'organe fondamental qu'est l'hélice a vu ses performances croître avec l'utilisation de matériaux moulés (à base de fibres de carbone enrobées dans une matrice elle aussi en carbone) ou bobinés, tels que le Kevlar. Outre un allègement de l'ordre de 20 %, le recours à ces composites procure des avantages déterminants en fiabilité : les pales sont mieux équilibrées, face aux couples parasites qui se produisent lors de leur rotation ; ces matériaux résistent mieux au contraintes et au vieillissement par oxydation ou autre agression chimique ; tout risque de rupture brutale en vol, auquel exposaient les métaux non-ferreux utilisés auparavant, a été pratiquement éliminé. Enfin, avec l'aide de l'informatique, les matériaux composites permettent la conception de pales à l'aérodynamisme optimisé, puisqu'ils se prêtent à la réalisation de formes extrêmement complexes.
De même, le moyeu du rotor, pièce composée auparavant de plus d'une vingtaine d'éléments, est devenu monobloc grâce aux « composites lamellés », véritables sandwichs de feuilles de plastiques élastomères et de métal intimement collées. La maintenance en a été simplifiée à l'extrême. Ce principe supprime, en outre, une grande part des vibrations parasites engendrées par les pales et facilite le pilotage de l'appareil. La mise au point de cellules d'hélicoptères en composites permet aussi d'alléger les appareils tout en les rendant, en vol, beaucoup moins sensibles à la foudre.
Le moteur d'un hélicoptère
Les hélicoptères modernes sont propulsés par des turbopropulseurs. Il s'agit de turbines, brûlant du kérosène, qui, une fois allumées, tournent à deux vitesses : le ralenti et le plein régime. Celui-ci correspond à 90 % de la vitesse maximale de rotation.
Un générateur de gaz entraîne une ou plusieurs turbines qui transmettent le mouvement de rotation au rotor principal de l'hélice et au rotor de queue par une succession d'engrenages et de réducteurs. Le compresseur qui alimente la turbine commande éventuellement l'orientation des pales par l'intermédiaire de circuits hydrauliques.


L'hélicoptère militaire

L'hélicoptère militaire, déjà utilisé en Corée et en Algérie, s'est considérablement développé à partir de 1967, lorsque les États-Unis lui ont confié, pendant la guerre du Viêt Nam, des missions d'évacuation de leurs troupes et d'observation des lignes ennemies. Une grande part des hélicoptères militaires ont une fonction de transport d'hommes ou de matériel. À cet égard, le plus imposant est le MI26 russe, l'hélicoptère de transport le plus lourd du monde (28 tonnes), pouvant recevoir 20 tonnes de matériel dans une soute au volume voisin de celle d'un avion du type Hercules C 130.
Depuis les années 1980, on assiste à la mise au point de véritables hélicoptères de combat. Armes antichars par excellence, ces appareils, embusqués derrière un rideau d'arbres par exemple, peuvent fondre sur une colonne de blindés et la détruire en quelques instants. Des versions plus légères deviennent des vecteurs de la chasse anti-hélicoptère, ou de la lutte anti-sous-marin. L'hélicoptère bénéficie, en outre, des progrès réalisés en optronique pour devenir l'arme idéale du combat de nuit. Le Tigre franco-allemand, dont la production a commencé en 1998, entre dans cette gamme d'hélicoptères de combat qu'illustraient déjà l'Apache américain ou le Kamov-50 russe.
L'hélicoptère civil
En montagne, l'Alouette II est devenu le symbole de l'utilisation civile de l'hélicoptère. Construit par l'Aérospatiale à plus de 1 300 exemplaires de 1956 à 1970 et vendu à 46 pays, cet appareil léger a été le premier à bénéficier d'une turbine, mise au point en France par la firme Turbomeca. Il a donné naissance au « Lama », hélicoptère universel utilisé partout pour les secours et l'intervention en milieu difficile d'accès. Pesant à vide 1 021 kg seulement, il peut transporter des charges de l'ordre de 1,5 tonne soutenues par un crochet, ce qui en fait un instrument précieux pour le génie civil ou même les déménageurs ; capable de rester en position stationnaire avec une précision de l'ordre de 10 cm, il permet aussi bien à E.D.F. d'amener des éléments de pylônes en zone non desservie par une route, que de faire entrer par la terrasse d'un immeuble un piano trop gros pour la porte. En montant à 12 442 m, le Lama a établi en 1972 le record mondial d'altitude atteinte par un hélicoptère, record qu'il continue à détenir. À l'opposé, son aptitude à voler à très basse altitude en fait un outil précieux pour l'agriculture, en permettant d'assurer l'épandage sur les champs. Commercialisé depuis 1997, l'Écureuil B 3 fait aujourd'hui figure de successeur du Lama.
Cependant, le principal rôle civil de l'hélicoptère est le service médical d'urgence. Souple d'utilisation et rapide, il est un véritable ambulancier de l'air. C'est aussi le véhicule idéal de liaison rapide entre points d'accès difficiles. Ainsi, la mise en place et l'exploitation des gisements offshore ont suscité un peu partout dans le monde la constitution de véritables flottilles d'hélicoptères destinés à assurer la relève des équipages et le transport de vivres sur les plates-formes pétrolières en haute mer. L'hélicoptère est entré en ville, passant au-dessus des embouteillages, véritable navette aérienne reliant, par exemple, les aéroports de Heathrow et Gatwick, à Londres ; il met vingt minutes là où il faudrait deux heures en voiture.
La maintenance
La complexité technologique des hélicoptères se paie par une maintenance lourde qui impose, suivant les types d'appareils, de une à cinq heures d'entretien par heure de vol, et amène leur coût d'exploitation à un niveau d'autant plus élevé qu'à puissance égale un hélicoptère consomme plus de carburant qu'un avion transportant la même charge (un Puma de l'Aérospatiale, conçu dans les années 1960, par exemple, consommait plus de 600 litres à l'heure). La raison principale d'une maintenance si lourde réside dans le niveau et le nombre très élevé de vibrations que subit un hélicoptère, soumis en permanence à des couples induits par sa voilure tournante et son rotor de queue. C'est pourquoi les ingénieurs ont mis au point des éléments qui sont constitués d'un seul bloc, à l'image de l'axe du rotor réalisé en lamifiés, ou encore du système de variation du pas des hélices, assuré de plus en plus par une seule biellette par pale. De même, l'Aérospatiale a mis au point un rotor arrière caréné de type « fenestron », qui, tout en réduisant le bruit et en améliorant la sécurité, assure sur le plan aérodynamique la poussée anticouple en vol.

 

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LA LUNE

 

 

 

 

 

 

LA  LUNE


CARACTÉRISTIQUES PHYSIQUES DE LA LUNE
diamètre moyen
3 476 km
Masse
73,4 · 1021 kg
Volume
22 · 199 km3
densité moyenne
3,34 (eau = 1)
albédo moyen
0,073
 
CARACTÉRISTIQUES ORBITALES DE LA LUNE
demi-grand axe de l'orbite
  384 400 km
excentricité moyenne de l'orbite
  0,0549
distance minimale au périgée
  356 375 km
distance maximale à l'apogée
  406 720 km
inclinaison moyenne de l'orbite sur l'écliptique
  5,145 3°
inclinaison de l'équateur lunaire sur l'orbite
  6°41’
période de révolution :
- sidérale (retour à la même position dans le ciel par rapport aux étoiles)
- synodique (retour à la même position par rapport au Soleil = lunaison)
 27,321 660 9 j, soit 27 j 7 h 43 min 11,5 s


29,530 588 1 j, soit 29 j 12 h 44 min 2,8 s
période de rotation sidérale
identique à la période de révolution sidérale
Presque toutes les planètes du Système solaire possèdent des lunes, notamment les planètes géantes Jupiter et Saturne qui comptent plusieurs dizaines de satellites naturels, de formes et de tailles très variées.
Introduction

Face cachée de la LuneFace cachée de la Lune
La Lune, seul satellite naturel de la Terre, est, après le Soleil, l'objet le plus lumineux de notre ciel. Cette qualité, jointe à ses éclipses, à son influence sur les marées et aux changements de forme de sa partie brillante (croissant, quartier, etc.), qui ponctuent le temps et servirent dans de nombreuses civilisations comme calendrier, explique l'intérêt précoce des hommes pour cet astre. Sa relative proximité en a fait le seul corps céleste dont la surface a pu être étudiée en détail depuis la Terre, puis le premier à avoir été exploré, récemment, par les hommes, qui ont pu y prélever des échantillons de roches.
Les caractéristiques physiques et astronomiques

La Terre et la Lune depuis MarsLa Terre et la Lune depuis Mars
Seul satellite naturel de la Terre, la Lune est, à plusieurs égards, un objet unique dans le Système solaire. D'un rayon de 1 738 km, elle est quatre fois plus petite et 81,3 fois moins massive que la Terre. Bien qu'il existe dans le Système solaire des satellites à la fois plus gros et plus massifs que la Lune, aucun, excepté Charon, le satellite de Pluton, n'a les mêmes proportions par rapport à sa planète. On peut considérer que le système Terre Lune constitue une véritable planète double.
La Lune décrit autour de la Terre une orbite elliptique. La distance moyenne séparant le centre de la Terre de celui de la Lune est de 384 400 km, soit à peu près 60 rayons terrestres (moins de 1 % de la distance de la Terre à Vénus ou à Mars, même au moment de leur plus grande proximité). La première évaluation correcte de cette distance remonte à l'Antiquité (période alexandrine), mais il fallut attendre le xviiie s. (La Caille et Lalande) pour obtenir une valeur réellement précise par la méthode trigonométrique, ou triangulation. La méthode des échos radar, depuis 1947, puis celle des échos laser réfléchis sur la Lune ont supplanté aujourd'hui la méthode trigonométrique du fait de leur précision largement supérieure. L'orbite de la Lune autour de la Terre est assez fortement elliptique (excentricité 1/18), aussi la distance de la Lune à la Terre varie-t-elle dans des limites notables : au cours de chaque mois, de 356 375 km au périgée à 406 711 km à l'apogée. Le globe lunaire apparaît dans le ciel comme un disque d'un peu plus de 0,5° de diamètre apparent.

Éclipse totale de Lune, décembre 2010Éclipse totale de Lune, décembre 2010
Le plan de l'orbite lunaire est incliné d'un angle variant de 18,2° à 28,6° sur le plan de l'équateur terrestre, et d'un angle de 5° 8' sur le plan de l'écliptique (plan orbital de la Terre) ; la droite d'intersection du plan de l'orbite lunaire avec le plan de l'écliptique est appelée ligne des nœuds du fait qu'elle coupe la sphère céleste en deux points appelés nœud ascendant et nœud descendant. Les nœuds ont un mouvement rétrograde dont la période est 18,6 ans environ.
La durée de la révolution sidérale de la Lune, c'est-à-dire le temps qu'il faut à la Lune pour accomplir une révolution complète autour de la Terre et se retrouver ainsi, vue de la Terre, dans la même position par rapport aux étoiles, est de 27 jours 7 heures 43 minutes 11,5 s (= un mois sidéral). Mais, durant ce laps de temps, la Terre s'est elle-même déplacée sur son orbite autour du Soleil, la Lune ne se retrouve, pour l'observateur terrestre, dans la même direction par rapport au Soleil qu'après un peu plus de deux jours supplémentaires : la durée de la révolution synodique, ou lunaison, au cours de laquelle s'effectue un cycle complet des phases de notre satellite (c'est-à-dire la durée qui sépare deux pleines lunes successives est ainsi de 29 j 12 h 44 min 2,8 s en moyenne, (= un mois synodique).
Cette observation astronomique est très ancienne : ainsi, l'« observatoire préhistorique » de Stonehenge, en Angleterre, comporte deux cercles concentriques, l'un de trente trous et l'autre de vingt-neuf ; en transportant chaque jour une pierre d'un trou au suivant, on se retrouve au point de départ en 59 jours, soit deux mois synodiques à très peu de chose près !
Le déplacement de la Lune dans le ciel est moins facile à repérer que ses changements de forme à cause du mouvement apparent des étoiles, dû à la rotation de la Terre. En une nuit, la Lune semble se diriger vers l'ouest, à peu près comme les étoiles. Mais en l'observant à 24 heures d'intervalle, on constate que, par rapport aux étoiles voisines, elle s'est déplacée (de 26 diamètres environ) vers l'est, et non vers l'ouest. Sa vitesse moyenne sur son orbite est en effet de 1,023 km/s, ce qui correspond à une vitesse moyenne angulaire dans le ciel d'environ 33 minutes d'arc par heure, soit un peu plus que son diamètre apparent.
Ajoutons que des mesures effectuées par réflexion d'un rayon laser ont permis de déterminer que la Lune s'éloigne progressivement de la Terre d'environ 4 cm par an. D'après les lois de Kepler, cet éloignement induit une perte d'énergie du système Terre-Lune d'environ 3 . 1012 watts par an, essentiellement dans l'océan.
Les phases de la Lune

Phases de la LunePhases de la Lune
La Lune est un astre qui n'émet aucune lumière. Elle n'est visible pour nous que parce qu'elle est éclairée par le Soleil. Comme toute sphère éclairée par une source lumineuse lointaine, la Lune présente toujours une moitié brillante – celle tournée vers le Soleil – et une moitié sombre. C'est la partie éclairée de la Lune, visible pour nous à un moment donné, que nous voyons briller dans le ciel. La Lune suit ainsi quatre phases principales, appelées phases lunaires, en environ 4 semaines.
La nouvelle lune

Quand la Lune se trouve entre la Terre et le Soleil (c'est-à-dire à peu près dans la direction du Soleil pour un observateur terrestre : on dit que la Lune se trouve alors en conjonction avec le Soleil), elle tourne vers la Terre sa moitié sombre (non éclairée), et elle est alors invisible pour l'observateur terrestre : on appelle cette phase la nouvelle lune.
Le premier quartier de Lune

Au cours des jours suivants, la forme de la partie éclairée se rapproche progressivement d'un cercle complet et la Lune se lève et se couche avec un retard progressif. Suivant les mois, 6,5 jours ou 7,5 jours après la conjonction, le disque de la Lune se montre sous la forme d'un demi cercle, en partie visible pendant le jour ; c'est le premier quartier.
La pleine lune

Quinze jours environ après la nouvelle lune, la Terre se trouve à peu près entre le Soleil et la Lune ; c'est à minuit qu'elle passe au méridien, c'est-à-dire qu'elle atteint le point le plus élevé de sa course sur la sphère céleste, et elle présente alors entièrement sa moitié éclairée à l'observateur terrestre : c’est la pleine lune.
Le dernier quartier de Lune

Puis la forme circulaire de la partie éclairée du disque décroît progressivement pour se présenter, comme au début de son cycle, sous la forme d'un croissant de même dimension que le premier, mais orienté, pour l'observateur terrestre, en sens inverse. C'est le dernier quartier ; après quoi la Lune, continuant de progresser sur son orbite, entre de nouveau en conjonction avec le Soleil. La lunaison est terminée, et un nouveau cycle commence.
Le bord éclairé de la Lune est toujours situé vers le Soleil, c'est-à-dire vers l'ouest, tant que la Lune grossit, et vers l'est quand elle diminue (ainsi, vue de l'hémisphère Nord, lorsqu'elle « croît » elle affecte la forme d'un D, et celle d'un C lorsqu'elle « décroît », d'où le surnom de « menteuse » qu'on lui donne parfois). Lorsque le croissant de Lune est très fin (avant le premier quartier et après le dernier quartier), la partie obscure de la planète nous apparaît faiblement visible, la nuit. Cette faible lumière d'appoint, ou lumière cendrée, provient de la Terre : c'est de la lumière solaire réfléchie vers la Lune par notre atmosphère et ses nuages. La lumière cendrée est donc le « clair de Terre » sur la Lune.
Le relief lunaire

la face visible de la Lunela face visible de la Lune
Les formations les plus caractéristiques du relief lunaire sont des dépressions circulaires ou polygonales, de dimensions variables : les cratères (ou cirques pour les plus vastes, bordés de remparts montagneux). Les plus grands dépassent 200 km de diamètre, mais les plus petits discernables de la Terre n'excèdent pas 1 km, et l'exploration spatiale en a révélé une multitude d'autres de dimensions moindres. Outre des cratères, on observe à la surface des « mers » lunaires (ou bassins) – dont certains comme Mare Imbrium (mer des Pluies) ou Mare Orientale (mer Orientale), ont plus de 1 000 km de diamètre –, des crevasses (ou rainures), des vallées, des falaises et des pitons rocheux isolés.
L'origine de ces structures résulte directement ou indirectement d'impacts de météorites. En effet, la surface de la Lune n'est pas protégée par une atmosphère, et les objets célestes, qui possèdent une énergie cinétique très importante, la percutent à une vitesse d'environ 2,4 km/s. Lors de l'impact, cette énergie est libérée sous forme d'énergie mécanique et thermique. Les petits et moyens cratères se sont ainsi formés, les roches sous-jacentes étant rejetées vers la périphérie ; dans le cas des plus grands, comme les bassins (dont 29, de plus de 300 km de diamètre, ont été dénombrés), la quantité de chaleur libérée par l'impact fut si importante que les roches constituant le fond du cratère ont fondu et se sont répandues comme des laves avant de recristalliser. Les mers circulaires sont les plus grandes structures morphologiques d'impact rencontrées sur la Lune ; le bassin creusé primitivement a été envahi des centaines de millions d'années plus tard par de la lave venue de l'intérieur du globe lunaire. Des cratères d'origine volcanique ont également été reconnus, mais ils sont peu nombreux.
Le sol lunaire


Le sol de la Lune apparaît jonché de pierres plus ou moins enfoncées dans une couche de poussière, constituée de fins débris rocheux réduits en poudre et épaisse, selon les endroits, de quelques millimètres à une quinzaine de centimètres. Sous le tapis de poussière s'étend une couche de roches brisées, le régolithe (ou régolite), dont l'épaisseur varie entre 2 et 20 m suivant les régions.
Les six missions Apollo qui comportèrent un atterrissage sur la Lune ont permis de récolter quelque 2 200 échantillons de roches lunaires, représentant une masse totale voisine de 400 kg. Il faut y ajouter quelques échantillons prélevés par carottage et rapportés sur la Terre par des engins automatiques soviétiques Luna.
Comme sur la Terre, l'oxygène est l'élément le plus abondant à la surface de la Lune. L'étude des roches lunaires a permis d'y découvrir 75 variétés de minéraux (silicates principalement), représentant seulement 33 espèces distinctes, contre environ 80 dans les météorites et plus de 2 000 sur la Terre.
La structure interne de la Lune

Structure interne de la Lune
Les indications fournies par les sismomètres des vaisseaux Apollo ont permis d'établir le modèle suivant :
– une écorce multicouche épaisse de 60 km environ, pour l'hémisphère visible de la Terre, à 100 km pour l'hémisphère caché ;
– un manteau, épais d'environ 1 000 km ;
– un noyau, de quelque 700 km de rayon, contenant une assez grande quantité de fer. Ce noyau serait plus ou moins pâteux, la température au centre étant estimée voisine de 1 500 °C.
La température à la surface de la Lune

La quasi-absence d'atmosphère entraîne une amplitude thermique pouvant atteindre 100 °C en un point donné de la surface entre le jour et la nuit. Les températures extrêmes relevées atteignent + 117 °C au maximum le jour et − 171 °C au minimum la nuit.
L'origine et l'évolution de la Lune

La Lune s'est formée il y a 4,55 milliards d'années. Peu après, elle se liquéfia sur au moins 200 km de profondeur, et ses divers matériaux constitutifs se répartirent du centre vers la surface par ordre de densité croissante. À peine solidifiée, sa croûte superficielle se trouva bombardée par d'énormes météorites, abondantes à l'époque dans l'espace interplanétaire, qui y creusèrent de grands bassins et provoquèrent une fusion des roches. Cette ère cataclysmique s'acheva il y a 3,9 milliards d'années. La Lune connut ensuite, pendant 800 millions d'années, une grande activité interne. Celle-ci provoqua une seconde fusion en profondeur et la formation de laves basaltiques, qui remontèrent et s'épanchèrent à la surface, remplissant les bassins pour constituer le fond des mers tel qu'on l'observe aujourd'hui.
Depuis quelque 3 milliards d'années, l'activité interne s'est assoupie, les impacts de météorites à la surface sont devenus plus rares, et la Lune s'est lentement refroidie, devenant rigide jusqu'à une profondeur d'au moins 1 000 km.

Collision de corps célestesCollision de corps célestes
La Lune est-elle un morceau de la Terre qui s'est détaché de notre planète, alors que celle-ci était encore fluide ? Constituait-elle initialement une planète indépendante qui fut capturée par la Terre, près de laquelle l'amenait son orbite ? Ou bien s'est-elle formée, par accrétion, à proximité de la Terre, les deux astres ayant, dès l'origine, constitué une planète double. Les résultats de l'analyse des roches lunaires rapportées lors des missions Apollo ont montré qu'aucune de ces trois hypothèses traditionnelles n'était satisfaisante. On admet à présent que la Lune s'est formée à la suite d'une collision tangentielle survenue entre la Terre et un autre corps du Système solaire, d'une masse au moins égale à celle de Mars, à la fin de l'époque de la formation des planètes, alors que la Terre présentait déjà une structure différenciée, avec un noyau ferreux entouré d'un manteau rocheux. Sous l'effet de la collision, des lambeaux du manteau terrestre auraient été projetés dans l'espace ; mais ils auraient perdu la plupart de leurs éléments volatils en raison du dégagement de chaleur. Ces fragments de matière se seraient ensuite dispersés en anneau autour de la Terre avant de se réagglomérer très rapidement pour donner naissance à la Lune.
L’exploration de la Lune

Les Soviétiques ont inauguré l'exploration de la Lune avec, entre autres, la série des sondes Luna. Ainsi, Luna 2, lancée le 12 septembre 1959, fut le premier engin à atteindre la Lune ; Luna 3 transmit les premières photos de la face cachée, également en 1959. En 1970, Luna 16 préleva et achemina vers la Terre des échantillons du sol lunaire.
Mais les premiers à marcher sur la Lune furent les Américains. Six missions Apollo, d'Apollo 11 à Apollo 17, s'y succédèrent, sur les sept initialement prévues. La plus célèbre de ces missions reste la première, qui vit le débarquement sur le sol lunaire de Neil Armstrong, le 21 juillet 1969 suivi par son compagnon Edwin Aldrin.
Au cours des six missions effectuées, les astronautes se livrèrent à un certain nombre d'expériences scientifiques dites ALSEP (Apollo lunar surface experiments [« expériences Apollo sur le sol lunaire »]).
Les missions Apollo ont permis de ramener 388 kg de roches lunaires et d'installer des capteurs sismiques analysant les ondes produites par les impacts météoritiques, des capteurs mesurant les fluctuations des champs magnétiques, des détecteurs de particules alpha et de rayonnement gamma et ont élaboré une cartographie à haute résolution de la Lune.
Trois sondes Ranger ont transmis 17 267 images du sol lunaire ; les sondes Surveyor en ont fourni plus de 86 000, et des milliers de données radar et de mesures de température.

La sonde Lunar Prospector
Lancée depuis la fusée Athena II, le 11 janvier 1998, la sonde américaine Lunar Prospector, après avoir été mise en orbite autour de la Lune, a détecté, en mars 1998, la présence d'eau sous forme de glace aux deux pôles de la Lune. Cette sonde avait également pour mission de dresser le premier atlas géochimique de notre satellite. Grâce à un spectromètre gamma, elle a pu ainsi localiser les gisements de métaux et minerais enfouis à plusieurs mètres de profondeur, tandis qu'un spectromètre alpha lui permettait de détecter les différents gaz présents. L'analyse de ces relevés devrait ainsi permettre de confirmer une éventuelle activité tectonique de la Lune. Dans une deuxième phase de sa mission, entamée en février 1999, Lunar Prospector, dont l'orbite avait été abaissée à une dizaine de kilomètres du sol lunaire, après avoir scruté le cratère Aitken, à l'intérieur duquel la présence d'eau sous forme de plaques de glace avait été précédemment détectée, a été chargée d'établir une cartographie des astéroïdes enfoncés dans le sol lunaire. L'étude de ces « mascons » (concentrations de masse se traduisant localement par une augmentation du champ gravitationnel de la Lune) devrait permettre d'affiner la modélisation de l'intérieur de notre satellite.
De nouvelles données concernant la surface lunaire (minéralogie, composition chimique, etc.) ont été fournies par la sonde européenne Smart 1, après sa mise en orbite autour de la Lune en 2005, ainsi que par la sonde japonaise Selene (Kaguya), qui décrit depuis octobre 2007 une orbite survolant les pôles lunaires, et la sonde chinoise Chang'e, placée en orbite autour de la Lune en novembre 2007. On attend beaucoup aussi de la sonde indienne Chandrayaan 1, lancée le 22 octobre 2008, qui doit étudier la Lune en orbite pendant deux ans, à 100 km d'altitude seulement, et larguer un impacteur sur le sol lunaire. Par ailleurs, en janvier 2004, le président des États-Unis George W. Bush a annoncé la reprise des missions humaines américaines sur la Lune à partir de 2015.
Fin 2013, le module contenant le premier véhicule d'exploration lunaire téléguidé chinois, baptisé « Lapin de jade », s'est posé sur la Lune. C'est la troisième nation à réussir un alunissage en douceur après les États-Unis et l'URSS. Cette mission, qui fait partie d'un ambitieux programme spatial, est chargée d'effectuer des analyses scientifiques, notamment géologiques.

 

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